Publié le 5 Jul 2024 - 19:12
INDÉPENDANCE DE LA JUSTICE

Les conclusions et constats effarants des assises

 

Face aux conditions actuelles qui rendent ‘’chimérique’’, voire ‘’impossible’’ toute volonté de bâtir un État de droit, les assises nationales, sous la supervision du ministère de la Justice, prescrivent des mesures fortes pour un meilleur fonctionnement de ce service public essentiel.

 

Le verdict est tombé. Dans les circonstances actuelles, il est difficile, pour ne pas dire impossible, de parler d’effectivité de l’État de droit au Sénégal. Les conditions n’étant pas réunies pour un fonctionnement efficace du service public de la justice.

C’est, en tout cas, l’un des constats ressortis du diagnostic sans complaisance des Assises nationales de la justice. L’une des raisons avancées, c’est le déficit criant de personnels. ‘’La quantité plus que famélique des juristes en lien direct avec le pouvoir Judiciaire rend impossible la fondation d’un État de droit au Sénégal’’, lit-on dans le rapport final des assises.

De toutes les insuffisances de personnels, celle dans les professions libérales semble le plus choquer les rédacteurs du rapport. Le Sénégal, insiste le rapport, ‘’est l’un des rares pays au monde où les professions juridiques libérales assermentées ne recrutent pas plus que la Fonction publique’’.

Dès lors, explique le document, il ne faudrait pas du tout s’étonner de certaines situations. ‘’Dans un pays où l’on compte plus de magistrats (530) que d’avocats (439), plus de greffiers (472) que de notaires (91), toute glose sur le bon fonctionnement de la justice devient chimérique. Cela favorise l’engorgement des cours et tribunaux et renforce les populations dans leur préférence traditionnelle de contourner la justice étatique au profit d’instances alternatives pourvues d’une forte légitimité sociale’’, constate la source.

Haro sur le ‘’corporatisme d’exclusion’’ des notaires, avocats, huissiers de justice

Globalement, le Sénégal compte 439 avocats inscrits au tableau de l’ordre. Dans les normes, il devrait y en avoir au minimum entre 1 500 et 3 000, compte tenu de la taille de la population. Pour les notaires, huissiers de justice et commissaires-priseurs, les besoins minima sont de 230 éléments, alors que les effectifs actuels sont respectivement de 91 pour les notaires, 70 pour les huissiers de justice et 28 commissaires-priseurs. Ce qui est anormal, selon les conclusions des assises, qui indexent sans gants le corporatisme des acteurs. ‘’Si le nombre limité de personnels servant dans la justice peut être justifié par l’insuffisance des ressources financières, il en va autrement des professions juridiques libérales. La très faible quantité des acteurs relevant de ces dernières professions traduit le corporatisme d’exclusion. Construites sur des logiques d’imperméabilité quant à leur accès, ces professions échappent à leur garant, c’est-à-dire l’État, pour être la ‘chose’ des personnes qui s’y affairent’’.        

Concernant le cas spécifique de l’avocat, les assises plaident pour leur ouverture aux docteurs, comme cela se fait dans presque tous les pays du monde. ‘’L’obtention d’un doctorat en droit dispense son titulaire d’un concours pour accéder directement à la profession d’avocat, en acceptant simplement de se conformer à une formation de deux ans souvent requise par le barreau’’.

Dans ce sillage, il a été demandé de lutter contre les ‘’déserts judiciaires’’. ‘’Le libre choix du lieu d’établissement de l’avocat, indique-t-on, a pour corolaire de favoriser l’existence de déserts judiciaires : Fatick, Kaffrine, Kédougou, Matam, Sédhiou... n’accueillent dans leur territoire aucun avocat à titre d’établissement’’.

Fatick, Kaffrine, Sédhiou, Matam… ces ‘’déserts judiciaires’’ qui n’ont même pas d’avocat

Mais les déficits de personnels ne concernent pas que les professions libérales. Ils n’épargnent aucun segment de l’institution judiciaire. Le document parle clairement de ‘’pénurie’’ de personnels qui ‘’impacte directement et négativement sur la qualité, la diligence et l’efficacité des services judiciaires’’. Pour une population de 18 millions d’habitants, le Sénégal comptait en mai 2024 un effectif de 2 041 acteurs (magistrats, greffiers, experts, notaires, avocats…). Or, le besoin est évalué au moins à 12 200. Parmi eux : 530 magistrats sur un besoin de 1 500 ; 472 greffiers, soit moins que les magistrats. Rien que pour les administrateurs de greffe, il y en a sept alors qu’on en a besoin de 200, selon le rapport. Pour les interprètes judiciaires, ils sont 46 sur un besoin de 400 éléments. Quant aux experts, il y en a 195, dont 67 dans la section fiscale, 36 dans la section cargaison maritime, aérienne et terrestre ; 23 experts dans la section commerciale ; 20 dans la section immobilière ; 26 dans la section industrie. Or, le document évalue à au moins 580 le besoin en experts dans ces différentes sections.

En ce qui concerne les magistrats et les greffiers, la situation est d’autant plus inquiétante que le rythme de recrutement est très faible par rapport aux départs à la retraite. ‘’Sur la période 2015-2035, 222 magistrats sur un effectif actuel de 530 vont partir à la retraite. Sur les 472 greffiers, 131 vont partir à la retraite’’, constatent les assises. Pendant ce temps, les recrutements sont très timides. ‘’Au rythme inquiétant du recrutement de 35 magistrats et de 40 greffiers par an actuellement en cours, l’effectif restera le même à l’horizon 2035. À ce rythme, nous aurons en 2035 le même effectif, car le rythme de croissance des recrutements n’est pas plus élevé que celui des départs à la retraite’’.

CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE

Un désaveu pour l’Union des magistrats sénégalais

C’était l’un des principaux points de discorde lors des Assises nationales de la justice, surtout en ce qui concerne la présence de l’Exécutif au niveau de cet organe. Entre magistrats et organisations de la société civile, le débat a été épique, sans concession. À l’arrivée, le rapport penche plus pour les organisations de la société civile, en recommandant de ‘’privilégier la sortie du président de la République et du ministre de la Justice’’. Les assises ont aussi proposé ‘’de faire du CSM une institution de la République et de l’ériger en autorité administrative indépendante’’.

Dans le nouveau Conseil supérieur de la magistrature, il devrait y avoir autant de membres de droit que de membres élus, mais aussi celui qui serait chargé de le présider doit être élu par ses pairs. Contrairement aux avis de l’UMS, les assises ont aussi retenu que le conseil doit s’ouvrir à d’autres corps, avec ou sans voix délibérative, pour lutter contre le corporatisme. Le rapport insiste également sur la nécessité de renforcer les pouvoirs de l’organe et d’en faire l’instance habilitée ‘’pour gérer la carrière des magistrats avec la suppression du pouvoir de proposition du ministre’’.

De plus, le rapport final préconise l’appel à candidatures pour certains postes stratégiques, mais aussi la nomination des juges d’instruction par décret et non plus par arrêté, comme cela se fait actuellement.

 

MOR AMAR

Section: 
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