Vers une dématérialisation des procédures
Si la volonté de l’Autorité de régulation des marchés publics et de certains acteurs se matérialise, d’importants changements vont intervenir dans la gestion des procédures de passation des marchés publics.
La question de la dématérialisation des procédures a également été abordée par les intervenants. Dans un pays comme la France, a soutenu Me Thoor, les procédures sont entièrement dématérialisées. Ce qui renforce non seulement la transparence dans les procédures, mais aussi l’efficience.
Selon l’ancien président du Conseil de régulation de l’ARMP, il faut bien qu’on en arrive à ce stade, au Sénégal. Interpellé sur cette question, il déclare : ‘’Du point de vue de la célérité, on peut avoir quelques reproches. Mais on a été rassuré par le projet qui nous a été présenté et qui, à terme, va nous valoir un dispositif extrêmement pertinent, extrêmement adapté. Nous sommes dans un domaine où il ne faut pas se précipiter. Il y va de la transparence, de l’efficacité, de la sécurité des procédures. Il faut certes dématérialiser, mais il ne faut pas se précipiter. Un travail important est en train d’être fait pour avoir le dispositif le plus important.’’
Dans son intervention, le directeur des Statistiques et de la Documentation, Ousseynou Cissé, est largement revenu sur les efforts qui sont en train d’être déployés à ce niveau. ‘’Depuis le départ, l’ARMP avait mis en place le système intégré de gestion des marchés publics avec la DCMP. Mais c’est un système qui avait un champ un peu restreint ; il permet juste de dématérialiser la partie planification et la partie Suivi des marchés. Conscients des limites du Sygmap, les services vont très tôt mettre en place un autre système qui permet de gérer la partie soumission électronique. Il y a certes eu des retards, parce qu’il fallait s’assurer de toutes les garanties de sécurité et de transparence, mais actuellement, la phase technique a été achevée. L’année 2023 devrait être une année de lancement. Nous allons démarrer avec quatre autorités contractantes que nous allons élargir au fur et à mesure’’.
Il faut noter que cette question est une priorité de l’UEMOA. Lors de la 25e réunion de l’Observatoire régional des marchés publics (ORMP) de l’organisation, la commission avait invité les États membres à faire une présentation sur l’état de mise en œuvre de la dématérialisation des procédures de passation des marchés publics. À cette occasion, l’ARMP avait fait une présentation de son système dénommé Kermel.
PARTENARIATS PUBLIC-PRIVÉ Attention aux dérives ! Lors de cette conférence, les participants sont également revenus sur les partenariats public-privé qui semblent avoir un peu le vent en poupe en Afrique en général et au Sénégal en particulier. Très sexy pour les autorités contractantes qui ne cessent d’en faire la promotion, les partenariats public-privé comportent cependant des risques qu’il faudrait bien adresser. L’exemple de la France, où il y a eu plusieurs abus en matière de PPP, a d’ailleurs été rappelé au cours de la conférence par Maitre Charles-Eric Thoor. Il s’empresse d’ailleurs de préciser : ‘’Il ne faut pas se tromper. Le PPP, c’est une très bonne formule, une manière de commander des ouvrages techniques de haut niveau et d’avoir une exploitation qui vient derrière par un professionnel. Ce n’est pas une formule à condamner. Bien au contraire, il faut l’encourager et le poursuivre.’’ Toutefois, indique le spécialiste, il faut juste être conscient qu’un PPP, c’est un contrat qui est engageant pour les pouvoirs publics. ‘’On ne l’utilise pas pour aller acheter des légumes ou des cantines, mais pour acheter des infrastructures. Qui dit projet de cette ampleur, dit aussi qu’il faut faire attention. Il ne faut pas se jeter à corps perdu dans les PPP. Il faut être conscient du coût que cela implique. J’ai quand même le sentiment qu’ici (au Sénégal) on en est conscient. Le conseil que je peux donner, c’est d’essayer d’impliquer le maximum de professionnels qui pourront s’assurer que les contrats qui sont soumis à la signature répondent bien à l’intérêt général poursuivi’’. Embouchant la même trompette, le professeur Abdoulaye Sakho trouve que les PPP sont une excellente chose. ‘’En fait, il peut y avoir un problème par rapport à l’utilisation qui est faite de la réglementation sur les PPP. Mais en ce qui concerne la réglementation en tant que telle, c’est nickel. On n’a pas grand-chose à dire. Maintenant, comme dans toute chose, l’utilisation peut poser problème’’, soutient le directeur du Master, non sans souligner que l’essentiel pour l’État, dans le domaine des marchés publics, quelle que soit la forme, c’est d’obtenir le service ou le bien à moindre coût pour les finances publiques et que ça soit de qualité. La problématique des offres spontanées Par ailleurs, dans le fond, indique-t-il, une question peut se poser sur la soumission des PPP à la loi sur la commande publique. ‘’Il faut se demander si c’est la loi sur la commande publique qui est applicable ou la loi sur l’investissement’’, s’interroge-t-il avant d’ajouter à propos spécifiquement des offres spontanées : ‘’Pour moi, il faut qu’on fasse attention, parce que c’est un privé qui vient mettre son argent dans un premier temps pour les besoins d’un État. Par exemple : moi je suis un privé ; j’ai identifié un projet ; j’amène mon argent ; je le mets là-dans et on me dit : non, il faut faire un appel à concurrence. Est-ce du droit de la commande publique ou est-ce du droit de l’investissement ? Je pense qu’il y a là matière à réfléchir.’’ Pour le moment, l’État semble avoir opté pour l’application de la réglementation sur la commande publique. Et des conséquences importantes en découlent. Elles sont rappelées par le Pr. Sakho. Il renseigne : ‘’Il faut savoir que quand c’est le droit de l’investissement, on ouvre tout. L’entreprise ne paie même pas les impôts. On lui déroule le tapis. En revanche, quand c’est la commande publique, on vous dit : il faut faire concurrence avec tel. Or, ceux qui font ces offres, ce sont des fonds d’investissement. Ils viennent vous proposer la construction d’un stade, vous leur dites oui, mais il faut me donner le projet pour que je lance un appel à concurrence. Qu’est-ce qui lui dit que tu ne vas pas présenter l’offre à un autre ? Voilà les questions qui se posent à ce niveau.’’ |
Mor AMAR