L’accaparement des terres, un obstacle à la croissance agricole
Dans beaucoup de pays Africains, dont le Sénégal, certaines couches vulnérables n’ont pas accès à la terre. Ces terres sont spoliées au profit d’investisseurs nationaux ou internationaux. Pour accroître leur production agricole, les pays africains doivent mettre fin à cet ''accaparement des terres'', indique un rapport de la Banque mondiale.
Le phénomène dit ''accaparement des terres'' freine le développement du secteur agricole en Afrique. Ce qui ressort d'un nouveau rapport de la Banque mondiale intitulé ''Securing Africa’s Land for Shared Prosperity'' (garantir l'accès à la terre en Afrique pour une prospérité partagée) rendu public hier. L'étude invite ainsi les pays africains et les communautés à ''mettre fin'' à cette spoliation, tout en notant que jusque-là, le continent n’est pas parvenu à développer les 202 millions d’hectares de terres disponibles pour ''mieux lutter contre la pauvreté, générer de la croissance, créer des emplois et promouvoir une prospérité partagée''.
En 2010, la Banque mondiale estimait l'accaparement des terres à plus de 46 millions d'hectares, dont les 2/3 concernent l'Afrique subsaharienne. Alors que cela ne représentait que 4 millions d'hectares avant 2009, le phénomène s'est accéléré entre octobre 2008 et août 2009 à la faveur de la crise alimentaire mondiale. Souvent acquis sous forme de baux de 25 à 99 ans, ces terres ''confisquées'' servent pour une part importante à la culture de biocarburant.
Au Sénégal, l'Institut panafricain pour la citoyenneté, les consommateurs et le développement en Afrique (Cicodev-Afrique) notait en 2011, qu'en dix ans, 650 mille hectares de terre avaient été octroyés à des privés nationaux et étrangers. Le directeur exécutif de l'Ong, Amadou Kanouté, précisait que cela représentait 17% des terres cultivables du pays. Il avait déclaré qu'''il faut faire le point avec un moratoire immédiat, ou un arrêt de l’acquisition des terres à grande échelle''.
Le rapport de la Banque mondiale abonde dans le même sens : ''Les pays africains doivent mettre fin à l’accaparement des terres, accroître leur production agricole et améliorer leurs perspectives de développement, s’ils parviennent à moderniser, au cours de la décennie, les procédures complexes qui régissent le droit foncier et la gestion des terres en Afrique.''
90% des terres non enregistrés
A en croire le communiqué faisant l'économie du rapport, ‘’90% des terres rurales agricoles en Afrique ne sont pas enregistrés et seuls 10% le sont déjà. Ce qui est à l’origine de l’accaparement des terres et de l’expropriation, sans dédommagement substantiel’’.
Cette absence de gouvernance foncière fait que ‘’le transfert de propriété prend deux fois plus de temps et coûte deux fois plus cher par rapport aux pays industrialisés’’, d'après le document. Lequel cite Makhtar Diop, vice-président de la Banque mondiale pour la Région Afrique, qui invite à améliorer la gouvernance foncière, soutenant que c'est ''un impératif pour accélérer la croissance économique et faire en sorte qu’elle s’accompagne d’une réduction sensible de la pauvreté et créer plus d’opportunités pour les Africains, notamment pour les femmes qui représentent 70 % des exploitants agricoles du continent mais n’ont pas toutes accès aux terres à cause des lois coutumières''. Et de faire ce constat terrible : ''Malgré ses abondantes richesses en terre et en ressources minières, l’Afrique reste pauvre''.