La CEDEAO lève les sanctions contre le Mali
Les chefs d’Etat et de gouvernement de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest a fait un grand pas envers l’équipe qui dirigera le Mali pour les 18 prochains mois. Cependant, ils exigent la dissolution de l’’équipe formée par la junte au pouvoir depuis le coup de force ayant mené à la chute de l’ancien président Ibrahim Boubacar Keïta.
Le retour à la normale se précise pour le Mali. Les chefs d’Etat et de gouvernement de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ont annoncé la levée des sanctions économiques contre le pays instaurées depuis le renversement du président Ibrahim Boubacar Keïta le 18 août 2020. Ceci, en prenant en compte les ‘’avancées notables vers la normalisation constitutionnelle et pour soutenir ce processus’’.
Dans la note signée par le chef d’Etat du Ghana, Nana Addo Dankwa Akufo-Addo, Président de la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO, l’organisation appelle, en même temps, ‘’tous les partisans bilatéraux et multilatéraux à soutenir le Mali’’.
Cette décision était attendue depuis quelques jours. Elle devait faire suite à la nomination d’un Premier ministre civil. Le 27 septembre dernier, le diplomate et ancien ministre des Affaires étrangères, Moctar Ouane, avait hérité de ce poste dans la nouvelle équipe chargée de diriger la destinée des Maliens jusqu’à l’organisation de nouvelles élections.
Ce lundi 5 octobre, la désignation d’un nouveau gouvernement a été faite en direct à la télévision publique, ORTM, par le secrétaire général de la présidence, Sékou Traoré. Mais ce n’est qu’hier que la déclaration datée au 5 octobre 2020 a officiellement desserré le goulot d’étranglement sur l’économie malienne. Ceci, seulement après que l’organisation sous régionale se soit assurée de quelques garanties sur l’application de ses décisions sur la composition de la transition.
Après avoir reçu la charte de la transition publiée au ‘’Journal officiel de la République du Mali’’, le 1er octobre 2020, les chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO ont constaté qu’elle prend en compte les décisions de l’organisation sous-régionale qui voulait le retrait des dispositions permettant au vice-président de remplacer le président de la transition, la limitation de la durée de la transition fixée à 18 mois et la détermination des responsabilités du vice-président de la transition chargé de la sécurité et de la défense.
Dans la version de la charte qui circulait sur les réseaux sociaux, le vice-président, le chef des putschistes du 18 août, peut remplacer, en cas d’empêchement, le président de transition. Pour la CEDEAO, il n’en est pas question.
Des militaires à des postes stratégiques
En prenant acte ‘’de la nomination et de l’investiture de monsieur Bah N’Daw en tant que président de la transition’’, de ‘’monsieur Moctar Ouane, un civil, comme Premier ministre de la transition’’, les chefs d’Etat et de gouvernement espèrent que ces deux choix devraient mener à la formation d’un gouvernement.
Depuis la prise de pouvoir au Mali par les militaires, la CEDEAO garde toujours une position contre le maintien des soldats à la tête du pays. D’abord, en exigeant le repositionnement de l’ancien président pour terminer le reste de son mandat. Ensuite, en instaurant des sanctions économiques comme garanties de voir des civils occuper les premiers rôles dans la transition.
Toutefois, les militaires ont préempté pas moins de quatre portefeuilles stratégiques dans le nouveau gouvernement. Il s'agit de la Défense, la Sécurité, la Réconciliation nationale et l'Administration territoriale. Parmi les militaires qui entrent au gouvernement, on retient la personnalité du colonel Sadio Camara, un des dirigeants de l'ex-junte. Il devient ministre de la Défense. Il a notamment été directeur du Prytanée militaire de Kati, en périphérie de Bamako, où est situé le camp militaire d'où est parti le coup d'État. Un autre chef de l'ex-junte, le colonel Modibo Koné, décroche le ministère de la Sécurité et de la Protection civile. Le porte-parole de l'ex-junte, le colonel-major Ismaël Wagué, qui avait annoncé en pleine nuit à la télévision la prise du pouvoir par l'armée, obtient le portefeuille de la Réconciliation nationale. Un autre militaire, le colonel Abdoulaye Maïga, prend la tête de l'Administration territoriale.
La dissolution du comité national pour le salut du peuple réclamée par les chefs d’Etat
Malgré la réintégration dans la CEDEAO et la réouverture des frontières des pays de l’organisation au Mali, les chefs d’Etat et de gouvernement demandent aux nouvelles autorités de la transition de mettre en œuvre les autres décisions du sommet, ‘’en particulier la libération de tous les officiels militaires et civils arrêtés depuis le 18 août 2020 et la dissolution du Comité national pour le salut du peuple (CNSP)’’.
Une manière de solder les comptes avec la junte ? En tout cas, ils ne voient plus son utilité, maintenant que l’équipe de la transition a été mise en place. Toutefois, elle attend encore la formation du gouvernement de Moctar Ouane.
Lamine Diouf