L’autorité en a bien le droit
Il n’existe pas de loi qui s’oppose ou non à l’instauration d’un passe sanitaire au Sénégal. Mais l’Etat a le droit, en temps de circonstances exceptionnelles, de prendre des mesures de restriction.
Passe sanitaire. Le mot est sur toutes les lèvres, depuis l’annonce faite mardi dernier par le chef de l’Etat d’en instaurer un pour l’accès aux lieux publics. Une décision qui n’est pas partagée par beaucoup de Sénégalais. Certains pensent qu’il est impossible d’appliquer cette décision, car ça serait enfreindre les règles d’intégrité corporelle.
Mais selon le juriste Ibrahima Diop, spécialisé en droit de la santé, il n’y a pas de loi qui s’y oppose. A son avis, en droit administratif, il y a la théorie des circonstances exceptionnelles qui permet à l’Etat de prendre des mesures qui ne sauraient être admises en temps normal. De ce fait, explique le juriste, pour des raisons de santé publique, l’Etat peut prendre quelques mesures de restriction. C’est-à-dire limiter l’accès de certains services à seulement ceux qui se sont vaccinés.
‘’La vaccination ne peut pas être obligatoire. Parce qu’il y a un principe de droit, celui de l’intégrité corporelle. Donc, l’Etat ne saurait exiger à personne de se vacciner. Néanmoins, il peut prendre des mesures restrictives qui vont contraindre beaucoup d’entre nous à le faire. Il y a juste le principe de l’intégrité corporelle. Même pour le malade, il y a la charte du patient qui prévoit le consentement du patient. C’est-à-dire : nul ne peut être obligé à prendre des soins, même étant malade’’, souligne M. Diop.
Pour ceux qui pensent qu’il faut atteindre un certain taux de vaccination avant l’instauration du passe sanitaire, le coordonnateur du Programme élargi de vaccination (PEV) conteste. Le docteur Ousseynou Badiane précise qu’il n’y a pas de taux de vaccination requis. ‘’C’est une décision politique. C’est l’autorité qui décide de mettre en place ce passe sanitaire. Quand il l’instaure, il met toutes les dispositions pour que les gens puissent y accéder. C’est-à-dire, si on décide que les gens qui ne sont pas vaccinés seront privés de telle ou telle chose, il faut que ces personnes puissent se faire vacciner’’, soutient le Dr Badiane.
Avant d’ajouter que les unités de vaccination sont sur place. ‘’Actuellement, il y a beaucoup de vaccins. Mais, si on met en place le passe, cela veut dire qu’il y aura plus de demandes. Donc, il faudra prévoir d’avoir plus de vaccins. La disponibilité en vaccin s’est beaucoup améliorée au niveau global et au Sénégal. Ce qui fait qu’on a un bon stock de vaccins. Il y a même des vaccins qui sont périmés, faute de pouvoir les administrer. Actuellement, le problème de disponibilité des vaccins ne se pose pas’’, renseigne le médecin.
Mais, pense le Dr Badiane, si le passe sanitaire est exigé, il faut aussi donner un délai avant de l’appliquer. ‘’’C’est pour laisser le temps à tous de se faire vacciner’’, explique le coordonnateur du PEV.
Le passe sanitaire permet de limiter les risques de diffusion épidémique, de minimiser la probabilité de contamination dans des situations à risque. Il permet également de sécuriser l’entrée sur un territoire étranger, de faciliter la mise en œuvre des mesures de contrôle sanitaire aux frontières, ainsi que d'agir contre la falsification des documents de preuves.
VIVIANE DIATTA