Les Etats-Unis et le Sénégal font front commun
Face à une criminalité transnationale organisée et qui n’épargne aucun pays, le ministre de l’Intérieur et l’ambassadeur des Etats-Unis au Sénégal plaident pour la mise en place de mécanismes de coopération internationale.
La Conférence nationale sur la sécurité collaborative, organisée par l’ambassade des Etats-Unis d’Amérique à Dakar, en partenariat avec le Bureau international de lutte contre les stupéfiants et l’application de la loi et l’Institut des Etats-Unis pour la paix (Usip) a été présidée, hier, par le ministre de l’Intérieur. Antoine Felix Diome a fait remarquer que la problématique du renforcement de la sécurité mobilise, partout dans le monde, les intelligences, afin de définir les stratégies les plus optimales, susceptibles de garantir, durablement et efficacement, la sauvegarde de la paix et la protection des personnes et des biens.
‘’La sécurité est, pour tout citoyen épris de paix, un besoin légitime. A cet égard, la Constitution sénégalaise, en son article 7, garantit à tout individu le droit fondamental à la vie, à la liberté, à la sécurité, au libre développement de sa personnalité, à l’intégrité corporelle, notamment à la protection contre toute mutilation physique’’, dit-il.
Selon le ministre, ‘’les défis sécuritaires sont multiformes et appellent des réponses au plan juridique, institutionnel, stratégique, opérationnel et communautaire. En 2013, le président de la République, Macky Sall, a créé l’Agence d’assistance à la sécurité de proximité (ASP) dont la mission principale, centrée sur la prévention, est de favoriser et de mettre en œuvre une approche intégrée, participative et inclusive de la sécurité, à travers un partenariat dynamique entre les différents acteurs concernés par le phénomène de la délinquance. Au plan opérationnel, l’agence d’ASP a effectué, en rapport avec les autorités administratives déconcentrées et les élus locaux, des diagnostics locaux de sécurité (DLS). Aujourd’hui, elle compte dans ses effectifs plus de 8 000 assistants de sécurité de proximité répartis sur l’étendue du territoire national’’.
Cette nouvelle vision sécuritaire accorde une place de choix à la collaboration entre les collectivités territoriales, les forces de sécurité et les autorités administratives, poursuit le ministre, les forces de sécurité, chargées de la protection des personnes et des biens sont appelées à rechercher la collaboration avec les populations en matière de police administrative et judiciaire, dans le respect des lois et règlements en vigueur. D’où la pertinence et tout l’intérêt, dit-il, que revêt la présente conférence nationale.
Cette sécurité collaborative, souligne le ministre Antoine Félix Diome, permet d’adapter le système de sécurité sénégalais aux enjeux actuels et futurs, en le rendant plus dense, grâce à l’apport bienveillant des populations. ‘’C’est ainsi compris que notre Etat fera face aux nouvelles formes de délinquance, au trafic de drogue, à la cybercriminalité, à la traite des personnes, à la criminalité transfrontalière, au terrorisme, etc. Toutefois, les citoyens doivent être conscients de leur devoir, qui est celui de défendre la patrie contre toute agression et de contribuer à la lutte contre les violations de la loi, en vertu des dispositions de l’article 25-3 de la Constitution’’.
A ses yeux, cette Conférence nationale sur la sécurité collaborative constitue un cadre ouvert de discussions entre les acteurs concernés par cette problématique. Car, déclare-t-il, ‘’la criminalité transnationale organisée n’épargne aucun pays, d’où la responsabilité commune des Etats de créer des mécanismes de coopération internationale, d’échange d’expériences et de partage de bonnes pratiques. La Conférence nationale sur la sécurité collaborative qui s’ouvre aujourd’hui en est une parfaite illustration. Vos travaux vont sans doute aboutir à des recommandations qui feront l’objet d’une bonne exploitation’’.
Grande criminalité et terrorisme
Aux propos du ministre de l’Intérieur, l’ambassadeur des Etats-Unis d’Amérique au Sénégal a renchéri que la sécurité collaborative est une approche d’application de la loi et de gouvernance sécuritaire pour une meilleure collaboration et une prise en compte plus appropriée des préoccupations des citoyens, tout en s’appuyant sur une stratégie de sécurité basée sur la transparence, la responsabilité, l’efficacité, l’anticipation et la prévention. Le Dr. Tulinabo S. Mushingi est d’avis que le fait de renforcer la sécurité humaine et de répondre aux problèmes de sécurité, selon une approche centrée sur le citoyen, permet de transformer les relations et les perceptions entre citoyens et forces de sécurité.
‘’Dans le contexte actuel de grandes mutations socio-politiques sur le plan global et à l’échelle régionale, marqué par des menaces multiformes et multidimensionnelles, les défis sécuritaires, notamment la grande criminalité et le terrorisme, apparaissent comme l’un des problèmes les plus sérieux des démocraties modernes (comme le Sénégal), contre lequel une lutte efficace ne peut être envisagée que de manière exhaustive, collaborative et inclusive. Le Plan Sénégal émergent a, à juste titre, placé la sécurité publique au cœur des problématiques et des enjeux d’émergence et de développement du pays. En effet, au vu de son développement exponentiel et de la complexité des trafics criminels dans la sous-région, notamment dans le Sahel, la Lettre de politique sectorielle du ministère de l’Intérieur préconise un réajustement stratégique en rendant davantage opérationnelle la politique de sécurité de proximité bâtie autour de la prévention et du partenariat actif entre l’Etat, les collectivités locales, les communautés et les acteurs de la vie sociale’’, indique l’ambassadeur.
‘’… Répondre aux besoins du Sénégal face aux menaces multiformes et plurielles’’
Le Dr. Tulinabo S. Mushing est convaincu que la lutte contre l’insécurité ne sera gagnée que dans un environnement favorable à la coopération, la collaboration et la mutualisation de tous les efforts et les moyens. La sécurité, c’est donc l’affaire de tous !
Fort de ce constat et s’inscrivant dans le sillage du cadrage stratégique du gouvernement du Sénégal, précise-t-il, l’ambassade des Etats-Unis au Sénégal a apporté, depuis bientôt cinq ans, son appui à la mise en œuvre de la gouvernance sécuritaire de proximité, à travers les programmes de dialogue sur la justice et la sécurité (JSD) implémentés par l’Institut américain pour la paix (Usip), la Stratégie de police de proximité (Cops) mise en œuvre par Strategic Capacity Group (SCG) et l’Initiative pour la sécurité routière au Sahel mise en œuvre par l’organisation non-gouvernementale locale, Partners West Africa-Sénégal (PWAS).
‘’Dans le cadre de la mise en œuvre de ces différents projets, des efforts particuliers ont été déployés pour appuyer le renforcement de la gouvernance de la sécurité et des politiques et pratiques de sécurité collaborative dans les communautés cibles, à travers la mise en place d’instances de concertation et de dialogue visant à améliorer la collaboration entre les services de sécurité intérieure, la population et les organisations civiques et religieuses. Cette orientation s’est traduite par l’adoption, par la police, la gendarmerie et l’ASP d’une doctrine harmonisée de police de proximité et par l’élaboration de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la délinquance juvénile et la création, par l’ASP, de mécanismes communaux et départementaux de sécurité de proximité. Au niveau local, des initiatives pilotes de renforcement de la sécurité collaborative ont été menées pour créer des dynamiques de concertation locale sur les questions de sécurité, sur la base des diagnostics locaux de sécurité (DLS) et des contrats locaux de sécurité (CLS)’’, annonce l’ambassadeur.
Selon qui, il apparaît qu’en dehors des localités touchées par cette dynamique, les populations restent peu conscientes du rôle qu’elles peuvent jouer pour combattre l’insécurité et, de manière générale, la société civile et la population au sens large sont insuffisamment engagés dans les débats, réformes et initiatives nationaux ayant trait à la sécurité.
Le diplomate américain indique aussi que les projets mentionnés plus haut ne représentent qu'un élément de leur vaste et holistique partenariat avec le Sénégal en matière de sécurité, avec une programmation annuelle d’environ 20 à 35 millions de dollars. D’autres projets du portefeuille, renseigne-t-il, se concentrent sur la lutte contre la criminalité transfrontalière y compris la lutte contre le trafic de la drogue, le trafic humain, la cybercriminalité, le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.
‘’Il convient aussi de signaler nos activités de capacitation des acteurs de la chaîne pénale, notamment les juges et les greffiers, et le programme de renforcement de la sécurité au niveau des frontières. En dernier lieu, je voudrais signaler notre vaste coopération militaire, conçue pour répondre aux besoins du Sénégal face aux menaces multiformes et plurielles. Il nous faut, plus que jamais, saisir l’opportunité de cette conférence, pour nous engager individuellement et collectivement à faire de la lutte contre l’insécurité, sous toutes ses formes, une priorité en vue de la consolidation de la paix, de la stabilité et de la cohésion sociale qui sont des conditions indispensables à l’émergence économique’’, a exhorté le Dr. Tulinabo S. Mushing.
CHEIKH THIAM