Publié le 11 Sep 2024 - 11:32
COMPETITIONS INTERNATIONALES

Calendriers surchargés, mais que peuvent faire les footeux ?

 

Avec l’apparition de la nouvelle Coupe du monde des clubs l’été prochain et un calendrier de Ligue des champions plus épais que jamais, les footballeurs semblent s’unir contre une cadence trop élevée des rencontres. Une contestation pour l’instant limitée aux conférences de presse. Comment aller plus loin ?

 

Annoncée depuis de longs mois, redoutée depuis plusieurs semaines, c’est une lutte qui semble unir les acteurs du monde du foot : il y a désormais trop de matchs dans le calendrier du football mondial. Luka Modrić, Erling Haaland, Toni Kroos, Aurélien Tchouaméni, Didier Deschamps, Carlo Ancelotti, Bernardo Silva, Kevin De Bruyne, Dayot Upamecano… Non, ceci n’est pas une liste des nommés au prochain Ballon d’or ou au titre de meilleur entraîneur de l’année. C’est un condensé non exhaustif de joueurs et coachs s’étant exprimés ces dernières semaines pour condamner l’augmentation du nombre de rencontres et les cadences jugées infernales.

Entre une Ligue des champions où chaque équipe disputera deux matchs de plus et une Coupe du monde nouveau format (celle des clubs) à rallonge, il y aura du foot de clubs durant les douze prochains mois (!). Une ineptie qui fait de plus en plus grincer des dents, et que la FIFPro, la Fédération internationale des footballeurs, a dénoncé en publiant un rapport inquiétant sur l’accumulation des matchs. Membre du comité mondial et vice-président de l’UNFP, David Terrier s’est montré inquiet de la situation dans les colonnes de L’Équipe : « Avec la surcharge des matchs et des compétitions, le calendrier ne tient plus. On est arrivé au bord du précipice. »

Notamment pour les grosses écuries, bientôt soumises à des cadences encore plus infernales, alors que certains des meilleurs clubs d’Europe devraient disputer pas moins de 70 rencontres minimum lors de la saison 2024-2025. Dans cette situation, les petits clubs ne seront pas les premiers frondeurs, eux pour qui le calendrier ne s’épaissit pas spécialement, comme en France avec la suppression de la Coupe de la Ligue puis le passage à 18 clubs en Ligue 1. Les autres commencent (enfin) à monter au créneau et à s’interroger sur l’impact sur la santé des joueurs. De façon indépendante, Carlo Ancelotti envisagerait ainsi de donner des congés spontanés à certains de ses joueurs, en fonction de l’enchaînement des matchs et cas par cas.

Une initiative propre au Real Madrid, mais qui pourrait trouver écho chez les meilleures équipes, aux effectifs pléthoriques. Chacun a le droit à des vacances, des vraies, même ceux qui gagnent des dizaines de millions d’euros. Deux ou trois semaines de repos complet, ce n’est parfois pas suffisant et c’est souvent trop peu pour aborder une nouvelle saison chargée. « Certains joueurs vont enchaîner deux saisons de suite sans vacances », se lamentait David Terrier. Ainsi, la FIFPro a entamé une action en justice contre la FIFA, mais surtout porté plainte contre cette dernière aux côtés de l’Association des ligues professionnelles européennes, soulignant une « violation du droit du travail domestique », pour mettre en lumière la gloutonnerie de l’instance sur les championnats nationaux.

Le droit de gréver

Alors que les joueurs finissent sur les rotules, la grève apparaît comme l’ultime recours pour obtenir un temps de repos minimum et laisser les corps se régénérer. En France, par exemple, elle est pleinement assurée par le droit, d’autant plus dans le privé, où sont salariés les joueurs pros, comme le rappelle Me Fiodor Rilov, avocat spécialisé dans le droit du travail : « Dans le privé, le droit de grève est garanti de manière absolue à partir du moment où au moins deux personnes se mettent en grève et qu’elles cessent le travail de manière complète. Il faut, à ce moment-là, dans le cadre de la grève, formuler des revendications professionnelles. » Des revendications toutes trouvées : moins jouer et bénéficier de plus de repos. Dans les grands championnats européens, les concernés pourraient donc faire valoir ce droit. Une hypothèse franchement envisagée par David Terrier en cas d’impasse judiciaire. « On demandera aux joueurs : “Êtes-vous prêts à vous mobiliser pour défendre vos intérêts, votre santé et votre bien-être, et on fait un blocus ?”, assurait-il auprès de L’Équipe, évoquant une alternative qui ne l’enchante pourtant pas. Le but n’est pas d’arriver à ça, car tout le monde aura perdu. »

Les joueurs auraient toutefois ici une chance d’aller au bout de leurs idées, par eux-mêmes, au-delà de déclarations agacées en conférence de presse. Qu’ont-ils d’ailleurs à perdre à faire valoir leurs droits de salariés, certes soumis à des conventions collectives adaptées, mais qui ne suffisent même plus à pallier les débordements des calendriers. Comment réagiraient alors les fans, ceux-là mêmes qui doivent jongler entre leurs abonnements pour suivre leur équipe et qui s’étaient soulevés contre la Superligue ? Un caprice de joueurs trop payés ou bien une inquiétude légitime qu’il faudrait soutenir ? Il ne faut pas se leurrer : si les joueurs sont prêts à se rendre à l’autre bout du monde pour jouer des matchs amicaux (même quand ils sont placés entre la fin des championnats et une grande compétition, comme le Milan cet été), c’est parce qu’ils sont conscients des enjeux économiques, pour leurs clubs et surtout pour eux. Protester contre les calendriers de manière concrète, ce serait accepter une baisse des salaires dans la durée, ces nouveaux formats enrichissant indirectement les acteurs principaux du jeu. À ce petit jeu-là, le grand gagnant risque de s’appeler Gerard Piqué. Et le perdant ? Le foot, comme toujours.

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