Publié le 14 Aug 2020 - 23:23
MOUSSA SAME DAFF (DG HÔPITAL DALAL JAMM)

“Dalal Jamm vient en sus du système de santé’’

 

Tenaillé entre le mécontentement de certains de ses agents, l’insatisfaction de la plupart des populations, le directeur de l’hôpital Dalal Jamm monte au créneau pour laver sa structure à grande eau.

 

Après plus de quatre ans de fonctionnement, quelle évaluation faites-vous des activités de l’hôpital Dalal Jamm ?

L’hôpital a véritablement démarré ses activités le 29 août 2017, après plusieurs années de chantiers. D’ailleurs, parmi ces chantiers, il y en a qui continuent toujours. Mais avec l’appui des autorités, nous avions estimé qu’il ne fallait pas attendre que tout soit au point pour commencer. Et nous nous sommes donné les moyens d’assurer aux populations une prise en charge correcte.

La particularité de Dalal Jamm était de rapprocher des populations de la banlieue aux spécialistes. L’hôpital desserre à peu près 1,5 million d’habitants. Mais c’est un hôpital qui a aussi une vocation sous-régionale. C’est dans ce sens d’ailleurs que s’inscrit notre plan stratégique. Force est de constater que depuis que nous avons démarré en 2016, les activités ne cessent de grimper. Nous voulons être un hôpital qui rayonne au plan international.

L’autre particularité de l’hôpital est de ne pas disposer de toutes les spécialités. Mais nous faisons en sorte que les spécialités qui existent soient des services de référence.

Pouvez-vous revenir sur les capacités de l’hôpital et les services qui fonctionnent pleinement ?

Dalal Jamm a une capacité de 300 lits, extensible à 500. D’ailleurs, vous avez dû remarquer que dans le cadre de cette extension, nous sommes en train de construire un centre de traitement des épidémies. En réalité, tous les services fonctionnent. Mais il y a des activités qui ne sont pas faites. Il s’agit principalement des activités chirurgicales. Sinon, on fait de la radiothérapie, de l’imagerie médicale (l’hôpital ne dispose pas de scanner, d’IRM et de mammographie, NDLR). Toutes les consultations externes fonctionnent. Mais c’est vrai : l’activité du bloc opératoire n’a pas encore démarré.

Est-ce que ça ne pose pas problème pour un centre hospitalier national de la dimension de Dalal Jamm ?

Non. Il faut comprendre une chose : Dalal Jamm vient en sus du système de santé. Ce n’est pas parce que le bloc de Dalal Jamm ne fonctionne pas que le système est bloqué. Que faisaient les gens avant ? Dalal Jamm est venu apporter un plus. Il est venu décongestionner l’existant. Pour ce qui est du bloc, nous étions en phase de finalisation, mais avec la pandémie, tout est bloqué. Ceux qui doivent installer ce bloc ne sont pas au Sénégal. Il faut donc attendre un assouplissement pour qu’ils viennent installer le bloc.

Mais qu’à cela ne tienne. L’hôpital n’est pas resté les bras croisés. Nous avons aujourd’hui monté deux petits blocs opératoires. L’un en zone Covid, l’autre au niveau de la gynécologie, pour pouvoir y faire certains actes de chirurgie. Je considère donc que l’hôpital fonctionne à 90 %. Même si l’activité chirurgicale n’a pas véritablement démarré.

Trouvez-vous normal qu’une structure comme Dalal Jamm ne puisse pas disposer de services comme une imagerie médicale, un laboratoire fonctionnel, un bloc opératoire, comme signalé par le PCA démissionnaire, le Pr. Papa Touré ?

Vraiment, je ne veux pas commenter le texte du PCA. Mais moi, je vous donne la réalité. Tous les paramètres de routine de laboratoire sont disponibles au niveau des 4 laboratoires de l’hôpital. Vous pouvez aller interroger les chefs de service. On ne peut pas commencer des hospitalisations sans un laboratoire. Pour ce qui est de l’imagerie médicale, c’est un ensemble. Si c’est pour une radio ospomo, on en a ; si c’est pour un échographe cardiaque, c’est disponible ; nous avons aussi une échographie générale ; nous l’avons…

Mais une imagerie médicale quand même sans scanner…

L’Etat a initié la procédure pour l’obtention d’un scanner de 64 barrettes et une IRM dans le cadre du plan d’urgence. Ce n’est plus qu’une question de temps. Peut-être vous allez nous parler de mammographie. Mais si ce n’est pas disponible ici, il y en a peut-être à Roi Baudoin. Les hôpitaux se complètent. Aucun hôpital ne peut prétendre tout faire. Il faut retenir que Dalal Jamm est en train de se concentrer sur son projet, mais aussi d’investir dans d’autres activités qui créent de la valeur ajoutée pour notre système de santé.

En ce qui concerne le bloc, vous évoquez la pandémie pour justifier les lenteurs. Mais au-delà de ce facteur, qu’est-ce qui a bloqué le processus ? Est-ce des raisons financières ?

Ce ne sont pas des raisons financières. Tous les équipements sont là. Maintenant, on n’installe pas un bloc opératoire comme on installe une chambre d’hospitalisation. Un bloc, c’est complexe. Il y a un certain nombre de conditions qui doivent être réunies pour pouvoir opérer des malades. Et ces conditions ne sont pas encore réunies, parce qu’il y a plusieurs intervenants, plusieurs paramètres. Il y a l’entreprise qui s’occupe du génie civil, celle qui s’occupe de l’installation… Certains acteurs sont à Dakar, d’autres à l’étranger. C’est pourquoi ça coince un peu. Mais n’eût été le problème de Covid, on serait déjà très loin dans ce processus.

Qu’en est-il de la panne de la climatisation centrale ?

Oui… Cela fait partie également de…  (Il hésite). En réalité, ce n’est pas une panne. C’est que depuis qu’elle a été installée, elle n’a pas fonctionné. Aujourd’hui, l’autorité est en train de faire un audit pour voir la meilleure formule. Parce que partout où on a installé la climatisation centrale dans nos différents hôpitaux, cela n’a pas beaucoup marché. Et c’est fort heureux d’ailleurs qu’il ne fonctionne pas dès maintenant, pour qu’on puisse prendre une autre alternative. Nous sommes en train de voir s’il faut une climatisation centrale ; est-ce qu’il faut des blocs de climatisation…

C’est l’audit qui nous le dira. Mais cela n’empêche pas d’opérer, si on parvient à finir le bloc opératoire. Dans beaucoup de blocs, il n’y a pas une climatisation centrale. Il faut juste une climatisation dédiée. Cependant, le bloc a ses normes. En tant qu’hôpital de référence, il faut se donner les moyens de travailler dans les conditions optimales de sécurité. Je pense qu’il faut surtout saluer les efforts de l’Etat qui a doté l’hôpital de personnels de qualité, qui s’est même substitué à des bailleurs défaillants, en nous fournissant des matériels, des lits d’hospitalisation, un banaliseur pour la gestion des déchets biomédicaux, qui est également en train de construire un centre de traitement des épidémies…

D’après certaines informations, il fallait juste à Dalal Jamm 2,5 milliards pour que certains services essentiels puissent être fonctionnels…

Vous savez, la demande de la population est en train d’être satisfaite en grande partie ici. Il faut donc arrêter de nous dire la population, la population… La population, c’est nous tous. Nous aussi, nous travaillons dans l’hôpital et nous sommes des usagers de l’hôpital…

Vous-même disiez tantôt que l’hôpital Dalal Jamm a été construit dans la banlieue pour rapprocher les spécialistes des populations. Si, après 4 ans, des structures environnantes continuent de référer à Dakar, n’est-ce pas normal que vous soyez interpellé sur les services qui ne fonctionnent pas ?

Mais les services ne sont pas fermés. L’hôpital fonctionne. Il n’y a que l’activité chirurgicale qui ne fonctionne pas. Les autres services, ils fonctionnent. Pourquoi on veut fermer Dalal Jamm, alors qu’il est ouvert ? Pourquoi on veut faire croire que Dalal Jamm ne fonctionne pas, alors que plus de 100 000 personnes y sont pris en charge (le rapport de 2019 fait état de 103 790 patients consultés, NDLR). Vous savez, nous sommes plus de 15 millions de Sénégalais. Si on veut aborder des questions spécifiques, on ne s’en sortirait pas.

Pourquoi le service cardiologie ne parvient pas à répondre aux sollicitations des populations ?

La cardiologie fonctionne. Elle n’a juste pas commencé à hospitaliser. Je vous ai dit qu’il y a un échographe cardiaque. Il y a des consultations qui se font ; les médecins sont là. On voulait hospitaliser et la Covid s’est installée. Mieux, nous allons installer l’unité de traitement de l’insuffisance cardiaque. Nous avons déjà enclenché les procédures. D’autres projets d’envergure sont dans le circuit. Il en va ainsi de la neurochirurgie, la chirurgie cardiovasculaire, les unités de greffe de moelle et de procréation médicalement assistée.

Justement, ces deux derniers centres ont soulevé des polémiques. Certains disent que Dalal Jamm se tourne vers une médecine de luxe et qu’il y a d’autres priorités. Que répondez-vous ?

Moi, je crois que par respect à tout le monde, on doit prendre en charge les préoccupations de chacun. Si, pour certains, les préoccupations, c’est la cardiologie, d’autres souffrent surtout d’infertilité. Si, pour certains, leur préoccupation, c’est la greffe de reins, pour d’autres, c’est la greffe de moelle. Il faut donc relativiser. Il y a toutes sortes de maladies dans notre pays. Dalal Jamm va faire ceci, les autres feront autre chose. Et même si c’était un luxe, pourquoi nos populations n’en bénéficieraient pas ? Pourquoi seuls les nantis, qui ont les moyens d’aller au Maghreb ou en Europe, devraient en bénéficier ? Pour certains couples qui ne parviennent pas à procréer, c’est un drame. Avec ce centre, ils pourront y parvenir à moindre coût.

Mais est-ce que c’est l’urgence pour Dalal Jamm, alors que l’hôpital ne parvient même pas à faire accoucher ?

Tout est urgent. Est-ce que l’urgence pour cette dame qui peine à avoir un enfant, qui est menacée de répudiation, est-ce que l’urgence ne serait pas d’aller dans ce centre pour avoir un enfant ? Il faut relativiser. Dans tous les cas, celui qui a en charge la définition de la politique de santé, à qui on a confié nos suffrages, en a décidé ainsi. Pourquoi cela susciterait autant de commentaires ? Il le fait pour des Sénégalais.

C’est donc une initiative du président de la République ?

Non. Il a soutenu une initiative de l’hôpital.

Cette mesure a précipité le départ du PCA. Quel commentaire en faites-vous ?

C’est lui-même qui l’évoque dans sa lettre. Que voulez-vous que je dise. C’est un homme libre. Je ne peux commenter ses décisions. Je les respecte. Nous le remercions pour ces années qu’il a passées avec nous.

Vous dites que l’hôpital a été créé pour répondre à un besoin de proximité. Mais les populations disent qu’elles ne vous sentent pas encore trop. C’est quoi le problème ?

Bon… Notre vocation n’est pas de faire de la publicité. Encore une fois, si nous nous occupons de cas spécifiques, on ne s’en sort pas. Je pourrais vous citer beaucoup d’autres qui disent du bien de Dalal Jamm. Un hôpital, on le juge sur la base de la prise en charge. Je pense que le plus souvent, c’est des jugements de valeur.

MOR AMAR

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