Publié le 26 Sep 2016 - 00:58
PARTIE D’HISTOIRE

Aux origines du tam-tam au Sénégal

 

Le tam-tam fait partie de l’arsenal instrumental sénégalais. Alors une question nous vient à l’esprit : où est né cet instrument. Beaucoup le voient souvent, lors des cérémonies ou soirées culturelles, mais ignorent ses origines. EnQuête a mené une enquête pour vous auprès des grandes familles griottes sénégalaises connues et reconnues dans l’art de battre le tam-tam.

 

‘’Le tam-tam est apparu en premier dans le Sine, le Djolof, le Baol, le Saloum et le Kadior. C’est avec des rois comme Amary Ngoné Sobel, Buur Sine Coumba Ndoffène, Bourba Djolof qu’il fait son apparition’’, dixit Momar Diop Faye dit Mor Diop, chef de file de la troupe ‘’Keur-Gui’’ de Bargny. Ainsi, cet instrument serait né au moment où le Sénégal était constitué de divers royaumes, c’est-à-dire entre le 13e et le 14e siècle. Seulement, si les interviewés ne veulent pas avancer une date exacte, même si le tambour major sérère Omar Thiam pense qu’il est apparu entre le 7e et 8e siècle, ils s’accordent tout de même tous à dire qu’il est né dans le Sine, d’où d’ailleurs son appellation ‘’Junjung ya ca Siin’’.

‘’On l’appelait ‘’lamb’’, après on l’a remplacé par ‘’Junjung’’. C’est pour cela qu’on dit : ‘’Junjung ya ca Siin’’, informe toujours Mor Diop. ‘’Nous pouvons dire qu’à l’époque des rois, on utilisait le ‘’xiin’’ pour les glorifier et les galvaniser. C’est à ce moment que l’on a commencé à vivre de cette culture. Au Sénégal, les Sérères sont les premiers à avoir utilisé cet instrument. Après, les wolofs se l’ont approprié’’, indique l’un des fils du regretté tambour major Doudou Ndiaye Rose, Tapha Ndiaye. Ce que confirme Mor Diop : ‘’A vrai dire, les  Sérères sont à l’origine du tam-tam. Ils invitent le tam-tam dans toutes leurs cérémonies (mariage, deuil, fête des récoltes, lutte, etc.)’’.

Tambour major de renommée, sans doute le plus connu dans le Sine, Oumar Thiam campe l’histoire qui s’apparente beaucoup plus à une légende. Il raconte : ‘’Dans le Sine, il y avait un nommé Sounkarou Mandé qui, un jour, a rencontré Loule Diom, un chasseur et guérisseur de Loule Sessène. Ensemble, ils partirent en brousse. En revenant, le premier cité ramena un tronc d’arbre et une peau d’animal. Il appela tous les villageois.

Devant eux, il réalisa cet instrument qu’il baptisa Ndouloup’’. Ce premier tam-tam, rappelle-t-il, était d’une longueur comprise entre 3 et 4 mètres. Il fallait alors l’accrocher à un échafaudage pour que le son soit le plus audible possible. ‘’Quand on cherchait le propriétaire dans le village, on l’appelait à travers ce tam-tam, en disant à travers les rythmes : Sounkarou Mandé wonathiounguél (Sakoura Mandé tu es attendu, en langue sérère)’’, témoigne-t-il. En outre, ce rythme joué  est le premier son du ‘’Ndouloup’’. Aussi, note-t-il, ‘’ce Ndouloup est antérieur au Ndouloup de Mad (le roi) géré par la famille Sène qu’on appelle ‘’mbinonguérane’’. Le premier ‘’Ndouloup’’ était tellement lourd et long qu’il n’était pas à la portée de tout le monde’’, relate-t-il.

Aujourd’hui, en sus de ce ‘’Ndouloup’’, existent d’autres formes de tam-tam. Dans le Sine, toujours selon Omar Thiam, c’est Gorongue Sène qui a décidé de réduire la taille du ‘’Ndouloup’’ jusqu’à ce qu’il soit à la portée de presque tous. Il l’a rebaptisé en lui donnant son propre nom. Après, sont apparus ‘’le ‘’sabar’’ dont le ‘’lamb ou thiol’’, le ‘’Gorong tal mbate’’ (il ressemble au thiol), le ‘’Mbën Mbën’’ que l’on appelait ‘’hëb hëb’’, le ndeer’’ et le gorong mbabas’’. « Ce dernier, c’est mon père feu Doudou Ndiaye Rose qui l’a créé », selon Tapha Ndiaye. A part ce dernier cité, les autres existaient depuis longtemps. Seuls leurs noms ont connu des changements.

En effet, selon Omar Thiam, ‘’quand Meissa Waly Dione est venu avec les ‘’guelewars’’ du Gabou, il était accompagné par des percussionnistes du ‘’Sorouba’’ ; un instrument composé de trois tomes : ‘’le koutouriba, le koutourounding et le sabaro’’. Ces trois instruments auraient complété l’arsenal rythmique du Sine. On était au 11ème siècle, affirme-t-il.

‘’Les trois tomes du ‘’Sorouba’’

Aujourd’hui, dans cette ancienne province, tous ces noms ont changé. Maintenant, on parle de ‘’bal’’, de ‘’toungouné’’, de ‘’sabar’’. ‘’Ces noms-là sont typiquement sérères. Lorsque le roi a entendu pour la première fois le son du ‘’gorong’’, il a su qu’il était nouveau. Il a alors demandé que cet instrument le réveille chaque matin et l’accompagne au coucher, le soir.  A la mort du roi, Niokhor Sène, son fils aîné, est venu réclamer l’instrument en déclarant : ‘’lam le xotidoum’’ (je suis venu chercher le tam-tam, en sérère). Depuis lors, le ‘’gorong’’ est appelé dans le Sine ‘’lam’’. Dans cette partie du pays où vivent pour la plupart des Sérères, on retrouve aussi ‘’le bal’’, le ‘’toungouné’’ et le hour’’. Ce dernier instrument est en bois, il ressemble au ‘’bombolong’’ diola.

Par ailleurs, l’on ne doit pas seulement la création du ‘’gorong’’ et du ‘’ndouloup’’ aux Sérères. On leur  doit aussi celle du ‘’xiin’’. C’est sous le règne de Mbegane Ndour qu’est apparu ‘’le xiin’’ créé par Parou Mbadje Ndiaye, un des aïeux de Doudou Ndiaye Coumba Rose, selon le batteur Omar Thiam. ‘’Xiin’’ signifie bruit assourdissant.

Toutes ces créations font dire à Omar Thiam : ‘’Le rythme au Sénégal, c’est le Sine. Les premières notes ont été exécutées dans le Sine. Les premiers instruments sont apparus dans cette contrée, de même que les premiers griots.’’

Utilité du tam-tam

Si aujourd’hui on ne connaît le tam-tam que pour sa fonction divertissante, avant, il était utilisé à d’autres fins. ‘’Auparavant, le ‘’sabar’’ était utile pour la communication. Quand nous étions petits, nous pouvions communiquer à travers cet instrument. Par exemple, si un membre de la famille avait besoin de quelqu’un, il pouvait faire appel au ‘’tam-tam’’. Il suffisait juste d’enchaîner sur un rythme. On peut même discuter à travers cet instrument’’, indique l’un des fils de ‘’Bëj ndakaaru’’ Vieux Sing Faye, Djiby Diop Faye. Le leader du groupe ‘’Keur-Gui’’ de Bargny embouche la même trompette : ‘’C’était un moyen de communication. C’est à travers cet instrument que l’on faisait appel à la population, lorsque le roi avait besoin d’elle. On faisait la même chose pour annoncer la nouvelle d’un deuil. On lançait des messages à travers cet instrument. Avant, les griots ne battaient le tam-tam que pour le roi, c’est après qu’ils en ont fait un commerce’’. Seulement, comme le précise Tapha Ndiaye, ‘’chaque rythme avait son sens, à l’époque’’. Ainsi, la manière d’annoncer un mariage était différente de celle d’un deuil ou d’un baptême.

Toutefois, la manière de l’utiliser change d’une communauté ethnique à une autre. Chez les Lébous par exemple, elle a pour fonction de soigner des maux. ‘’Les Lébous l’utilisent lors des ‘’ndëpp’’. Quand quelqu’un tombe malade, les gens sont obligés d’organiser cette cérémonie dans le village. Dans ce cas, on sort les ‘’sabars’’. Et pour guérir la personne, il faut interpréter des rythmes joués avec sept  ‘’galagne’’ en prononçant le nom du djinn du malade. Ainsi seulement, il pourra être guéri’’, affirme avec conviction Mor Diop Faye. Dans cette communauté de pêcheurs, l’on pense aussi que battre le tam-tam avant d’aller en mer peut porter chance. ‘’Ça chasse les mauvais esprits’’, croient-ils. Aussi, avoir sur soi une partie de la peau d’animal servant à fabriquer le tam-tam quand ce dernier est détruit porterait bonheur.

Par ailleurs, regrette Djiby Diop Faye, les fonctions et les rythmes du tam-tam sont aujourd’hui dévoyés. Il impute la faute aux ‘’non-griots’’ qui battent le tam-tam. ‘’Même la manière dont nous fabriquons le tam-tam laisse à désirer. Il y a une grande différence. Dans la famille griotte, c’est depuis le bas-âge que l’on nous enseigne les différents rythmes et leurs sens. Nous avons cet amour dans le sang. Mais la génération d’aujourd’hui a changé les façons de faire. Et des intrus ont aggravé les choses et ce ne sont personne d’autres que ceux qui se disent ‘’nobles’’, pointe-t-il du doigt. Amer, il ajoute : ‘’Ils ont tout chamboulé et ont détourné certains rythmes en y ajoutant des choses.’’

L’espoir est permis tout de même puisque, dit-il, ‘’dans certaine grande famille griotte, les rythmes sont joués correctement’’. 

AIDA DIENE

 

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