Publié le 6 Jun 2024 - 18:03
LA BCEAO PASSE ENCORE UNE FOIS Â COTÉ DE L'ESSENTIEL

IL URGE DE D'ORGANISER LES ASSISES DE LA MONNAIE DANS L'UEMOA

 

Le Comité de politique monétaire de la BCEAO a décidé ce 04 juin 2024 de maintenir inchangé son taux directeur à 3,50%.

Il explique cette décision notamment par un recul de l'inflation dans la zone lequel se situerait à 2,8% (en dessous de l'objectif maximal de 3%) et par une amélioration des termes de l'échange (prix import et export de la zone).

Les arguments avancés par la Banque centrale pour justifier le maintien du taux directeur sont discutables.

En effet, concernant le point relatif au taux d'inflation qui serait en deçà de l'objectif communautaire de 3%, il est à relativiser vu les réalités concrètes constatées sur les marchés au travers de la tendance haussière des produits de première nécessité. L'autosatisfaction affichée par la Banque quant à une diminution de l'inflation surprend dans la mesure où, objectivement la vie reste chère dans les pays de l'UEMOA avec des prix toujours dans une tendance haussière. Chacun peut expérimenter à son niveau en constatant de visu ces fortes hausses de prix notamment sur les denrées de première nécessité et le logement. 

S'agissant de l'argument ayant trait aux termes de l'échange, il doit être utilisé avec prudence et ne peut justifier une décision de politique monétaire aussi importante, en tenant compte d'un environnement géopolitique international lourd de dangers (crise au moyen orient, guerre russo- ukrainienne, tension dans le canal de Suez) qui peut forcément avoir des conséquences négatives sur l'évolution des prix à l'importation notamment du baril du pétrole.

Quant aux matières premières, les cours élevés s’expliqueraient par les effets de changements climatiques non maîtrisables 

Aussi cet argument termes de l'échange cache fondamentalement des déséquilibres structurels notés dans les capacités de production des pays de l'Union économique et monétaire ouest africaine

Dans nos posts précédents commentant les trois dernières décisions du Comité de   politique monétaire tendant à augmenter systématiquement voire maintenir inchangés les taux directeurs, nous avions préconisé plutôt une baisse des taux pour relancer la machine économique. Notre proposition était argumentée comme suit:

1 La thérapie mécanique de maintien ou d'augmentation des taux est inefficace pour une zone qui n'a pas une maitrise complète de sa politique monétaire. Dans l'Union où l'essentiel du tissu économique constitué à 90% de PME et de secteur informel est exclu du financement, des taux directeurs encore élevés sont sans grande portée sur l'économie dans son ensemble et impactent négativement les rares acteurs qui accèdent au crédit

Le système bancaire de l'UEMOA qui est extraverti est contrôlé globalement par des intérêts étrangers qui vivent quasiment de situation de confort avec le financement de la grande entreprise, des Investissements dans les titres rentables et sécurisés et l'accompagnement des activités à court terme rentables bordés de garantie

Il est à rappeler que si les taux directeurs augmentent, l’emprunt des particuliers et des entreprises devient plus coûteux, ce qui freine la croissance. L’UEMOA a-t-elle intérêt à ralentir celle-ci ?

2 La BCEAO semble ignorer que l'inflation actuelle n'a pas une origine monétaire classique et n'est pas liée à une surchauffe de l'économie. Elle est plutôt due à un déficit de l’offre mondiale, à une augmentation du coût du fret maritime et au renchérissement du pétrole et du dollar. Sans oublier les conséquences de la guerre russo-ukrainienne sur les chaines de production et les stratégies spéculatives des acteurs. Des lors, les mesures conventionnelles, contre-productives, s'apparentent à un coup d'épée dans l'eau

3 Le paramètre bonne tenue de la croissance parfois annoncé pour justifier le maintien des taux ne tient pas. En effet, ils sont mal calculés, insuffisants, extravertis puisque portés souvent par des intérêts étrangers et supérieurs au croît démographique ne permettent pas un recul de la pauvreté. Une bonne partie des pays de l'Union reste en queue de classement dans l’indice du développement humain du Pnud. Il urge là aussi de s'interroger sur la pertinence et la fiabilité des taux annoncés.

4 La BCEAO n'a pas été suffisamment stratège dans sa décision en omettant de convoquer l'impact de la situation géopolitique difficile actuelle de l’Union avec trois pays le Mali, le Niger et le Burkina quasiment dans une posture de sécession. Une banque centrale responsable ne peut omettre de prendre en compte ces risques dans ses évaluations

LES BANQUES CENTRALES DU MONDE COMMENCENT À INFLÉCHIR LEURS POLITIQUES DE TAUX

Aujourd’hui de nombreuses banques centrales semblent avoir compris enfin l'impasse dans laquelle les a conduites une stratégie paradoxale de hausse des taux.

Malgré une inflation mondiale, qui reste encore à un niveau qui est au-dessus des objectifs des banques centrales, certaines d'entrées elles ont enfin compris que leur salut réside dans une baisse des taux.

Après la Banque nationale suisse et la Riksbank suédoise qui ont enclenché enfin des baisses de taux en mars et mai dernier respectivement, les taux d'intérêt directeurs de la zone euro pourraient baisser de 0,25 % au cours du mois de juin,

QUELLES SOLUTIONS ALTERNATIVES POUR L'UEMOA ?

Il urge de changer de fusil d'épaule et de prendre les bonnes décisions.

Les contraintes dans la zone Franc sont nombreuses. Des économies extraverties, une monnaie forte qui arrive difficilement à relancer les exportations et qui ne facilite pas l'intégration des zones (Cemac, UEMOA et Comores)

Au lieu de relever les taux directeurs, il aurait fallu suivre le chemin inverse mais aussi promouvoir avec les Etats des réformes structurelles sur des économies extraverties, réfléchir à d'autres alternatives au financement et solutionner les contraintes liées au Franc CFA. Aussi, il aurait été intéressant de mettre en œuvre, eu égard au poids important du secteur informel qui échappe aux objectifs de quantification monétaire, une politique d’assouplissement quantitative. Celle-ci pourrait se traduire par des solutions temporaires de planche à billets et des stratégies de rachat d’actifs notamment de créances et d’obligations;

La BCEAO gagnerait à repenser ses missions inspirées par l'économiste américain Milton Friedman, centrées sur la lutte contre l'inflation 

À l'image de la FED aux États unis, elle devrait faire focus sur le plein emploi ce qui pourrait se traduire par un appui direct aux États et aux acteurs en repensant son dispositif prudentiel d'une part et en utilisant une partie de ses réserves pour financer temporairement des projets intégrateurs d'autre part

Par ailleurs, Il devient urgent de revisiter nos outils de mesure des prix. J'observe un décalage entre les niveaux d'inflation annoncés et la vérité des prix sur les marchés.

Dans l'urgence, et en droite ligne des élans de souveraineté exprimés officiellement par certains Etats membres, au moins 4 sur un total de 8 (Burkina, Mali, Niger, Sénégal), il convient d'organiser rapidement les assises de la monnaie dans l'UEMOA pour tracer les perspectives et commencer à mettre en application les propositions de solution ci-dessus 

Magaye GAYE
Économiste International 

Section: 
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