Publié le 2 Jul 2013 - 10:18
PRÉPARATION DU PROCÈS CONTRE L'EX-PRESIDENT DU TCHAD

Le procureur «justifie» la «cible» Habré

 

Hissène Habré devait être arrêté depuis longtemps, c'est la visite de Barack Obama qui en a retardé l'effectivité, a révélé, hier, le Procureur général auprès des Chambres africaines extraordinaires, en conférence de presse. Poursuivi pour trois chefs d'inculpation que sont «crime contre l'humanité, crime de guerre et torture», l'ex président tchadien a été «ciblé» parmi d'autres probables responsables, selon le mot du procureur Mbacké Fall...

''Avant d'agir, il faut réfléchir'', a indiqué Mbacké Fall, le Procureur spécial près les Chambres africaines extraordinaires mises en place dans l'affaire Hissène Habré. Hier en conférence de presse, afin de se prononcer sur l'arrestation de l'ex-président du Tchad, mais également sur l'état d'avancement du dossier et les résultats de l'enquête préliminaire, le magistrat n'a pas eu beaucoup de peine pour formuler son réquisitoire. En effet, il a soutenu avoir répertorié, après l'étude global du dossier, trois séries de crime. ''Les statuts nous donnent compétence pour poursuivre quatre crimes à savoir : le crime de génocide, le crime de guerre, le crime contre l'humanité et la torture», a-t-il énuméré face aux journalistes.

«À la suite de notre lecture, nous avons dégagé trois crimes principaux : le crime contre l'humanité, le crime de guerre et la torture. Les statuts nous disent aussi que l'on a compétence de poursuivre le ou les principaux responsables. Il n'est pas de notre prétention de poursuivre toutes les personnes impliquées dans ces crimes, parce que dans tous les statuts des tribunaux pénaux internationaux, ce sont des poursuites ciblées contre le ou les principaux responsables.»

Poursuivant ses explications, Mbacké Fall a relevé plusieurs étapes dans la conduite du dossier de Hissène Habré. Une première étape est constituée par «l'imprégnation du dossier», puis une deuxième étape consacrée aux «demandes d'entraide» judiciaires, et une troisième étape où «le Tchad de Hissène Habré se caractérise par deux situations». Selon le Procureur spécial près les Chambres extraordinaires, ce sont «la situation de répression à travers laquelle nous avons décelé des crimes contre l'humanité et des crimes de torture», d'une part, et «une situation relative aux conflits armés... et durant tous ces conflits on a eu à relever des crimes de guerre...son combat était de combattre l’ennemi. Était ennemi celui qui était contre sa politique, qu'il s'agît d'opposants ou de supposés opposants, tout le monde était ciblé.» Pour Mbacké Fall, «c'est la raison pour laquelle la population civile n'était pas épargnée...»

«Centres de détention à Ndjaména»

Le voyage au Tchad des magistrats a permis, selon le Procureur spécial, certaines découvertes. «Nous avons pu dénombrer une dizaine de centres de détention toutes implantées au niveau de Njamena. La caractéristique de ces centres de détentions était qu'ils étaient très exigus, avec de la promiscuité, une mauvaise alimentation de prisonniers et une chaleur accablante. C'est ce qui expliquait une certaine mortalité dans ces prisons», raconte Mbacké Fall. Selon qui «cette répression généralisée n'a épargné aucun secteur d'activité» sous le règne de Hissène Habré. Ainsi, l’ex-maître de Ndjaména a-t-il été arrêté sur la base des documents fournis par la Justice belge et par les magistrats tchadiens, mais également grâce aux résultats des missions menées par le procureur et son staff.

Le procureur général près les Chambres africaines extraordinaires a également affirmé avoir reçu des documents et des auditions qui furent vérifiés en Belgique et au Tchad. ''Les renseignements et documents obtenus ainsi que les auditions que nous avons effectuées nous permettent d’enclencher des poursuites», a-t-il avancé. Il a indiqué qu’après avoir procédé ''aux vérifications, recoupements'', ils ont réfléchi à «une stratégie de poursuite qui a été adoptée sur la base des statuts des Chambres africaines des droits de l’homme notamment en son article 17''.

La Belgique omniprésente

Le rôle important de la Belgique est mis en lumière par Mbacké Fall. ''Le juge belge nous a envoyé par valise diplomatique des documents. Nous avons été en Belgique pour un échange d’expériences et savoir comment ils ont travaillé sur ce dossier. De retour de Bruxelles, nous avons été au Tchad pour enquêter à Ndjamena (car) dans ce pays existe un dossier qui avait été ouvert depuis 2000 contre Hissène Habré''.

Les Chambres africaines extraordinaires ne se sont pas simplement limités à ces étapes. Elles ont également pris connaissance des rapports des organisations internationales de défense des droits de l’homme. ''Une fois à Dakar, il ne nous restait plus qu’à finaliser. Et nous avons fait notre réquisitoire. Une semaine après notre retour à Dakar, nous avions demandé que Habré soit arrêté et placé en détention. Mais du fait de l’insuffisance des forces de l’ordre avec la visite de Barack Obama, nous avons attendu dimanche 30 juin''. Mbacké Fall a notamment indiqué qu'ils ont saisi le juge d’instruction pour lui fournir le dossier avec ses implications criminelles.

ANTOINE DE PADOU

 

«Des contrevérités», selon Me El Hadj Diouf

Me El Hadj Diouf s'est invité à la conférence de presse pour battre en brèche les arguments du procureur dans l'affaire de l’arrestation de Hissène Habré. L'avocat qui fait partie de la défense de l'ex-président tchadien, a tout simplement rejeté les propos du procureur général Mbacké Fall en soutenant que ce dernier a exhibé des «contrevérités». «Je rejette tout. Tout ce qu'il a dit est faux», a-t-il soutenu avec véhémence. La réalité, indique l'avocat, c'est que «le procureur a violé le secret de l'instruction et a déjà jugé puis condamné Hissène Habré». Mais le collège d'avocats dont il fait partie dénoncera ''toutes ces violations'' subies par M. Habré.

Me Diouf s'est également insurgé de la non citation par le procureur de l'actuel président tchadien Idriss Déby Itno parmi les personnes poursuivies. ''Il n'a pas osé s'attaquer à Déby. Pourtant, Déby était chargé de la sécurité, un président ne peut pas savoir ce qui se passe en prison. Les rapports étaient faits à Déby'' a-t-il commenté sur les cas de tortures pour lesquels Habré est poursuivi. Sur cette lancée, il reste persuadé que les charges ont été montées de toutes pièces pour condamner Habré et a dénoncé le caractère partial de l'accusation.

''Ils sont allés se balader en Belgique et au Tchad. Ils n'ont pas de preuves concrètes. Ce sont les ennemis du Sénégal et de Habré qui le condamnent», a-t-il avancé avant d'ajouter que «,en 23 ans de profession, je n'ai jamais vu une justice avec un conseiller en communication, j'ai plaidé dans beaucoup de pays, mais c'est la première fois que je vois cela ! Une justice avec un conseiller en communication, cela veut dire qu'ils veulent gagner la bataille de la communication, la bataille du mensonge», a argué Me El Hadj Diouf, allusion au journaliste Marcel Mendy, fonctionnaire du ministère de la Justice, en détachement auprès des Chambres africaines extraordinaires.
 

 

 

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