L'IGE en croisade contre le désordre organisationnel

Une structure permanente rattachée à la Primature et non plus au ministère des Affaires étrangères, une professionnalisation de l'activité avec un management de qualité qui passe par redéfinition du profil du Commissaire général, une rationalisation des dépenses et du personnel... Ce sont les principales mesures préconisées par l'IGE dans son rapport remis mardi au chef de l'Etat.
Le rapport public sur l'état de la gouvernance et de la reddition des comptes aborde le dossier du pèlerinage aux Lieux saints de l'islam sous l'angle du pragmatisme. «Après 45 années de 'campagne', la persistance des problèmes d'ordre organisationnel qui revenaient de manière récurrente à l'occasion de chaque édition avait amené l'IGE à proposer (…) une série de mesures dont la mise en œuvre a permis de relever, avec succès, les nombreux défis liés à l'organisation du Haj», lit-on à la page 39 du document.
Dissocier «représentation» et «management»
Ainsi, les inspecteurs généraux d'Etat proposent deux options à l'Etat du Sénégal. La première : que l'Etat se «désengage de l'organisation du pèlerinage pour la confier aux opérateurs privés qui, à l'heure actuelle, transportent près de 60% des pèlerins sénégalais». Dans la foulée, il est recommandé la création d'une «Autorité de régulation qui fixe les conditions, règles et procédures d'agrément» des opérateurs. «Dans ce cadre, l'Etat peut décider de prendre en charge l'assistance médicale des pèlerins sénégalais».
La seconde option est que «l'Etat continue de gérer l'activité» du Haj, «mais sur de nouvelles bases» avec par exemple «une scission en deux fonctions». Une fonction de «représentation qui pourrait être confiée à une autorité religieuse, un arabisant connu pour sa probité morale et sa capacité à dialoguer avec les autorités saoudiennes». Une fonction de «pilotage et de management» confiée à «un cadre de haut niveau, connu pour son leadership ainsi que ses qualités humaines et professionnelles», indique le document. Et dans ce cas, «l'Etat peut également choisir le Consul général du Sénégal à Djeddah, s'il remplit les critères fixés.»
«Bureau des pèlerins sénégalais»
Mais dans tous les cas, «il est urgent de mettre un terme au gaspillage de fonds publics, résultant de la prise en charge onéreuse (billet, hébergement, pécule) de prétendus membres de l'encadrement qui, n'ayant pas souvent fait le pèlerinage et ne comprenant pas les rites et lieux du pèlerinage, ne peuvent aider les pèlerins», avertit l'IGE. A ce titre d'ailleurs, «le recrutement des étudiants sénégalais établis en Arabie Saoudite, au Caire et au Yémen, mieux outillés pour l'encadrement des pèlerins», est recommandé.
Pour l'Inspection générale d'Etat, il est impérieux de «repenser le pilotage et le management du pèlerinage (…) au regard des nouvelles dispositions prises par les autorités saoudiennes et touchant aussi bien le cadre institutionnel qu'opérationnel de cette activité. En proposant d'adopter un «Bureau des pèlerins sénégalais» en lieu et place de «Mission», le rapport le justifie car ce dernier terme «est source de confusion avec les missions diplomatiques et consulaires». Cette confusion «faisait que ces missions, quelle que soit leur appellation (Commissariat, Conseil, etc.), bénéficiaient des avantages, privilèges et protections prévus par la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques et consulaires».
500 millions de dettes et de l'opacité dans les contrats
L'organisation du Haj souffre de plusieurs tares dont : «l'absence de planification et de programmation des différentes activités liées», «l'absence d'objectifs clairs et précis (dont) le défaut de fixation du prix de référence du pèlerinage», «l'absence d'un véritable pilotage et d'un management de cette opération ; aucune lettre de mission n'est définie au Commissaire général et à son adjoint» ; «des dépenses dont l'essentiel (77%) est consacré à des paiements destinés aux membres de l'encadrement et au transport de ceux-ci», et «le faible niveau des dépenses consacrées au suivi et à l'encadrement des pèlerins (23% de crédits) alors que 77% sont consacrés à des dépenses sans relation directe avec cette finalité».
En guise de comparaison, l'IGE rappelle par exemple que «le pèlerinage aux Lieux saints de la chrétienté est préparé huit mois avant pour seulement 300 pèlerins, alors que pour le pèlerinage aux Lieux saints de l'islam et pour un nombre plus élevé de pèlerins (NDLR : environ 8 à 10 000), on observe des délais plus courts».
Ce désordre organisationnel entretenu sur «quatre éditions» a créé une dette de 500 millions de francs Cfa, «sous réserve d'un audit approfondi», due aux logeurs des pèlerins à Médine et à La Mecque. Elle «serait la conséquence de l'opacité qui entoure la négociation des contrats de location effectuée en marge du pèlerinage, par les responsables du Commissariat».