Quinze réformes et des nuances
Le président de la République a listé quinze mesures issues des conclusions des travaux de la Commission nationale de la réforme institutionnelle (CNRI) lors de son allocution de fin d’année. Il est bien question de quinquennat, de réorganisation du système politique et institutionnel, du renforcement des droits civils, de décentralisation. Mais l’incertitude persiste toujours sur la date référendum.
Macky Sall maintient toujours le suspense. Comme promis, pendant l’université des Républicains à Saly, il a mis quelque chose sur la table, tout en gardant un atout de taille sous la manche. Le président a réussi la prouesse d’avoir exposé le fond des réformes constitutionnelles de la CNRI aux Sénégalais sans mentionner le terme référendum, et sans fixer une date. Le point 6 de la batterie de quinze mesures déclinées lors de son allocution, est l’objet de tous les débats. Il y est question de ‘‘la restauration du quinquennat pour le mandat présidentiel, y compris la question de l’applicabilité immédiate de la réduction à cinq ans du mandat de sept ans en cours’’, déclare Macky Sall. Subterfuge sémantique ?
Le choix du terme ‘‘applicabilité’’ au lieu d’ ‘’application’’ laisse perplexe. Mais c’est surtout le blackout total sur un échéancier précis qui constitue la seule vraie inconnue encore digne d’intérêt. En suivant la logique du président de la République toutefois, la consultation populaire aura forcément lieu en cours d’année, 2016, puisque si le quinquennat devait être appliqué, son mandat prendrait fin en 2017. Mieux, le protocole additionnel de la Cedeao sur la démocratie et la bonne gouvernance déconseille fortement de modifier les institutions ou leur fonctionnement six mois avant une échéance majeure. Ce qui, par extrapolation, voudrait dire que dans le premier semestre de cette année, un référendum devrait avoir lieu après consultation de l’Assemblée nationale et du Conseil constitutionnel par le chef de l’Etat.
Mais en attendant plus de précisions sur sa tenue, ces réformes se veulent une réorganisation de la vie politique. Ainsi, en son premier point, le président a décliné ‘‘la modernisation du rôle des partis politiques dans le système démocratique’’. Un gros chantier puisque la limitation du nombre de partis politiques ainsi que leur mode de financement, parmi tant d’autres problèmes, demeurent les illustrations d’une permissivité du jeu démocratique. La réforme suivante promeut les candidatures indépendantes alors que le point 7, le renforcement des droits de l’opposition et de son chef, est en déphasage avec la situation actuelle.
En effet le candidat investi (Karim Wade), et le secrétaire général national adjoint (Oumar Sarr) du parti le plus représentatif de l’opposition sont derrière les barreaux. Pis, le Pds pourrait se démarquer de ce ‘‘changement consensuel’’ prôné par le chef de l’Etat, puisque n’ayant pas fait partie du ‘peuple des Assises’ qui a été à l’origine de la plupart de ces réformes. En tout état de cause, pour sanctuariser les mécanismes institutionnels, Macky Sall prévoit dans le quinzième point une ‘‘intangibilité des dispositions relatives à la forme républicaine, la laïcité, le caractère indivisible, démocratique et décentralisé de l’Etat ; le mode d’élection, la durée et le nombre de mandats consécutifs du président de la République’’.
Les institutions choyées
Ces propositions font une part belle à l’Assemblée nationale et au Conseil constitutionnel qui connaissent des rajouts substantiels dans leurs prérogatives. Aux points 8,9, et 12 des réformes il est question de la ‘‘représentation des Sénégalais de l’extérieur par des députés à eux dédiés’’ ; de ‘‘ l’élargissement des pouvoirs de l’Assemblée nationale en matière de contrôle de l’action gouvernementale et d’évaluation des politiques publiques’’ ; et cerise sur le gâteau, de la ‘‘désignation par le président de l’Assemblée nationale de deux des sept membres du Conseil constitutionnel’’.
Ce dernier, en dehors de l’augmentation de ses membres de cinq à sept (point 11), se verra soumettre des ‘‘lois organiques pour contrôle de constitutionnalité avant leur promulgation’’, tel que stipulé au dixième point ; et pourra donner des avis et connaître des exceptions d’inconstitutionnalité soulevées devant la Cour d’appel après élargissement de ses compétences. Axe non moins important, la promotion de la gouvernance locale et du développement territorial fait des bonds avec la création du Haut-conseil des Collectivités territoriales. Après l’Acte III de la décentralisation, et ce Haut-Conseil, ‘‘les principes de la déconcentration et de la décentralisation vont être constitutionnalisés’’, promet le président de la République.
OUSMANE LAYE DIOP