Celui qui pouvait empêcher l’assassinat de Kennedy
Lorsque, dix ans après la tragédie de Dallas, Clarence Kelley est nommé par Nixon à la tête du FBI, son principal souci est de redonner à la police fédérale américaine sa respectabilité. Une respectabilité que Hoover, avec ses méthodes de plus en plus contestées, lui avait fait perdre après 48 ans d'un pouvoir exclusif, autoritaire et partisan. L'une des premières initiatives de Kelley est d'ouvrir dans les archives de son administration les nombreuses pièces consacrées à l'assassinat du président Kennedy. "Le dossier du FBI sur le sujet est le plus volumineux que possède le bureau sur un crime donné", dira-t-il plus tard. Dans cette marée de notes et de rapports, Kelley et ses services vont découvrir quelques pépites.
D'abord sur le voyage de Lee Harvey Oswald à Mexico, quelques semaines avant qu'il ne tire sur le président. Kelley découvre ainsi une lettre de Hoover, qu'il prétendra avoir envoyée à la commission Warren, mais que celle-ci, le listing des documents réceptionnés en témoigne, n'a jamais reçue. Dans cette lettre, le patron du FBI reconnaissait avoir appris que, pendant ce voyage, Oswald avait rencontré des diplomates cubains et même un agent du KGB, bien connu des services américains, Valery Kostikov. Devant ses interlocuteurs et en différentes circonstances, le futur assassin aurait fait mention de son intention de tuer le président Kennedy. Cela ne veut pas dire pour autant que les Soviétiques ou les Cubains aient alors décidé d'aider l'ancien marine, un peu illuminé, qui leur tenait ce discours. Mais ils ne l'ont sans doute pas non plus dissuadé de faire ce qu'il projetait.
Lettre menaçante
Et surtout, compte tenu de ce que Hoover avait appris, de l'enquête de la CIA et de ses propres agents à Mexico, la logique voulait évidemment qu'il en avertisse ceux qui pouvaient surveiller Oswald là où il était revenu, après son voyage en Amérique centrale, donc le bureau du FBI à Dallas. Or, Hoover n'en fait rien, alors que ses services exercent une surveillance, mais de routine, sur cet ancien marine, un temps transfuge en URSS et qui est revenu au pays avec une femme russe. Un contrôle qui doit malgré tout être gênant pour celui qui en est l'objet. Au point que début novembre 1963, quelques jours avant son geste fatal, Lee Harvey Oswald, furieux, avait fait irruption dans le bureau du FBI à Dallas et y avait laissé une note menaçante, se plaignant de la surveillance exercée sur lui et sa famille.
Cette note est reçue par l'agent James Hosty, qui suit le dossier d'Oswald. Mais comme personne à l'antenne du FBI de Dallas n'est au courant de son voyage à Mexico ni des gens inquiétants qu'il y a rencontrés et encore moins des propos menaçants qu'il y a tenus, Oswald repart sans qu'aucune suite soit donnée à sa démarche. Et surtout, sans que Hosty ou ses supérieurs réagissent et renforcent les mesures de contrôle sur l'ancien marine. Alors que l'on sait déjà que le président Kennedy doit passer par Dallas le 22 novembre...
Documents brûlés puis jetés dans les toilettes
Il faudra d'ailleurs attendre 1973 pour connaître l'existence de cette note et de la démarche d'Oswald à l'antenne du FBI. Car après l'assassinat de JFK, et sur les conseils de son chef Gordon Shanklin, l'agent James Hosty va faire disparaître dans les toilettes, après les avoir brûlés, tous les documents en possession du FBI de Dallas sur Oswald, dont la fameuse note remise par l'assassin quelques jours avant son geste.
La raison de cette destruction est simple : comme le raconte Philippe Shenon dans son livre Anatomie d'un assassinat, les deux agents du FBI ont été effrayés à l'idée que la police fédérale avait eu l'assassin à portée de main et l'avait laissé filer. Et, dira plus tard Kelley, ils ont surtout été paniqués à l'idée que, si Hoover l'apprenait, leur carrière au FBI était terminée. En réalité, selon le successeur de Hoover, Hosty est une victime. Si l'antenne de Dallas avait été informée de ce que Hoover savait sur Oswald, il ne fait pas de doute que le bureau aurait pris toutes les mesures nécessaires pour le neutraliser. Le vrai complot est là : Hoover n'a rien fait pour éviter le drame de Dallas.