Témoignages de victimes
La célébration de la journée mondiale de l'infirmier, ce 12 mai, un prétexte pour poser le débat sur la légalisation de l'avortement au Sénégal. Pour les femmes, la grossesse ne doit plus être source d'angoisse.
''Je n’ai jamais voulu entretenir des relations hors mariage. J’ai toujours vanté les vertus de la virginité, mais il a suffi que je me retrouve seule avec mon petit copain pour m’en tirer avec une grossesse. Dire qu’on n’est pas allé loin…''. Elles seront nombreuses à se retrouver dans cette histoire racontée par une jeune étudiante en sociologie. Une jeune fille de 23 ans qui s’est toujours préservée et qui se retrouve avec un gros ventre, suite à un simple flirt, comme elle le souligne.
Des exemples pareils sont souvent cités par les « blouses blanches ». Mais pour ce cas précis, Khady Faye, nom d’emprunt, a réussi à se débarrasser d’un lourd fardeau, à ses risques et périls. Elle a avorté clandestinement à l’insu de son partenaire qui, selon elle, ''n’était pas prêt à endosser une paternité''. Cette jeune femme se demande si elle pourra savourer un jour les délices de la maternité. Son avortement ne s’est pas fait dans les règles de l’art.
Ce n’est pas fortuit si l’Organisation des nations unies estime que l'avortement constitue un véritable problème de santé publique, tant il fait des ravages chez la gent féminine qui est très exposée à la stérilité, à la dépression, aux hémorragies et à la mortalité.
''L’avortement m’aurait sauvé''
N. G., 40 ans, s’est rendue compte d'une grossesse de trois mois, alors que son mari n’avait pas remis les pieds au pays, depuis plus d’une année. C'est la mort dans l'âme qu'elle s'est confiée. Ayant toujours tenu à rester fidèle à son époux, père de ses 5 enfants dont l’aînée a 15 ans. Jamais, dit elle, elle n’a dévié de cette trajectoire. Et c’est en remontant le fil du temps, qu’elle découvrira que l'enfant qu'elle portait était l’œuvre du marabout chez qui elle prenait des bains mystiques. Une honte pour la dame qui s’est enlisée dans un état dépressif. Après avoir donné la vie à une fille, elle ne se relève toujours pas de ce drame. D'après ses proches, elle aurait souhaité se séparer de cette grossesse trop pesante qui a fait d'elle la risée de son quartier. L’avortement l’aurait peut-être couverte de ''soutoura''.
''J’ai failli me tuer''
K. S. a failli perdre la vie en essayant de mettre un terme à sa grossesse suite à une ''erreur de jeunesse''. Elle s’était procurée cinq comprimés de cytotec dans un célèbre point de vente à Dakar, au prix de 25 000 FCFA. Le médicament, bien connu des candidates à l'avortement, est destiné au traitement de l’ulcère gastrique. À cause d'une remontée gastrique, elle a failli donc se tuer. Elle ne peut s’expliquer comment elle a pu y échapper, même si sa tentative a avorté. Elle n’a dû son salut qu’à l’intervention d’un charlatan qui a détruit son fœtus pour 50 000 F, mais à quel prix ?
Comme d’autres femmes, elle n’a pas eu la possibilité de recourir à un avortement médicalisé qui se pratiquerait dans certaines cliniques avec des tarifs variant entre 200 000 et 500 000 FCFA.
Des enfants hors mariage sont bénis
Pour les conservateurs, ce n’est pas fortuit si Dieu insuffle vie chez une femme.
Les personnes du 3éme âge accueillent avec désolation ce nouveau projet de loi. Elles pensent que la dégradation des mœurs a atteint son summum. «Des enfants hors mariage sont souvent source de satisfaction pour une nation, il arrive que ces enfants apportent une bénédiction divine dans leur famille. Des femmes qui ont avorté l’ont regretté car elles n’ont pu enfanter par la suite. La punition divine finit toujours par s’abattre sur ces « meurtrières», confie une mammy de plus de 60 ans.
Matel Bocoum