Deux journalistes français condamnés
Les journalistes reconnaissent avoir commis une « erreur déontologique » en acceptant une proposition d’arrangement financier de la part de Rabat, mais nient avoir formulé une quelconque menace.
Deux journalistes français reconnus coupables d’avoir voulu faire chanter le roi du Maroc en 2015 en réclamant de l’argent en contrepartie de la non-publication d’un livre ont été condamnés, mardi 14 mars, à Paris, à un an de prison avec sursis et 10 000 euros d’amende.
Les journalistes, dont les avocats ont immédiatement fait appel, ont contesté avoir formulé une quelconque menace mais reconnu avoir commis une « erreur déontologique » en acceptant une proposition d’arrangement financier émanant de Rabat.
Déjà auteurs en 2012 d’un ouvrage sur Mohammed VI, Le Roi prédateur, Eric Laurent et Catherine Graciet, âgés de 76 ans et 48 ans, avaient signé un contrat pour un second tome sur le même sujet. A l’été 2015, le premier, ancien reporter de Radio France et du Figaro Magazine, auteur de nombreux ouvrages, avait contacté le secrétariat particulier du roi. S’était ensuivie une rencontre dans un palace parisien avec l’avocat Hicham Naciri, émissaire du royaume.
Après ce premier rendez-vous, le Maroc avait porté plainte et une enquête avait été ouverte : deux autres rendez-vous s’étaient ensuite tenus sous surveillance policière les 21 et 27 août. Catherine Graciet, notamment autrice de livres sur le Maghreb et la Libye, n’était présente qu’à la troisième entrevue, au cours de laquelle les deux journalistes avaient signé un accord financier de 2 millions d’euros pour renoncer au livre. A l’issue de cette entrevue, ils avaient été interpellés avec deux enveloppes contenant chacune 40 000 euros en liquide.
« Le prix du silence »
Pour le tribunal, ils ont eu une « démarche commune » et exercé une « pression » sur l’émissaire, en décrivant un livre « dévastateur » pour le royaume. Selon le jugement, « le prix du silence » a bien été demandé par les journalistes et non par le royaume. Les trois rencontres avaient été enregistrées par Hicham Naciri, des écoutes vivement contestées par la défense depuis le début de l’instruction.
Le tribunal a presque intégralement suivi les réquisitions du parquet, qui a demandé lors du procès, le 17 janvier, un an avec sursis et 15 000 euros d’amende. Les journalistes ont été condamnés à payer un euro de dommages-intérêts et 5 000 euros chacun au titre des frais d’avocats.
« Huit ans après les faits, le royaume du Maroc a gain de cause et la vérité de cette affaire éclate : une tentative de chantage et de manipulation », commente Me Ralph Boussier, l’un de ses avocats, dans un communiqué. « Nous nous félicitons de cette décision qui apporte des éléments tangibles à l’animosité continue de certaines personnes envers le royaume du Maroc », a-t-il ajouté.
Me Serge Portelli, avocat de M. Laurent, a dit « espérer » que les magistrats de la cour d’appel « essaieront de réfléchir réellement à cette manipulation qui était évidente et dont [leurs] clients sont victimes ». « La vérité éclatera plus tard », a-t-il assuré. « Les démonstrations de la fabrication de la preuve ont été faites tout au long des débats », a estimé Me Eric Moutet, avocat de Mme Graciet, dénonçant un enregistrement « trafiqué ».
Le Monde avec AFP