Accusée de bloquer le processus, Sonatel se défend, arguments à l'appui
Des membres des associations consuméristes confient qu'en réalité, c’est la Sonatel qui a toujours affiché une réticence quant à la mise en œuvre effective de la portabilité. «Nous avions écrit une lettre à l’ancien Dg de l’ARTP Daniel Goumalo Seck mais lui-même nous avait confié que c’était au niveau de la Sonatel qu’il y avait un blocage. La Sonatel n’en a pas voulu mais j’espère qu’avec la nouvelle approche consensuelle et inclusive ressortie du plan d’action de l’ARTP, les choses devront bouger», confie un consumériste souhaitant garder l’anonymat.
Interpellé sur la question, un cadre de la Sonatel nous a juste suggéré de recueillir d’abord l’avis de l’ARTP, selon lui la seule habilitée à parler du sujet...
Le marché de la téléphonie mobile a fortement évolué (depuis 2005), avec une concurrence plus soutenue en 2013 entre 3 opérateurs présents et un taux de pénétration supérieur à 95% (soit 12 millions d’abonnés recensés par l’ARTP au mois de mars).
Des évolutions qui, sans nul doute, militent en faveur de la mise en œuvre de la portabilité des numéros. Ainsi, le 8 juillet dernier, une journée de concertation des opérateurs sur la question a laissé place à la discorde. Si Sentel Tigo et Expresso ont «applaudi» le projet, le n°1 de la téléphonie mobile au Sénégal, Orange Sonatel, s’est montré très réticent.
Les responsables d’Orange ont ainsi émis un certain nombre de réserves à l’égard de cette mesure : «Sonatel n’est pas convaincue de l’opportunité de la mise en œuvre de la portabilité. Les résultats obtenus dans d’autres pays ne sont pas déterminants sur l’évolution du marché», avait souligné Adama Sidibé, Chef du département de la Réglementation à Orange, lors de ladite journée de concertation.
Pour étayer son argument, l'opérateur leader remettait en doute les chiffres relatifs au taux de pénétration mobile fourni dans les données officielles. A cet égard, les pratiques «multi-sim», notamment, devraient conduire à s’interroger de nouveau sur les 95% annoncés.
«La portabilité sera très difficile à appliquer sur le plan technique et tarifaire. Il ne faut pas nous leurrer : cela a un coût. Il y a d’autres priorités, notamment la couverture», ajoutait ledit représentant d’Orange. Et pour un haut cadre de l'entreprise qui a requis l'anonymat, «la portabilité est déjà là en réalité», en référence à la possibilité qu'ont les consommateurs de conserver leurs numéros en changeant uniquement de préfixe (par exemple : passer du 70 300 00 01 au 77 300 00 01 ou vice-versa).
Naturellement, pour les 2 autres concurrents dont surtout Expresso, une thèse contraire est défendue. Aller vers la portabilité favoriserait la concurrence de même qu'il lèverait «les goulots d’étranglement» qui pèsent sur «certains segments sous monopole», lit-on chez nos confrères du Quotidien dans leur édition du 9 juillet 2013.
La Sonatel disposant de 62% de parts du marché mobile qui représente un chiffre d’affaires global supérieur à 374 milliards de nos francs générés en 2012, il se murmure qu’elle redouterait que la mise en œuvre de la portabilité fasse migrer ailleurs un bon stock de ses clients insatisfaits des services qu’elle propose.
«Les 7 millions de clients qui sont chez Orange veulent changer d’opérateurs parce qu’ils ne sont pas contents du service et des coûts, mais ils ne le peuvent pas. Il faut qu’on leur donne la possibilité de partir. On est à 200% pour la portabilité», témoignait Momar Ndao, président de l’Association nationale des consommateurs (Ascosen), dans les colonnes du quotidien Walfadjri daté du 9 juillet de l'année en cours.
Chez Tigo, on est dans la même ligne d'ouverture. «Les clients s’attendent à un environnement plus concurrentiel, la portabilité permettra de baisser les prix des services de télécommunication et de contribuer à une meilleure offre de services», expliquait Boubacar Bâ, lors de la même rencontre.
La portabilité pousserait donc les opérateurs à faire d’énormes efforts pour garder leurs clients. Une situation résumée par le président d'Osiris dans une lettre ouverte sur le sujet publié le 31 juillet sur le site de L’observatoire : «L’opérateur historique qui domine aujourd’hui le marché serait potentiellement le grand perdant (NDLR : de l’implémentation de la portabilité). L’enjeu est désormais moins de faire progresser son parc d’abonnés en allant chercher de nouveaux clients que de conserver (…) les siens ou d’en débaucher d'autres dans les rangs des concurrents», explique Amadou Top, un expert du milieu des technologies informatiques.