Publié le 28 Feb 2023 - 19:53
FRANCE-AFRIQUE

Macron fixe le nouveau cap !

 

Ne pas prendre les gens pour des imbéciles ; assumer clairement que la France défend des intérêts dans une démarche de partenariat respectueux et équilibré, être pragmatique et prendre l’Afrique au sérieux. Voilà quelques lignes de la stratégie de la France en Afrique déclinée, hier, par le président Emmanuel Macron, à la veille d’une tournée qui le mènera dans quatre capitales africaines.

 

Fini les logiques paternalistes, en route pour des relations partenariales plus équilibrées. C’est du moins l’ambition réitérée, hier, par le président français Emmanuel Macron, à la veille d’une nouvelle tournée africaine qui va le mener au Gabon, en Angola, au Congo et en République démocratique du Congo. À en croire Macron, il s’agira aussi de démontrer que la France peut mener des partenariats ‘’concrets et pragmatiques’’.

Il affirme : ‘’Dès cette année, un fonds de 40 millions d’euros sera mis à la disposition de nos ambassades dans les pays d’Afrique francophone, pour faire la démonstration que nous pouvons faire cette transformation. Et c’est la mission que je donne à nos ambassadeurs : démontrer que notre partenariat est concret et piloter une communication offensive, au fond décomplexée, mais sans arrogance.’’

En fait, assume le président français, son pays doit aller vers cette transformation, parce qu’elle a des intérêts à défendre. ‘’Quand on parle d’Afrique, souligne-t-il, il faut le dire clairement, parce que ça va beaucoup mieux en le disant. C’est ça un partenariat réciproque et équilibré. C’est qu’on ne prend pas les gens pour des imbéciles ; on ne dit pas qu’on arrive chez vous pour faire le bien chez vous, à votre place, parce que vous ne seriez pas capables de savoir ce qui est bien pour vous, de le penser ou de le faire par vous. Non. On vient défendre nos intérêts et on le fait de manière respectueuse avec les intérêts des pays africains où l’on se déploie’’.

Mais c’est quoi donc ces intérêts que la France compte défendre en Afrique ? Dans son exposé, Emmanuel Macron liste la démocratie et la liberté, la culture, l’éducation, le sport, l’économie, entre autres. ‘’La France, se défend-il, est un pays qui soutient en Afrique comme ailleurs la démocratie et la liberté ; un pays qui parle à tout le monde, y compris aux opposants politiques ; un pays qui préfère des institutions solides aux hommes providentiels ; un pays qui considère que les putschs militaires ne seront jamais des alternances démocratiques… Aussi, notre rôle n’est pas d’imposer nos valeurs ou de les proclamer, mais de contribuer à ce que des réseaux d’intellectuels et d’acteurs civiques la fassent vivre en s’inspirant des pratiques démocratiques de leurs sociétés’’.

C’est ainsi un changement radical de paradigme prôné par le président français, qui compte placer au cœur de ce partenariat les liens entre les peuples français et sénégalais, avec une implication des acteurs de la société civile et des entrepreneurs. L’ambition de la France, assume également Emmanuel Macron, elle est économique.

À ce titre, il n’a pas manqué d’interpeller ses champions sur le continent. ‘’Notre partenariat économique est certes solide, mais nous avons besoin d’être lucides sur notre présence économique sur le continent africain et la manière dont elle est vue. Nous sommes dans une position qui ne va pas dans la bonne direction. Et pour une bonne partie, c’est de notre faute. Parce que nous avons trop souvent eu une logique de rente dans notre rapport au continent africain. On a souvent considéré que même quand on faisait mal, même quand on était plus cher, même quand les solutions de financement étaient moins bonnes, on allait continuer d’être pris’’.

‘’Je ne défendrai plus les entreprises qui ne sont pas prêtes à se battre.’’

Les temps, à son avis, ont beaucoup changé. L’Afrique est devenue une terre de compétition. ‘’Il y a des gens qui font la compétition avec d’autres armes, que je récuse et on se bat contre… Nous avons aujourd’hui encore trop de nos entreprises qui ne produisent pas des travaux de meilleure qualité, parce que c’est l’Afrique. Ça ne marchera plus ! Et je vous le dis en toute sincérité. Je ne défendrai plus les entreprises qui ne sont pas prêtes à se battre. Il faut qu’on ait un réveil du monde économique français, pour se dire qu’on doit aller se battre. Et quand on a un contrat, il doit être délivré en temps et en qualité’’, a-t-il ajouté, prônant un réveil collectif de ses compatriotes, car, constate-t-il ‘’d’autres pays qui étaient moins présents que nous (la France) il y a quelques années et qui ne sont pas mieux armées que nous sont en train de prendre des positions, simplement parce qu’ils prennent les pays africains au sérieux’’.

Dans la même veine, le président français a émis le souhait d’une co-industrialisation menée par une nouvelle génération d’entrepreneurs français, africains, franco-africains. ‘’C’est le sens même du programme Pass Africa qui va nous permettre de développer l’entrepreneuriat, d’aider les nouveaux acteurs et de tirer profit, dans un sens très pragmatique, du fait que la France est aussi forte de sa diaspora qu’elle a aussi un réseau d’entrepreneurs qui ont un pied sur le continent… Nous réussirons ce nouveau partenariat si nous assumons la place d’africanité de la France, le rôle et la place de nos diasporas, et si nous assumons que la France n’a plus de précarré en Afrique. Elle a des devoirs, des intérêts, des amitiés qu’elle veut bâtir, poursuivre, renforcer pour mener des politiques solides dans chaque domaine’’, a soutenu le président français qui a ajouté n’avoir ‘’aucune nostalgie’’ de la Françafrique, même s’il ne veut pas laisser une absence ou un vide derrière elle. Il a également annoncé pour juin un sommet sur les relations entre le Nord et le Sud.

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Un nouveau modèle de partenariat militaire

Réduire les effectifs dans les bases de la France en Afrique, réorienter la philosophie de ces bases et former davantage les personnels africains. Tel est la nouvelle politique de l’ancienne puissance coloniale. Le président français prévient aussi les dirigeants africains que le rôle de la France n’est pas de régler toutes les situations en Afrique, de constituer une ‘’assurance-vie’’ pour les dirigeants.

Dans ce nouveau paradigme tracé par le président français, la coopération militaire et sécuritaire a certes une place, mais elle s’appuiera sur de nouvelles bases. D’après Emmanuel Macron, pour réussir ce nouveau pari, il faut d’abord bâtir un nouveau modèle de partenariat militaire. La logique, selon lui, c’est que le modèle français ne doit plus être celui des bases militaires telles qu’elles existent aujourd’hui. ‘’Demain, a-t-il affirmé, notre présence s’inscrira au sein de bases, d’écoles, d’académies qui seront cogérées, fonctionnant avec des effectifs français qui demeureront à des niveaux moindres et des effectifs africains qui pourront accueillir, si les partenaires africains le souhaitent et avec leurs conditions, d’autres partenaires. Cette transformation débutera dans les prochains mois, sur le principe de la co-construction, avec une diminution visible de nos effectifs et, de manière concomitante, une montée en puissance de la présence dans ces bases de nos partenaires africains’’.

À l’en croire, cela suggère que les partenaires africains formulent leurs besoins militaires et sécuritaires, qu’ensuite que la France augmente son offre de formation, d’accompagnement, d’équipement aux meilleurs niveaux.

Pour la France, c’est ainsi la fin d’un cycle : celui de la prééminence sécuritaire qui, selon Macron, serait à la base de certains amalgames parce qu’utilisés par leurs opposants sur le continent. Comme pour répondre à ceux qui imputent à son pays l’échec de la lutte contre le terrorisme dans le Sahel, il déclare : ‘’Ce n’était pas le rôle de la France d’apporter, seule, des réponses politiques qui devaient prendre le relai de la réponse militaire. Nous avons, malgré nous, assumé une responsabilité exorbitante. Cela nous vaut aujourd’hui d’être l’objet, par amalgame, du rejet qui frappe une classe politique malienne qui a échoué à redresser son pays. C’est ce piège qui pourrait, si nous n’y prenons pas garde, se reproduire ailleurs… C’est pourquoi, en aucun cas, je ne laisserai le sacrifice de nos militaires être à nouveau entaché du même amalgame. Et en aucun cas, je ne laisserai se reproduire cette situation où, par un engrenage de déresponsabilisation et de substitution, la France devient le bouc émissaire idéal’’.

En ce qui concerne les bases militaires françaises, il a estimé que telles qu’elles sont aujourd’hui, elles constituent un prétexte pour les opposants de la France, mais aussi pour ne pas régler les problèmes politiques sur le terrain. ‘’Quand il y a des bases avec beaucoup de militaires, on peut se dire qu’il y a là une assurance vie. Ce n’est pas la peine de traiter politiquement un problème qu’on a. la France n’est pas une assurance-vie aux règlements des problèmes politiques des différents pays. Je le dis très clairement. Et le rôle de la France n’est pas de régler toutes les situations en Afrique ; je le dis tout aussi clairement et humblement.’’

Par ailleurs, Emmanuel Macron a soutenu l’idée de passer d’une logique d’aide à une logique d’investissement solidaire, pour barrer la route au récit qui est en train de s’installer et qui tente d’opposer un Nord supposément occidental et un Sud global.

‘’Je crois profondément que c’est faux et nous devons démontrer le contraire. Et nous l’avons démontré d’ailleurs par une méthode nouvelle que nous avons commencée avec le G7 de Biarritz qui a été fait avec les pays africains. Nous l’avons aussi fait à Bally. Nous allons consolider ce passage de la logique d’aide à celle d’investissement solidaire lors du sommet que nous allons organiser le 23 juin à Paris, sur le nouveau partenariat Sud-Nord, pour inventer un nouveau pacte, pour dessiner une nouvelle architecture financière internationale, permettant de lutter contre les inégalités et de financer la transition climatique’’.

Au fond, indique le président, il s’agira ‘’de dire très clairement, dans tous ces domaines, que l’Afrique n’est pas un précarré et encore moins un continent où les Européens et les Français pourraient dicter un cadre de développement, mais un continent où nous devons bâtir des relations respectueuses, équilibrées et responsables pour lutter ensemble sur des causes communes, défendre nos intérêts et aider les pays africains à réussir. Voilà pour moi les termes mêmes de ce partenariat renouvelé que nous souhaitons, qui est l’inverse des logiques de prédation, qu’elles soient militaires et sécuritaires ou qu’elles soient financières, poussées aujourd’hui par d’autres pays’’. 

 

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