Slameur en majeur
Amoureux de la poésie, il s'y illustre depuis l'école primaire. C'est dans le sang d'Oumar Niang allias Minuss, de déclamer ses vers sur un flow recherché. Profil d'un slameur-né.
''Maximiser sur l'intelligence dans la noblesse, l'union, la sagesse et la simplicité''. Voilà Minuss en une phrase pour le public féru de slam. Oumar Niang a l'état-civil est loin d'Arthur Minus. Même si c'est à cause de ce personnage de dessin animé que le sobriquet lui a été collé.
Très tôt attiré par les mots, le jeune Niang, alors élève en classe de seconde au lycée des Parcelles Assainies, aimait jouer au scrabble sur l'ordinateur. Il était le plus jeune et de loin le plus petit de ceux qui fréquentaient la salle informatique du lycée. Trimbalant toujours son énorme dictionnaire, les grands l'ont vite surnommé Minus, eu égard à sa petite taille. ''Je mesurais à peine 1m 45 à l'époque'', confie-t-il.
Aujourd'hui, il est tout grand sur son mètre 89. Teint noir, Oumar Niang ne passe pas inaperçu sur les scènes du collectif du Vendredi slam dont il est membre. Par son gestuel, sa voix gutturale, son regard fixe rivé sur l'assistance et ses textes profonds, il retient l'attention et le souffle. ''Je travaille beaucoup mon gestuel et ma présence scénique'', dit-il. En fait, depuis l'école primaire, Minuss s'amusait déjà à théâtraliser ses textes de poésie. ''J'aimais cela et après chaque récitation de poème, le maître me demandait de revenir'', narre-t-il.
Références
Aujourd'hui il réussit ses prestations grâce aux mêmes techniques, en plus d'une touche de maturité. Ses références dans le slam expliquent quelque part sa particularité. ''Je dirais que ma référence c'est Saul Williams. Mais j'aime beaucoup aussi le côté artistique et comique de Dave Chapel. Je dirais donc que je suis un mixe de Saul Williams et Dave Chapel''. Et donc l'un de ses plus beaux souvenirs reste sans doute sa prestation avec Saul Williams lors de sa venue au Sénégal dans le cadre du tournage et de la présentation du Yennenga d'or ''Tey'' dont il est l'acteur principal. ''J'ai presté avec Saul Williams et il a interprété ce jour-là mon titre préféré dans sa discographie'', s'illumine Minuss.
Dans la vie de tous les jours, Oumar Niang est une personne assez généreuse mais susceptible et un peu dispersé. ''Je prends tout pour moi. Je suis très susceptible'', reconnaît-il. Mais il affiche la modestie, comme l'indiquerait son credo, Minuss en toutes lettres : ''Maximiser sur l'intelligence dans la noblesse l'union la sagesse et la simplicité''.
Et même s'il a eu une enfance et une adolescence bercée par le rap avec des crews comme Undershif ou encore Still, Oumar est tombé dans le slam. ''J'ai essayé de faire du rap mais il y avait un blocage que je n'arrive pas à expliquer''. Le 8 septembre 2009, il est entraîné dans une soirée slam par son ami Ceptik. Il découvrira ce soir-là son créneau et la voie de faire passer ses écrits. Son premier texte, il s'en souvient, date de 1993, ''La flamme de la bougie''. Cela sonne puérile et reflète l'âge du môme de 7 ans.
Minuss ne rate pas un seul spectacle du collectif du Vendredi slam où il est passé de simple spectateur à membre à part entière. Il considère d'ailleurs les membres de cette formation comme sa ''première famille''. Pour lui, le slam peut se résumer à ''rythm before poetry''. La musique n'a pas une grande place dans sa conception. Un micro et un public suffisent largement. Le stylo serait même subsidiaire. Dans son monde, Minuss écrit à l'oral. Rien à voir avec la chanson de Grand Corps Malade (GCM). Même si après ''Grandeur et ampleur'', son premier texte slamé, certains ont vite vu en Minuss un GCM bis.
La muse dans les cuisines
Autre caractère assez atypique chez cet artiste de 27 ans c'est que la cuisine fait parler sa muse ! ''Je vois la conceptualisation de mes textes dans les cuisines'', soutient-il. Il ne s'y introduit pas par hasard. Il y rôde pou chiper des frites à défaut de jouer à ouvrir et refermer le réfrigérateur sous prétexte qu'il ne sait pas ce qu'il cherche. Et il assure que ça l'aide à remettre ses idées en ordre.
L'ancien étudiant en droit à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad) perçoit le slameur comme un éducateur. Donc qui n'a pas le droit de véhiculer des idées erronées. Et c'est dans cette perspective qu'il veut monter un projet avec du slam à l'école. ''On peut ne pas avoir une belle plume. Mais si on accepte d'apprendre on y arrive. Nul ne naît slameur'', dit-il.