’’Il n’y a ni fatalité, ni malédiction du pétrole, ni concurrence ruineuse…’’
Le Sénégal accueille à nouveau le Sommet du bassin sédimentaire de la Mauritanie, du Sénégal, de la Gambie, de la Guinée-Bissau et de la Guinée, communément appelé MSGBC Oil, Gas & Power. Le président Macky Sall a présidé la cérémonie d’ouverture, hier, au Centre international de conférences Abdou Diouf (Cicad). Faisant preuve de leadership, il a relevé les enjeux liés au changement climatique en rapport avec les activités de la chaîne de valeur pétrolière et gazière.
Après la pause de l’année dernière due à la crise sanitaire, cette année, même le variant Omicron n’aura pas réussi à empêcher la tenue du Sommet du bassin sédimentaire de la Mauritanie, du Sénégal, de la Gambie, de la Guinée-Bissau et de la Guinée, communément appelé MSGBC Oil, Gas & Power. Les pays participants sont de plus en plus déterminés pour qu'enfin, le pétrole et le gaz soient exploités dans cette zone.
‘’Un virus, quelle que soit sa virulence, ne doit pas empêcher l’activité économique de se dérouler’’, a dit hier le président sénégalais Macky Sall, qui a présidé l’ouverture de cette rencontre, invitant quand même au respect des mesures barrières.
Ainsi, durant deux jours, des échanges fructueux vont jaillir sur la problématique qui soulève des enjeux touchant au changement climatique en rapport avec les activités de la chaîne de valeur pétrolière et gazière.
Aux yeux de Macky Sall, qui s’est montré courageux et n’a pas fait dans la langue de bois, cette problématique englobe et dépasse la seule question du financement et met l’Afrique en face de plusieurs défis. Le premier qu’il a évoqué est lié aux conditions et aux modalités d’exploration et d’exploitation des ressources, de l’exploration aux premiers barils de pétrole ou aux premiers mètres cubes de gaz.
Efforts d’investissements
‘’Les efforts d’investissements et de recherches sont énormes, coûteux et complexes, avec des risques tout aussi importants : de ne rien trouver, des compagnies pétrolières se sont plusieurs fois fourvoyées. Ça fait partie des risques dans cette filière’’, souligne M. Sall. C’est pourquoi il estime qu’il faut ‘’absolument’’ que l’ensemble de la région MSGBC attire davantage des partenaires financièrement et techniquement fiables, sur la base d’une législation claire. Une législation qui sécurise les investisseurs, mais aussi les intérêts de nos pays. ‘’J’ai vraiment pour ambition de faire en sorte qu’à l’échelle de l’Union africaine, nous puissions avoir une législation harmonisée, aussi bien dans le domaine pétrolier que dans le domaine minier, afin d’éviter la compétition ruineuse entre pays pour simplement tenter d’attirer les investisseurs’’, a dit le président Sall qui a fait preuve de leadership.
Pour lui, sur l’exploitation elle-même, il appartient à ces pays africains de faire les efforts nécessaires pour une participation dans l’actionnariat du business pétrolier et gazier, pour en tirer le meilleur profit. Il s’est dit heureux de voir que dans ces domaines, des Sénégalais et des Africains se sont engagés ‘’pour que tout ce qui est activité parapétrolière déjà soit largement assumé par des locaux’’.
Le deuxième défi souligné par Macky Sall est lié au premier poste sur la formation des ressources humaines de qualité. Il souligne que les métiers du pétrole et du gaz sont multiples et aussi complexes les uns que les autres, si bien que l’expertise en la matière est forte. Invitant donc à la sérénité et à la modestie dans l’approche des problématiques complexes, le président sénégalais indique qu’’’il n’y a pas un seul expert qui puisse maîtriser toute la chaîne de valeur gazière et pétrolière’’.
En effet, il est conscient que pour défendre les intérêts des pays africains, il faut former des ressources humaines de qualité à tous les niveaux. Ainsi, ‘’ceux qui savent pourront en parler. Malheureusement, dans le pétrole, ceux qui parlent ne connaissent pas le secteur. Et ceux qui connaissent ne parlent pas. C’est ça le problème. Ils pourront donc, ceux-là qui connaissent, parler et agir, chacun dans son domaine de compétence’’, plaide-t-il.
D’ailleurs, c’est l’objet de l’Institut national du pétrole et du gaz qu’il a créé pour former ‘’une masse critique, une ressource humaine diversifiée et qualifiée, apte à prendre en charge les enjeux de l’industrie pétrolière et gazière’’.
Exploitation équitable et apaisée de gisements transfrontaliers
Pour Macky Sall, le troisième défi est d’assurer une exploitation équitable et apaisée de gisements transfrontaliers. C’est le cas de ce que le Sénégal et la Mauritanie ont fait ensemble autour du grand champ GTA. Il a loué cette ''excellente collaboration’’ qui montre que ‘’nous pouvons réaliser ensemble, en parfaite intelligence et dans un domaine aussi complexe et en association avec un partenaire majeur comme British Petroleum. Et cette association tripartie (Sénégal, Mauritanie et BP) est d’autant plus appréciable que nous l’avions mise en place dans des délais nettement plus courts que la moyenne habituelle mondiale’’.
Macky Sall croit dur comme fer qu’’’il n’y a ni fatalité, ni malédiction du pétrole, ni concurrence ruineuse, si la volonté politique existe de partout’’.
En troisième lieu, Macky Sall a indiqué que l’exploitation pétrolière réside dans la nécessité, pour les secteurs privés, d’associer leurs moyens pour bénéficier des opportunités que leur offre la législation sur le contenu local. ‘’Il faut que nos secteurs privés apprennent à travailler ensemble, puisque nous sommes infiniment petits par rapport aux géants qui sont en face de nous. Ainsi, chacun peut avoir sa petite entreprise. Mais ensemble, on fait mieux et on fait plus’’, dit-il.
Après avoir raconté une anecdote dans le domaine de la logistique, sur la production énergétique également, le président Sall a indiqué qu’il a dû faire la promotion des sociétés locales. ‘’Ça n’a pas été facile, puisque c’était inhabituel qu’un pays décide de dire : je préfère les nationaux. Ça a créé beaucoup de vagues, mais finalement, ils ont compris qu’il n’y avait rien de non transparent dans cette affaire, mais que tout relevait d’un choix politique de développer et de donner une richesse nationale aux acteurs privés nationaux dans un domaine aussi important que celui de la production électrique’’, dit-il.
Et d’ajouter : ‘’Le Sénégal faisait des IPP et jusque-là, il n’y avait qu'un seul franc de capital national dans ce domaine. Et pourtant, ce sont des Sénégalais qui consomment cette énergie. Il serait bien qu’il y ait des Sénégalais acteurs, c’est aussi simple que cela.’’
‘’De toutes les façons, nous ne pouvons renoncer à nos sources d’énergie’’
Cela dit, il encourage vivement les échanges d’expériences et de bonnes pratiques dans ce domaine comme dans d’autres. D’ailleurs, apprendre les uns des autres est l’un des objectifs majeurs de ce rendez-vous, selon lui. En citant le Nigeria, l’Algérie, l’Angola, et le Congo, Macky Sall souligne que l’Afrique a de grands pays qui ont commencé l’exploitation depuis plus de 50 ans. ‘’Nous devons pouvoir, nous qui sommes maintenant sur la rampe pour démarrer une exploitation, également apprendre chez nos voisins, chez nos frères et sœurs, connaître les erreurs qui ont été commises pour ne pas commettre les mêmes’’.
Le quatrième défi, d’après le président sénégalais, est la nécessité pour nos pays d’exploiter leurs ressources énergétiques pour satisfaire leurs besoins d’exploitation et de développement économique et social. Ceci, dans un contexte mondial de lutte contre le réchauffement climatique.
En effet, les importantes découvertes faites ces dernières années confirment clairement que le bassin MSGBC, qui est l’un des bassins sédimentaires les plus importants, en tout cas en Afrique de l’Ouest, recèle un potentiel en ressources gazières et pétrolières de classe mondiale. ‘’Nous ne sommes pas contre la transition énergétique. C’est une bonne problématique, puisque de toutes les façons, nous ne pouvons renoncer à nos sources d’énergie. Ce n’est pas possible’’, a fortement plaidé Macky Sall qui campe fermement sur cette position. ‘’Nos pays étant en retard sur tous les fronts de développement, nous avons besoin d’alimenter nos ressources pour alimenter notre tissu économique, industriel encore embryonnaire, irriguer les autres secteurs de l’économie (agriculture, élevage…). Mais surtout, assurer à nos populations l’accès universel à l’électricité à des coûts abordables’’, dit-M. Sall.
Cela doit être l’ambition de tous les pays, particulièrement les pays africains.
BABACAR SY SEYE