À pas de tortue
La Journée nationale de nettoiement de ce mois de septembre a servi de prétexte pour faire le point sur le projet de dépollution de la baie de Hann. En plus de la lenteur des travaux, des problèmes liés aux marchés ainsi que des soucis techniques sur le terrain sont à déplorer.
Initialement annoncé à la baie de Hann dans le cadre de la 4e édition de ‘’Setal sunu reew’’ (Journée nationale de nettoiement), le Premier ministre s’est finalement rendu à Matam où il a officiellement lancé les activités de cette journée. Cela n'a en rien entamé la détermination des populations de Hann-Bel Air qui veulent résoudre le problème de la baie de Hann, un enjeu lié à leur environnement ainsi qu'à leur santé et à leur bien-être.
Déterminées à voir la baie de Hann retrouver son lustre d'antan, les populations de Hann ont envahi le site, soutenues par certains services de l’État et ministères tels que celui de la Jeunesse, des Sports et de la Culture.
Le projet de dépollution de la baie de Hann souffre de retards chroniques et de l'absence des populations riveraines dans le comité de pilotage, selon Mbacké Seck, sentinelle de la baie de Hann. "Lancé officiellement en septembre 2020 sur la plage de Hann, son exécution connaît un retard énorme. Il faut reconnaître que la communication envers les populations riveraines est insuffisante. Elle est conforme à la faiblesse des niveaux de réalisation", a-t-il indiqué. Non sans rappeler que ce projet de dépollution est une demande forte des populations de Hann à travers l'ASC Yarakh en 2001. "Les populations avaient compris que la baie de Hann, par sa beauté, est un atout et non un égout par son utilisation. Hann est le bassin versant de cette partie du réceptacle", a-t-il dit.
Le défenseur de l’environnement note qu’en conseil interministériel présidé par la Première ministre Mame Madior Boye, il y a 22 ans, pour la réhabilitation de la baie, il y avait deux orientations stratégiques : une restructuration urbaine des quartiers riverains de Hann, Mbao et Thiaroye ; une dépollution des effluents liquides. "Il a fallu attendre 18 ans pour lancer les travaux en grande pompe", regrette Mbacké Seck.
Il est donc clair que le projet connaît un retard réel, causant même le retrait d'un des bailleurs : la BE (European Investment Bank), selon notre interlocuteur, qui nous renseigne également qu'aujourd'hui, les Pays-Bas et la Chine apportent un nouveau soutien à l'AFD et au projet.
Manque de transparence
"Concrètement, dans le projet de dépollution, il y a un comité de pilotage à l'Onas dont la gouvernance gagnerait en transparence, en traçabilité, en stabilité, mais aussi en célérité", a indiqué Mbacké Seck.
Sur le volet restructuration et régularisation foncière, il note qu’il y a du concret à Mbao et à Hann. À Thiaroye, la volonté est affichée. "Cette restructuration va avec la réalisation d'un réseau d’assainissement à Hann, pas encore réceptionné, avec deux stations de pompage peu fonctionnelles", a-t-il dit. Il y a un curage assez régulier du canal 6, la plus grande source de dégradation des eaux de la baie de Hann. Il y a également le collecteur des eaux usées industrielles et domestiques de 15 km entre le port et Mbao qui est déjà installé en partie. La station de pompage de Sicap Mbao et la station d'épuration (Step) de Petit-Mbao sont en chantier. Le marché de l'émissaire en mer de 3 km est lancé. L'entreprise sera bientôt choisie.
En somme, Mbacké Seck soutient que "les travaux se poursuivent lentement avec des problèmes liés aux marchés pour certaines entreprises et des problèmes techniques sur le terrain".
Ainsi, "le niveau de réalisation est en dessous des prévisions". À l’en croire, à 22 ans, le projet actuel est différent du projet de base, car conforme à l'ODD 6. Pourtant, il va avoir un impact sur presque un million de personnes. "Le projet de la baie de Hann présente des carences que nous, riverains, très attentifs depuis sa naissance et son exécution, soulignons chaque fois que l'occasion se présente. La gouvernance n'est pas participative avec les communautés. Les études d'impact doivent être actualisées après l'extension du projet. La Step est sur un site vulnérable à l'avancée de la mer et dans une des zones avec une très mauvaise qualité de l'air", a pesté Mbacké Seck.
La sentinelle de la baie de Hann a ajouté : "Le niveau de traitement des eaux usées n'est pas suffisant, alors que les moyens techniques et financiers existent. L'Union européenne n'accepterait dans aucun de ses pays le déversement d'eaux usées, même recyclées, en mer. L'émissaire en mer est écologiquement impertinent dans une aire marine."
En fin de compte, il note que le projet de dépollution de la baie est bon, mais doit faire l'objet d’un "jubaanti" de premier niveau, car dans sa forme actuelle, "la détérioration des eaux de la baie sera irréversible. Dommage !", regrette le défenseur de l’environnement.
L’engagement à trouver une solution définitive
En ce qui concerne la journée de nettoiement, "l'engagement de la jeunesse pour un Sénégal propre" a été le thème de cette 4e édition. À Hann-Bel Air, les riverains, notamment les jeunes, avec le soutien d’agents de la municipalité, sont sortis massivement pour que la baie de Hann retrouve son lustre d'antan. Ils ont nettoyé le bord de la plage, enlevant toutes sortes de déchets, y compris des déchets plastiques.
En plus d’une forte implication du Service cadre de vie, l’Office national de l’assainissement du Sénégal (Onas) a mobilisé des engins lourds et le personnel qu’elle a à Hann-Bel Air pour accompagner cette décision du président de la République.
Chef du département exploitation à Dakar et banlieue, Mouhamadou Lamine Samb explique : "L'Office national de l’assainissement du Sénégal, chargé de la gestion de l’assainissement, a pour finalité, dans toutes les politiques qu’il mène, l’amélioration du cadre de vie des populations. C’est dans ce sens qu’il est doublement impliqué dans cette journée. La zone qui a été choisie est une zone dans laquelle l’Onas est en train de dérouler un projet emblématique." Il s'agit du projet de dépollution de la baie de Hann. L’Onas prévoit de connecter toutes les eaux usées rejetées directement dans la mer par les industriels et certaines populations à une station d'épuration qui est actuellement en construction.
L’armée joue aussi son rôle dans le cadre de cette dépollution. Elle a mené des activités de nettoyage du fond marin à Yarakh, comme ce fut le cas à Gorée, à Mbao et à Rufisque, d’après le commandant Bafodé Cissé. Il explique qu’au niveau de l'aire marine protégée, il y a cinq zones importantes constituant le noyau. Il s’agit de la zone de Terrou Baye Sogui, la zone de Gorée (500 m autour de l'ile de Gorée), Khassaw au niveau de Rufisque, etc. Le ministre des Forces armées, le général Birame Diop, a affiché sa satisfaction en voyant le travail effectué par les riverains. "La baie qu’on a visitée aujourd’hui n’a absolument rien à voir avec celle qu’on a vue sur les photos", a-t-il estimé, encourageant les agents de la municipalité et les populations à faire en sorte que la baie redevienne celle que l’on connaissait avant les indépendances : une baie fréquentée par toutes les populations, une baie qui n’est plus polluée et qui n’est plus le point de départ de l’immigration irrégulière.
Il note que le président de la République, en instaurant la journée de nettoiement ‘’Setal sunu reew’’, a souhaité que cette journée de mobilisation citoyenne, partout au niveau du territoire national, soit une journée d’investissement humain, d’amélioration du cadre de vie, contre la destruction de l’environnement, de solidarité, de civisme et de cohésion nationale. "Lorsque nous sommes solidaires et que nous faisons preuve de fraternité, il n'y a absolument rien qu’on ne puisse réussir. Donc, j'exhorte l’ensemble de nos concitoyens à continuer cet effort", a invité le général Birame Diop.
Pour sa part, le maire a manifesté sa satisfaction par rapport à la présence massive des autorités étatiques. "Dans certains pays, le concept ‘Setal sunu rew’ a produit un effet positif. Et je suis convaincu qu’avec cette mobilisation citoyenne, nous allons faire mieux que le Rwanda. Le choix de la baie de Hann dénote de l’engagement du gouvernement à trouver définitivement la solution pour éradiquer le problème de la pollution de la baie de Hann", a salué Babacar Mbengue.
BABACAR SY SEYE