L'AMFE distribue 300 kits dans trois postes de santé
À l'occasion du lancement du projet ‘’Donnons-leur des ailes’’ à Agnam, l’Association pour le maintien des filles à l’école (AMFE-Sénégal) avait annoncé une enveloppe de cinq millions pour l'achat de serviettes hygiéniques réutilisables. Cette semaine, quatre postes de santé des communes des Agnam et de Oréfondé ont reçu 300 kits ; des dons destinés aux jeunes filles des zones déshéritées.
L’équipe de l'AMFE a fait un long périple dans la partie Diéri de l’arrondissement des Agnam, pour apporter ‘’les meilleurs cadeaux qu’on puisse offrir à une adolescente en milieu rural’’.
En effet, à Matam, dans les zones enclavées difficiles d’accès, la pauvreté impose ses incommodantes lois aux populations. Les jeunes filles ne pouvant pas se donner le luxe de payer leurs serviettes hygiéniques, lors de leur période de menstrues, se rabattent sur des morceaux de tissu. Une routine qui est la cause de beaucoup de leurs soucis de santé, selon l’infirmière. ‘’Les menstruations sont encore tabou dans les zones périphériques. Le silence construit autour des règles ne favorise pas une bonne gestion de l’hygiène menstruelle chez les filles et même chez certaines femmes. Dans plusieurs localités, les femmes et les filles issues de familles démunies utilisent les morceaux de tissu comme moyen de protection. Le plus souvent, le séchage du matériel hygiénique se fait dans les toilettes ou dans les chambres en toute discrétion. Cette faible gestion de l’hygiène menstruelle expose les filles et les femmes à des risques d’infection ou de maladies de l’appareil reproducteur’’, explique le technicien de santé.
Pour cette première sortie de distribution gratuite de serviettes hygiéniques réutilisables, l’association dirigée par la juriste Woppa Diallo a choisi quatre sites polarisant plusieurs localités. Ainsi, 100 kits ont été offerts à Bagonde, qui abrite six hameaux (Bagonde, Karaadji, Kangal, Lidit, Ngulum et Fete Diabe). Soixante kits ont été offerts gracieusement à Sare Liou avec ses cinq hameaux (Sare Liou, PariLiou, Darou Salam, Gourel et Ndoulougou). Soixante autres kits ont été donnés à Mberla Belé qui compte 13 hameaux (Wouro Thiouthia, Wouro Bounnabe, Wouro Abou Camara, Bella, Mbeda, Wouro Mbargo, Wouro Nioubel, Wouro Youssou, Ndoussodji Torobe, Wouro Demba Diende, Debbodji Amadou Demba Dieri, Debboji Wouro Siddel, Debbodji original). Et 80 kits ont été mis à disposition des filles de Loumbi Sannaraabe avec ses 11 hameaux (Loumbi, Gaddou, Peggougi, Dendoudi, Baagu, Lounka, Woydou Samba Bolo, Fafaabe, Thianarde, Deboodji Bulli, Kawran).
À cause des règles, les filles perdent 20 % du temps scolaire
Cette activité intervient au moment où la plupart des élèves sont en vacances. Seules celles qui doivent passer le BFEM vont encore à l’école.
Néanmoins, les inconvénients du manque de serviettes hygiéniques chez les filles à l’école se sont invités dans les débats. Le taux d’absentéisme chez les filles est décuplé lors de leurs menstrues. Les filles souhaiteraient avoir des serviettes en quantité, pour ne plus rater leurs cours.
Selon un rapport de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco), en Afrique subsaharienne, une fille sur 10 ne va pas à l’école pendant son cycle menstruel, ce qui équivaut à une perte de 20 % du temps scolaire par an. De plus, lorsqu’elles commencent leur cycle menstruel, elles peuvent abandonner complètement l’école. La gestion menstruelle devient une contrainte et un problème pour elles, en raison du manque d’informations, d’infrastructures adéquates et de produits d’hygiène faciles à utiliser.
Les stéréotypes et les préjugés liés aux menstruations renforcent les discriminations de genre : beaucoup de filles avouent qu’elles ou une de leurs proches ont déjà subi des moqueries et des humiliations en milieu scolaire. La méconnaissance du sujet demeure aussi considérable : la moitié des filles interrogées estiment que des personnes de leur entourage continuent de considérer les règles comme une impureté. ‘’C’est embarrassant. Les regards que certaines personnes posent sur nous nous mettent mal à l’aise. Durant cette période, on nous fait sentir que nous avons de la saleté, que nous sommes impures. Parfois, certaines personnes refusent de prendre la nourriture que nous leur donnons. C’est pourquoi on fait tout pour que les gens ne sachent pas que nous sommes en période de menstrues. Alors, quand on n’a pas de serviettes, c’est difficile de se cacher. Tout le monde va finir par le savoir’’, confesse cette jeune demoiselle de 16 ans.
Briser les tabous des menstruations
Dans cette partie nord-est du Sénégal, les stigmates sont visibles : les menstruations sont considérées comme ‘’impures’’. Les règles dérangent. Les mythes et les tabous liés aux normes culturelles, religieuses et patriarcales nuisent plus gravement aux droits des filles et des femmes. ‘’Les règles sont considérées comme taboues et sont très peu abordées dans les familles. Les mères n’en parlent pas à leurs filles. Conséquence, les prépubères ne sont pas toujours préparées à la gestion de l’hygiène menstruelle, car ne disposant pas de connaissances de base sur les cycles menstruels’’, explique Djibril Diaw, le chargé de projet à AMFE-Sénégal.
Dans certaines situations, ‘’d'autres utilisent le matériel jetable et éliminent les déchets dans les toilettes ou dans les poubelles. Or, cette pratique impacte négativement l’environnement, si l’on sait que certains matériaux hygiéniques ne sont pas biodégradables, poursuit le natif de Mboloyel. Pour remédier aux problèmes chroniques de la santé menstruelle, AMFE-Sénégal adopte une approche globale qui combine éducation et sensibilisation à la menstruation, à travers un accès aux produits d'hygiène menstruelle, en particulier dans le Dieri’’, ajoute-t-il.
Sur les trois infirmiers-chefs de poste, les deux sont des dames : Hawa Dia à Loumbi Sanarabé et Komme Ndiaye à Saré Liou. Une présence féminine qui est loin de déplaire au staff de l'AMFE. Expliquant la portée de l’acte posé par sa structure, M. Diong explique que ‘’ces serviettes hygiéniques réutilisables sont un don reçu de #Mame_Bougouma_Diène, bénévole à AMFE-Sénégal, suite au prix Caine Prize for African Writers remporté en 2023’’. Et pour synthétiser, le chargé de communication ajoutera : ‘’Au total, AMFE-Sénégal a distribué 300 kits de serviettes hygiéniques réutilisables dans trois postes de santé dans le Dier.’’
Pour rappel, l’Association pour le maintien des filles à l’école (AMFE-Sénégal) a obtenu, à travers le consortium Tostan-Grow et AMFE, un financement d'un million de dollars canadiens de la fondation canadienne Marcel et Jean Coutu pour le projet ‘’Donnons-leur des ailes’’ qui s’étale du mois d'avril 2024 au 31 mars 2026.
Djibril BA