Landé Baïtil, village béni de Alpha Dian Doua, empreint des traces d’El Hadj Omar Tall
Situé en altitude sur la montagne qui surplombe le village mythique d’Ibel, le village historique de Landé Baïtil, fondé par l’érudit Alpha Dian Doua Diallo, a connu le passage d’El Hadj Oumar Tall, lors de l’islamisation dans le sud-est. Le village vit paisiblement avec ses cases traditionnelles en paille. Cette localité de la communauté rurale de Bandafassi est située à 35 km de la commune de Kédougou. Les populations de ladite communauté rurale résident en haut de la montagne. Elles vivent dans des conditions très difficiles, à cause de l’état défectueux et sinueux de l’axe qui y conduit.
Il faut escalader la montagne sur une distance 1,5 km et marcher pendant au moins 45 mn. Il faut également s’armer de courage et de volonté. Mais, il ne faut surtout pas oublier de se munir d'une bouteille d’eau pour se rafraîchir la gorge de temps en temps, afin de vaincre la montagne et parvenir au village historique de Landé Baïtil. Du haut de la montagne, le paysage alentour offre une vision panoramique des villages environnants qui se trouvent en contrebas. Sur l'un des versants de la montagne, les populations s’adonnent à l’agriculture. En période d'hivernage, des cultures de mil, de maïs, d’arachide et de fonio s'offrent à perte de vue. Mais, malgré les potentialités agricoles et économiques de la région, les populations de cette contrée sont dans la tourmente.
Tous les ans, armés de piques, de pelles, de coupe-coupe, les villageois affrontent dès les premières heures de la matinée la montagne pour réfectionner l’axe Ndébou-Landé qui cause énormément de problèmes aux usagers. Ce tronçon d’une distance de 1,5 km provoque chaque année des accidents. De la même manière, l’évacuation des patients dans les postes de santé les plus proches se font dans des conditions très difficiles. ''On souffre. Nos malades sont transportés dans des filets de pêche pour descendre de la montagne et les conduire à l’hôpital'', révèle le chef de village de Landé Baïtil, Oumar Diallo. ''On doit nous aider à construite cette route, pour au moins nous aider à évacuer nos malades et écouler nos produits. Et pour ça, on interpelle les autorités de ce pays. Parce que ce n’est pas normal'', poursuit le chef de ces villageois dont les principales activités sont le travail de la terre et l’exploitation des produits fruitiers. Les interminables tractations des populations pour la réhabilitation de la route n'ont jusqu'ici rien donné.
Les populations se plaignent également de l’absence d’infrastructures sanitaires qui fait qu’elles sont obligées d’évacuer leurs malades dans des conditions très risquées. ''Une case de santé d’une valeur de 6 millions de nos francs est en cours de construction à Landé Baïtil. La communauté rurale a versé les 10% de la contrepartie réclamée par le programme national de développement local (PNDL)», renseigne Younoussa Diallo, étudiant en Maîtrise de Sciences physiques et porte-parole des populations. Toutefois, 3 entrepreneurs ont renoncé à mettre en œuvre le projet, à cause de la difficulté d’accès au village. Un quatrième a accepté de réaliser la structure sanitaire, au grand bénéfice des populations.
Landé Baïtil, une histoire
Historiquement, le village mythique et multiséculaire de Landé Baïtil daterait du 14e siècle. D’après les traditions orales narrées dans le village et quelques écrits retrouvés ça et là, il a été fondé par un grand érudit de l’Islam venu du Fouta Toro, Alpha Dian Doua DIALLO. «Ce dernier était à la recherche des traces de sa lignée maternelle. Dans une zone où il était le seul musulman. La plupart des peuls d’alors, des Bassaris, des Bedik et autres ethnies étaient des animistes. Le premier village où il a été accueilli fut le village de Landiéni'', raconte le chef de village Oumar Diallo.
Toujours d’après les traditions orales, c’était le village d’origine de sa mère. Cependant, étant donné qu’il était musulman et que les populations d’antan étaient des non musulmans, elles ont refusé de cohabiter avec lui. Pour l’aider à trouver un autre endroit où s’installer, le chef de village poursuit qu’on l’a conduit sur la montagne appelée Baïtil. Le lieu était trop sec et invivable pour lui et ses disciples. Ils sont descendus de la montagne pour se retrouver à Landé Baïtil. Ensuite, les villageois ont attiré son attention sur le problème de l’eau qui était rare à cette époque. Alpha Dian Doua a demandé qu’on lui montre des points d’eaux, on l'a conduit dans un endroit où l’eau coulait. Là, il a demandé si c’était le seul endroit où on pouvait trouver de l’eau. Les populations ont répondu oui. ''Il s’est tourné vers l’est. Il a récité quelques versets de Coran, puis il a enfoncé la canne qui lui servait de troisième pied dans le sol'', narre notre conteur.
Ensuite, il est retourné au village de Landiéni. D’après la légende, il a demandé à ses disciples de dresser des tentes pour les abriter. À l’heure de la prière de 14 heures, il a demandé à un de ses disciples d’aller voir là où il avait enfoncé sa canne. Quand ce dernier est arrivé, il a trouvé la canne par terre à la suite d’une forte pluie. Le disciple ramassa la canne et alla dire à son chef spirituel qu’il y avait beaucoup d’eau. Alpha Dian Doua a baptisé cette localité Baïtilahi et s'y est installé avec ses disciples. Au fur et mesure que les années passèrent la localité s’agrandit. Il se lança dans une vaste campagne pour reconvertir ses parents et les autres étrangers à l’Islam.
Le fondateur s’est adonné à l’enseignement religieux durant toute sa vie. Il a fait de Landé Baïtil une terre bénie bâtie sur les valeurs de l’Islam. A sa mort, il a été enterré sur place. Aujourd’hui, les pèlerins viennent de partout dans la sous-région pour aller se recueillir sur sa tombe. Et à en croire Oumar Diallo, chef de village de Landé, ''les prières effectuées sur sa tombe se concrétisent. Toutes les personnes qui viennent s’y recueillir, leurs problèmes se règlent sans aucun doute. C’est Dieu qui lui a donné cette chance. Alpha Dian Doua était un homme de Dieu. Il a travaillé pour lui durant toute son existence''.
Une société enracinée dans des valeurs
Composée essentiellement de peulhs, la population est bien structurée dans cette contrée nichée au fin fond du Sénégal à l’extrême sud-est, à deux pas de la Guinée Conakry. Il y a plusieurs castes : nobles, esclaves et forgerons. Chaque groupe connaît ses attributions et sa place. D’après la légende, ''le mariage ne se faisait pas entre les castes. Personne n’avait le droit d’épouser ou de se faire épouser en dehors de sa caste. Les nobles se mariaient entre eux, les esclaves entre eux et les forgerons entre eux''. Cela est resté. Dans le cadre de l’attribution des tâches, les peulhs, qui étaient plus portés sur le Coran, s’occupaient de l’Islam et de l’administration du village. Les esclaves, qui étaient en majeure partie des tisserands, avaient en charge la préparation des cérémonies familiales.
Ils étaient les commis des nobles. Tout comme les forgerons. Ils s’impliquent activement aux cérémonies familiales, culturelles, religieuses aux côtés des esclaves. De nos jours encore, dans cette zone du Bandé, chaque groupe tient à ce qu’on le laisse s’occuper de la tâche qui lui est assignée. Il faut dire que même du côté des nobles, il y avait le respect de certaines règles. ''Moussa Yéro Diallo était un disciple de Alpha Dian Doua. C’était à lui qu’il revenait de diriger les prières pour ne pas dire la mosquée qui polarisait tous les villages du bandé fort de plus de 10 localités. Depuis lors, les imams à Landé Baïtil viennent de sa descendance ou de sa famille. C’est le même cas pour le chef de village. Ce poste, qui à l’époque était géré par un dénommé Nila, est aujourd’hui dirigé par sa descendance''.
Par ailleurs, les femmes jouaient un rôle déterminant dans cette communauté. ''Les femmes s’occupaient du cheptel. Les vaches, les moutons, les chèvres leur appartiennent. Leur travail consistait à traire le lait pour la nourriture de la famille dont elles avaient la charge. A cela s’ajoute le travail de la terre à laquelle, elles s’adonnaient. Quand à l’homme, son travail se résumait à mener les troupeaux au pâturage et à l’agriculture. Les femmes faisaient la quasi-totalité des travaux domestiques, en plus de s’occuper de la nourriture de toute la famille''.
Témoignage d’un ancien instituteur
Mamadou Lamine Diallo est un ancien sous-préfet de l’arrondissement de Dar es Salam, à la retraite. Il a été le premier instituteur affecté dans ce village. La soixantaine, vêtu d’un demi-saison de couleur bleu ciel, ''Lamine Landé'', comme il aime à se faire appeler, parle de Landé Baïtil avec aisance. ''Il y a 40 ans, je faisais mes premiers pas dans l’enseignement dans cette contrée. C’est un retour aux sources pour moi, autrement dit un pèlerinage. C’est le meilleur coin qui pourrait servir de promotion touristique. Parce que ce village a un écosystème unique au Sénégal. Douze mois sur douze, on peut se mettre en costume à Landé. Il ne fait ni très chaud, ni très froid. Par ailleurs, c’est une zone appropriée pour l’arboriculture. Pour preuve, on y trouve des mangues mûres en toute saison.
Toutefois, il y a l’enclavement. Landé n’est accessible, ni du côté de Thiokéthian, ni du côté de Ibel encore moins du côté de Ndébou. ''Un village mythique comme Landé méritait un meilleur sort. La localité a connu le passage de l’un des plus grands érudits des fils du Sénégal, El Hadj Oumar Tall au temps de l’islamisation. Le lieu où il s’était arrêté pour faire ses ablutions est devenu un point d’eau qui ne tarit jamais'', poursuit-il. Il s’agit de Silingué.
''On demande aux enseignants de faire des monographies des villages qui restent lettre morte. Parce que ces dernières ne sont pas exploitées. C’est d’ailleurs l’occasion d’interpeller les inspections d’académie et les inspections départementales. Pour qu’elles revoient les monographies réalisées dans les écoles pour en faire des livres historiques. ''N'eût été la bénédiction divine, les populations de Landé auraient déjà quitté. Parce qu’il y a un problème récurrent d’eau. En cause, la mauvaise gestion de ce liquide précieux. Heureusement pour les populations, elles peuvent s’approvisionner au niveau de Silingué et du deuxième point d’eau Hangafou. Qui parallèlement au premier est une chute d’eau. Comme la chute de la cascade de Dindéfélo», renchérit Lamine Diallo.
Pape Moussa DIALLO
AVERTISSEMENT!
Il est strictement interdit aux sites d'information établis ou non au Sénégal de copier-coller les articles d' EnQuête+ sans autorisation express. Les contrevenants à cette interdiction feront l'objet de poursuites judiciaires immédiates.