Le machisme dans la commande publique
Très peu visibles dans le domaine des marchés publics, les femmes-chefs d’entreprise réclament plus de parts dans les marchés pourvus par les différentes autorités contractantes.
Il n’est pas fréquent, dans les marchés publics, de voir des entreprises dirigées par des dames tirer leur épingle du jeu. En tout cas, pas autant que celles menées par les hommes. Pourtant, la réglementation en vigueur ne manque pas de dispositions qui ont pour finalité de promouvoir l'accès des femmes à la commande publique.
Directeur de la Réglementation et des Affaires juridiques de l'Autorité de régulation des marchés publics, Dr Baye Samba Diop revient sur la prise en charge de cette problématique dans la réglementation en vigueur. Il informe : ‘’La prise en charge de la dimension genre dans la commande publique est déjà une réalité. Dans le cadre de la loi 2021-23 du 2 mars 2021 (relative aux contrats de partenariat public-privé), notamment son décret d'application 14-43 du 27 octobre 2021, il est prévu que dans le cadre des marchés publics, on doit accorder une marge de préférence de 2 % aux entreprises dont l'actionnariat majoritaire est détenu par des femmes ou plus de 50 % du personnel est composé de jeunes. Et comme l’a dit le directeur général, l’ARMP est en train de travailler pour que dans le projet de réforme, que l’on puisse prévoir des marchés réservés des femmes, en sus de renforcer les marges préférentielles.’’
Au Sénégal comme dans le monde, le nombre d’entreprises portées par des femmes qui accèdent à la commande publique est minime. Au niveau mondial, les chiffres font état de 1 % seulement. Et le Sénégal n’est guère une exception. Pourtant, dans bien des secteurs, les femmes ont fini de démontrer une expertise avérée, voire même damer le pion aux hommes. Il en est par exemple, dans le secteur de la transformation des produits agricoles. Elles ont également une assez bonne présence dans certains domaines comme la restauration, la culture des céréales…
Mais souvent, et c’est là où le bât blesse, elles sont dans l’informel. C’est pourquoi les formateurs, dans le cadre de ce programme mis en œuvre par l’ONU Femmes et l’ARMP, ont particulièrement insisté sur la nécessité de se formaliser. Baye Samba Diop explique : ‘’La première étape, quand on veut compétir dans les marchés publics, c’est de se formaliser, d’avoir une reconnaissance juridique. Ensuite, il s’agit de les outiller pour avoir accès à l’information sur les marchés publics et à pouvoir soumissionner aux différents appels d’offres. C’était l’objet de ce programme que nous comptons poursuivre et renforcer.’’
En fait, souvent, les femmes souffrent surtout d’un défaut d’accès à l’information : information sur les marchés soumis à concurrence, information sur les mécanismes prévus par l’État pour une discrimination positive en leur faveur… Et quand elles réussissent à surmonter ces obstacles, les femmes sont freinées par un défaut de maitrise des procédures pour pouvoir soumissionner correctement et maximiser leurs chances.
Selon la coordinatrice de l’ONU Femmes/Sénégal, Mme Djenaba Wane Ndiaye, il urge de renverser cette tendance et c’est tout le sens du programme We-Fi (Women Entrepreneurs Finance Initiative).
Djenaba Wane Ndiaye, Coordinatrice ONU Femmes Sénégal : ‘’Nous voulons un quota de 20 % pour les femmes.’’
L’objectif, c’est la mise à niveau des femmes-chefs d'entreprise. Madame Ndiaye explique : ‘’Nous avons développé ce programme pour que les femmes puissent avoir les capacités à soumissionner dans les marchés publics et à gagner des contrats, au même titre que les hommes. Il ne s’agit pas de les former et de les laisser partir, nous allons faire le suivi pour qu'elles puissent être à même de mettre en application ce qu’elles ont appris.’’ Au total, elles sont plus de 500 femmes-chefs d’entreprise à avoir bénéficié de cette formation de la part d’éminents experts.
Revenant sur les contraintes auxquelles font face les femmes-chefs d’entreprise, la coordinatrice dira qu’elles sont nombreuses et tournent essentiellement autour des difficultés d’accès à l’information, mais aussi aux financements. Afin de contourner ces contraintes, l’ONU Femmes et l’ARMP comptent non seulement sur la promotion de la sensibilité genre chez les autorités contractantes, mais aussi sur le développement du réseautage des femmes en fonction des secteurs dans lesquels ils se trouvent. À terme, souligne la coordinatrice de l’ONU Femmes/Sénégal, il s’agira de demander un quota de 20 % pour les femmes-chefs d’entreprise. Djenaba Wane Ndiaye affirme sans ambages : ‘’Nous voulons qu’un quota de 20 % de la commande publique soit réservé aux femmes. Nous pensons que nous pouvons relever le défi, si nous poursuivons dans cette dynamique de renforcer les capacités des femmes.’’
Mor AMAR