Hasard du calendrier ou approche stratégique ?
Le président de la république se rendra en république populaire de Chine à partir du 18 Février prochain, à quelques encablures de la réunion tant attendue du Sénégal avec ses créanciers traditionnels au groupe consultatif de Paris, les 24 et 25 février.
Pourtant, si la réunion avec le groupe consultatif fait couler beaucoup d’encre et de salive, le sommet Sénégal-Chine qui a l’avantage de se tenir avant, n’en est pas moins important d’un point de vue des enjeux économiques stratégiques et de l’engagement plus ferme et plus déterminant de la Chine pour faire sortir l’Afrique de l’ornière.
Le Sénégal ne connaît pas pour l’instant un accroissement de sa richesse nationale capable de lui permettre d’atteindre l’émergence à moyen –long terme avec un taux de croissance actuel proche du taux de sa croissance démographique. Or, pour permettre une bonne accumulation interne du capital et de pouvoir financer de façon autonome notre propre développement, il faut atteindre au moins un taux régulier de croissance égal au double du taux de la croissance démographique.
C’est dire que notre pays a encore besoin de l’afflux de capitaux extérieurs qui doivent être orientés cependant vers les secteurs productifs nationaux porteurs et, de ce fait, nous mettre dans les conditions de renverser les tendances lourdes défavorables qui obstruent nos efforts de développement par la réduction sensible et l’élimination du déficit de notre balance commerciale à un niveau critique.
Car, vous conviendrez avec moi que la richesse des nations provient du commerce extérieur en exportant plus qu’on importe. Le Sénégal, aujourd’hui, se trouve au creux de la vague avec un déficit de sa balance commerciale atteignant le seuil critique de 25 % de son PIB et un taux d’endettement approchant 50% avec un rythme d’accélération inquiétant, au risque de retomber encore dans le cycle infernal du surendettement.
Il nous faut de nos jours, plus qu’hier, faire de grands bonds en avant en matière économique par la diversification de nos partenaires économiques en privilégiant l’efficacité des investissements extérieurs en en ciblant les secteurs porteurs, tout en faisant apercevoir que nos créanciers traditionnels ne nous ont pas permis de faire des progrès importants, si l’on se souvient des programmes d’ajustement structurels et l’ouverture totale de nos frontières qui avaient fini d’anéantir nos structures économiques internes et provoquer un chômage endémique dans notre pays. Combien de fois le groupe consultatif s’est réuni pour le Sénégal sans résultat probant ?
Nul doute que si l’Ethiopie caracole parmi les pays Africains connaissant un taux de croissance économique à deux chiffres, ainsi que l’Angola. La Chine populaire n’est pas étrangère à ce formidable progrès de pays africains qui évoluent à grands pas. Le Sénégal qui a l’avantage de posséder des atouts géostratégiques formidables à l’Ouest du continent, comme l’Ethiopie à l’Est, ne peut et ne doit pas rester à la traîne dans le renforcement de la coopération économique avec la Chine populaire.
Si bien que cette initiative d’un renforcement des liens économiques avec la Chine est d’autant opportune que nous nous trouvons dans un contexte économique mondial défavorable aux pays du Sud et résultant de politiques peu vertueuses des puissances économiques de l’OCDE au moyen de l’échange inégal, de l’aide liée, de la financiarisation de l’économie virtuelle, de la satellisation de nos économies aux économies du Nord.
A cet égard, la Chine populaire et l’Afrique appartiennent à la même sphère mondiale de pays qui revendiquent des relations économiques internationales plus justes et plus humaines, nécessitant un resserrement des liens entre nos états.
Il se trouve également que nos deux pays présentent beaucoup de similitudes et convergences tant au plan historique, en raison des occupations extérieures coloniales (heureusement que la Chine populaire n’a pu connaître la balkanisation à l’image de l’Afrique qui, pourtant, était administrée sous des ensembles homogènes pour les besoins de l’exploitation des colonies AOF-AEF), comme au plan sociologique avec l’existence de populations à majorité paysanne et à forte croissance démographique.
Autant de raisons subjectives et objectives qui commandent aux pays africains d’aller ensemble avec la Chine populaire dans ce monde en mutation afin de combler très vite notre grand retard et d’améliorer la situation de nos populations qui continuent de subir les affres des politiques inconséquentes des institutions de Breton woods et des diktats de l’OMC vis-à-vis de l’Afrique.
Aujourd’hui, La Chine est le principal créancier des USA et Alain Peyrefitte disait que lorsque la Chine s’éveillera, le monde tremblera, comme d’ailleurs le préconisait en visionnaire Teilhard de Chardin qui parlait de pays prodigieux, de même que le président Senghor qui s’était rendu très tôt en Chine au début des années soixante dix.
Le Sénégal doit opérer sa révolution agricole et industrielle comme l’ont du reste réalisé les pays émergents en veillant sur l’efficacité des investissements et les secteurs ciblés. Et la Chine s’engage à restructurer notre filière arachidière et notre agriculture nationale en plus de la réhabilitation des chemins de fer du Sénégal et du développement des infrastructures ; c’est la voie du succès vers l’émergence économique, il nous faut simplement de la détermination à partir du moment où les objectifs sont devenus clairs : il n’y a pas à chercher midi à quatorze heures !
Il est heureux que le sommet Sénégal-Chine se tienne avant le groupe consultatif de Paris afin de placer les pays créanciers traditionnels du Sénégal devant leurs responsabilités historiques sous le prisme de l’échec des politiques peu vertueuses entreprises depuis des décennies par les pays de l’OCDE pour le développement de l’Afrique, lequel échec a été reconnu par l’ancien président de la Banque mondiale Wolfensohn.
C’est le président De Gaule qui disait que les Etats n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts. Toutefois, nous saluons le co-développement prôné par le président François Hollande et l’humanisme qui doit aussi fonder les relations économiques internationales.
Kadialy GASSAMA, Economiste
Rue Faidherbe X Pierre Verger
Rufisque.