PROJET ENERGIE OMVG
La sécurité, le maitre mot à Kédougou
A Kédougou, mercredi, le gouverneur Saër Ndao a particulièrement insisté sur la nécessité de renforcer la sécurité, aussi bien pendant qu’après le déroulement du projet ‘’Energie’’ de l’OMVG.
Il est des fonctionnaires qui forcent l’admiration par leur sens élevé des responsabilités. Gouverneur de Kédougou depuis février dernier, Saër Ndao est en train de marquer de son empreinte indélébile l’histoire tumultueuse de cette ‘’jeune’’ région née il y a à peine 12 ans et qui a connu cinq gouverneurs. Rigoureux, alerte, accessible, selon quelques confidences faites par des journalistes locaux, l’homme en a séduit plus d’un, lors de la visite, mercredi, des chantiers du projet Energie de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Gambie (OMVG) à Bandafassi (département de Kédougou). Malgré les ‘’efforts considérables’’ qu’il dit avoir constatés et salués, il a tenu à insister sur quelques impairs à corriger, pour renforcer la sécurité des populations et des travailleurs.
Contrairement aux usages chez les administrateurs, ses remarques et recommandations pertinentes n’ont pas laissé indifférents certains membres de la délégation. Rassuré, mais pas entièrement satisfait du dispositif sécuritaire mis en place, le gouverneur est revenu en détails sur les corrections qu’il attend de la part du maitre d’œuvre.
Il s’agit, notamment, du remplacement des grillages qui servent de clôture par quelque chose de plus impénétrable. Sans langue de bois, il affirme : ‘’La sécurité, c’est pendant, mais aussi après le projet. C’est pourquoi j’ai demandé qu’on puisse mettre un obstacle fixe qui permette de renforcer la protection avec le voisinage. C’est un poste électrique. Et qui dit poste électrique, dit enjeu sécuritaire. Je pense qu’il faut sécuriser davantage le poste pour que les populations ne puissent pas y accéder, mais aussi dégager les emprises nécessaires pour renforcer la sécurité des populations.’’
Et de préciser : ‘’La sécurité, c’est les populations, mais c’est aussi les biens. Nous sommes dans une zone d’élevage où les bêtes circulent. Et s’ils entrent dans la zone d’insécurité, le propriétaire va tout faire pour les sauver. Nous devons donc tout faire pour que pareille situation ne se produise’’ pas.
Selon lui, il est de la responsabilité des administrateurs de circonscription, gouverneurs, préfets ou sous-préfets de veiller à la sécurité des populations. ‘’Nous n’allons pas attendre qu’il y ait des catastrophes pour chercher des responsables. C’est pourquoi, malgré les efforts considérables qui ont été faits, nous leur avons demandé de renforcer la sécurité. Nous devons prendre toutes les précautions’’, a-t-il insisté.
A ces recommandations, les représentants du maitre d’œuvre ont pris bonne note et promis de renforcer le dispositif. Par rapport à cette attention particulière attachée au volet sécuritaire, il dira : ‘’C’est parce que nous avons vu des projets comme ça ailleurs, des projets où l’aspect sécuritaire n’a pas été correctement pris en compte et les conséquences que cela peut engendrer. Ce qui fait qu’à chaque fois que je visite un projet pareil, ma préoccupation majeure, c’est la sécurité.’’
Le poste de Bandafassi a la particularité d’être en connexion directe avec celui de Mali en Guinée, mais aussi avec celui de Tambacounda. Les travaux, informent les responsables du chantier, sont à un niveau acceptable.
PROFIL - SAER NDAO, GOUVERNEUR DE KEDOUGOU
Un administrateur atypique
Cinquième gouverneur de Kédougou, Saër Ndao est de ces administrateurs dont on rêve d’avoir dans sa localité. Il a été le premier préfet du département de Goudiry issu du découpage de 2008. Il aura aussi été celui qui osa interdire la sortie du ‘’kankourang’’, lors de sa première année dans le département de Mbour. Malgré une ascension assez rapide, son parcours n’a pas été un long fleuve tranquille.
Sorti de l’Ecole nationale d’administration (Ena) en 2005, Saër Ndao a connu une ascension fulgurante, en un laps de temps. Après deux ans passés au ministère de l’Intérieur, il fut affecté à Tambacounda comme adjoint en charge du Développement. Par un concours de circonstances, il se voit également confier, pendant un certain temps, et en cumul avec sa première fonction, le poste de chargé des affaires administratives.
Ainsi, parvient-il à mener tout seul ce qui, normalement, incombait à deux hauts fonctionnaires. Dans la foulée, le régime de Wade procède à un nouveau découpage administratif, portant ainsi sur les fonts baptismaux de nouvelles régions - dont Kédougou qui dépendait de Tamba - et donc de nouveaux départements dans la même zone. Naturellement, ‘’l’homme double’’ (en référence aux deux postes qu’il occupait) se voit ainsi confier un de ces départements, en l’occurrence Goudiry dont il a été le premier chef.
Habituellement, pour passer du poste d’adjoint au gouverneur à celui de préfet, il faut trois à quatre ans de service. A Saër Ndao, il aura juste fallu 18 mois et beaucoup de baraka pour escalader les paliers. A Goudiry, l’homme aura ainsi ‘’bâti’’ l’Etat, en installant tous les services administratifs, en accord avec la hiérarchie.
A en croire ce journaliste basé à Kédougou, il a finalement quitté ce beau département plein d’opportunités économiques et culturelles, pour déposer plus tard ses balluchons au niveau du département de Diourbel, des suites de quelques divergences avec la hiérarchie, sans entrer dans les détails. Après quelques recherches à travers Google, nous tombons sur la fameuse histoire reprise à l’époque de Tambacounda.info par le site d’informations Seneweb.com. Le journaliste s’envolait : ‘’Le premier préfet du département de Goudiry ne connait pas la langue de bois. Il préfère plutôt la langue de feu…’’ Ce témoignage faisait suite aux propos peu diplomatiques tenus par ce dernier, lors de la cérémonie de passation de service avec son successeur, une dame du nom de Seynabou Guèye. En présence de son supérieur, le gouverneur de Tamba, Saër Ndao disait tout haut : ‘’Monsieur le Gouverneur, je refuse qu’on me dise que j’ai été affecté. J’ai été relevé de mes fonctions, voilà le mot, pour avoir refusé de faire la promotion d’incompétents ou d’incapables.’’ Il ajoutait : ‘’Moi, je me suis limité à mon rôle. Celui-ci ne consiste pas à faire la promotion des incompétents. Il consiste plutôt à tout faire pour assurer le bien-être des populations. Et je me suis toujours attelé à cette mission…’’
‘’Je ne dormirai pas dans la lumière, alors que les populations sont dans le noir’’
C’est donc dans cette atmosphère tendue que le premier gouverneur de Goudiry a dû quitter ce département, en 2011, après trois ans de service. Plus tard, il sera affecté à Diourbel où il restera quatre ans, avant d’être bombardé préfet de la très stratégique station de Mbour. Son premier défi majeur a été de remettre de l’ordre dans cette localité où le ‘’kankourang’’ n’a eu de cesse de dicter sa loi. Ainsi, dès sa première année, en septembre 2016, il prend un arrêté interdisant la sortie du ‘’kankourang’’.
Un coup de tonnerre sous le ciel de la Petite Côte, qui n’a pas manqué de soulever des vagues. Mais le jeune préfet n’en a cure. Il se donne les moyens de faire respecter sa décision, en attendant de mettre de l’ordre dans l’organisation de cet évènement culturel, disait-il.
Réputé être très proche de ses administrés, l’ancien instituteur qui a abandonné la craie pour l’Administration, a été promu gouverneur de Kédougou au mois de février dernier, en pleine pandémie de Covid-19. D’ailleurs, à l’occasion d’une visite d’un chantier de l’OMVG dans la région, il aura particulièrement insisté sur les mesures préventives à mettre en place pour pouvoir faire face, en cas de détection de cas suspects dans le chantier. Pour lui, le maitre d’œuvre a fait des efforts très importants dans ce sens, mais il faudra prévoir une salle d’isolement, a-t-il préconisé.
De plus, le gouverneur est largement revenu sur les préoccupations de sa région, dans le domaine énergétique. ‘’Ce qui n’est pas concevable, souligne-t-il, c’est que les fils passent par les villages et que ces populations ne puissent pas en profiter. Il faut tout faire pour que les villages environnants du projet puissent être alimentés. Cela va contribuer à ancrer le projet auprès des communautés, et c’est très important’’.
En outre, l’ancien préfet de Diourbel a particulièrement insisté sur les volets sensibilisation des populations et anticipation des risques. Le tout en tenant toujours un langage de vérité aux gens. Ses propos en disent long sur le personnage. ‘’J’ai l’habitude de dire, prêche-t-il, que la bonne communication, c’est la bonne parole ; celle qui ne cherche ni à plaire ni à déplaire, mais qui vise simplement à produire des effets positifs. Quand vous donnez la bonne parole, ne cherchez pas à voir si vous plaisez ou si vous déplaisez. Ce qui est important est que cela puisse servir positivement et que cela soit conforme à la légalité’’.
Revenant sur les préoccupations de sa circonscription en matière énergétique, il estime que les demandes sont énormes. L’accès à l’énergie, dans cette zone, selon lui, est très faible et l’Etat compte sur cette infrastructure pour renforcer le dispositif. Avant de rappeler : ‘’A l’intérieur de Kédougou, il y a aussi un grand projet de la Senelec qui est en train d’y être déroulé. Et à terme, on va passer de 6 600 à 30 000 volts, ce qui va permettre de régler carrément les problèmes de Kédougou dans ce domaine.’’
Au-delà du simple problème de l’accès, il s’agit, selon lui, de lever les obstacles au développement, en intéressant les investisseurs aux importantes potentialités de la région. ‘’Si nous parvenons à régler ce problème de l’électricité, nous pourrons attirer davantage les investisseurs et cela va promouvoir le développement’’.
Ironie de l’histoire, le premier dossier brûlant de Saër Ndao à Kédougou a porté sur l’électricité, avec les manifestations de la population en fin avril dernier, en plein mois de ramadan. Son discours mémorable est encore vivace dans la tête des Kédovins. ‘’Il avait promis à tout le monde qu’il va tout faire pour que des solutions soient trouvées dans les plus brefs délais. Il avait clairement dit qu’il n’allait pas vivre dans la lumière, alors que les populations sont dans le noir’’. Joignant l’acte à la parole, il s’est gardé d’utiliser son groupe électrogène, durant toute cette phase. Heureusement pour les Kédovins et pour lui, le problème sera vite résolu par la Senelec, avec les instructions des plus hautes autorités de la République.
Il est rare de voir des administrateurs et fonctionnaires sénégalais se donner avec autant d’abnégation. Ce qui fait que cet administrateur qui, au final, ne fait que son travail en respectant toutes les règles de base, sort du lot.
MOR AMAR
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