Publié le 16 Nov 2021 - 02:37
PROJET HUB AERIEN

Un pas important, mais très insuffisant

 

A quelques jours de l’échéance de décembre fixée par le ministre de tutelle au mois de juin, le directeur général de l’AIBD SA, Doudou Ka, franchit une étape importante avec la signature d’un accord pour la construction d’un centre de maintenance. Mais il lui reste encore beaucoup à faire. Il faut rappeler que depuis le départ de la ministre Maimouna Ndoye Seck, les grands chantiers du programme hub aérien sont presque en l’état, malgré les nombreux effets d’annonce.

 

C’était une récrimination aux allures d’ultimatum. Nous sommes au mois de juin 2021. Le ministre des Transports aériens et du Développement des infrastructures aéroportuaires se montre ferme face au directeur général de l’AIBD SA, Doudou Ka. ‘’Notre objectif, lui dit-il sans équivoque, c’est que d’ici décembre, les travaux du Centre de maintenance et ceux de l’Académie des métiers de l’aéronautique démarrent… C’est un programme clair et précis (le hub aérien régional), donc, il faut le mettre en œuvre sans délai, et en respectant les délais’’. Très en verve, le ministre ajoute à l’endroit de son DG ceci : ‘’La compétition est là et tout pays qui prendra du retard sera laissé en rade. Donc, pas de bureaucratie excessive ! Pas de bras cassés qui ne suivent pas. Les projets, il faut les mettre en œuvre. C’est l’instruction du chef de l’État. Maintenant, en tant que ministre, je n’accepterai pas, pour une quelconque raison, que les délais ne soient pas respectés...’’

C’était à croire qu’entre les deux fortes personnalités du régime, il y avait de gros nuages, malgré les tentatives de décrispation. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le ministre a été très clair dans son propos. Depuis, l’administration de l’aéroport n’a eu de cesse de se déployer. Et conformément aux directives ministérielles, l’échéance de décembre est en voie d’être respectée. Du moins en ce qui concerne le Centre de maintenance. Dans un communiqué, la cellule de communication de l’AIBD informe : ‘’Les travaux de construction du Centre de maintenance aéronautique de l’aéroport international Blaise Diagne de Dakar démarrent en usine en novembre 2021 et sur site en fin décembre 2021, et seront réalisés par Inter Tridim, une entreprise leader marocain... La signature du contrat matérialisant la réalisation de ce projet a eu lieu ce vendredi 12 novembre à Casablanca, au Maroc.’’

C’est ainsi un pan du projet hub aérien qui commence à prendre forme, malgré les multiples lenteurs. Dans tous les cas, cette signature de l’accord a été largement saluée par les acteurs de l’aéronautique. Pour eux, ce centre vient à son heure et pourrait être d’un grand apport pour la compagnie nationale Air Sénégal SA. Ancien pilote et ancien contrôleur aérien, Moctar Ndiaye déclare : ‘’Un centre de maintenance, c’est essentiel pour les acteurs dans une plateforme aéroportuaire. C’est un très grand bond qu’il convient de saluer. Cela va permettre aux avions de la plateforme, en particulier à notre pavillon national, de faire les visites périodiques sans être obligés d’aller en Europe. Ce qui coute extrêmement cher. C’est vraiment un projet qui vient à son heure et il ne faudrait surtout pas trainer dans la mise en œuvre.’’

Avec un tel accord, un pas important a ainsi été franchi dans la perspective de construction d’un hub aérien régional à Dakar. Mais il reste encore beaucoup à faire, selon les experts. En effet, en plus du projet de centre, le projet du gouvernement renfermait d’autres volets : notamment la réhabilitation des aéroports régionaux, la mise en place d’un Centre de formation aux métiers de l’aviation… Alioune Sarr disait : "Notre objectif, c’est que d’ici décembre, les travaux du Centre de maintenance et ceux de l’Académie des métiers de l’aéronautique démarrent."

Avec ces infrastructures, renseigne Moctar Ndiaye, les enjeux sont énormes. De l’avis de l’expert, les deux projets (centre de maintenance et centre des métiers de l’aviation) sont intrinsèquement liés.

En effet, explique-t-il, un centre de maintenance, c’est non seulement les équipements, mais aussi des personnels qualifiés. ‘’Un centre de maintenance, c’est pratiquement des dizaines de spécialités diverses. Vous verrez des gens qui ne s’occupent que de l’hydraulique, des gens qui ne s’occupent que des propulseurs, des gens qui ne gèrent que la chaudronnerie, de l’électronique… jusqu’à ceux qui s’occupent des fauteuils. Et chaque personne, dans sa spécialité, doit avoir la qualification machine pour pouvoir travailler, conformément aux normes du Bureau Veritas. C’est tout ça qui fait un centre de maintenance, qui va constituer l’arrière base des avions’’, soutient le pilote à la retraite.

Franchir un cap très rapidement

En attendant la création du centre, une convention a été signée entre Air Sénégal et l’armée de l’air pour une bonne formation des personnels de la compagnie nationale. Ce qui veut dire que le besoin de formation est réel. ‘’Si on a un centre de formation aux métiers de l’aéronautique comme dans le domaine du pétrole et du gaz, on se met en droite ligne des ambitions que nous nous sommes fixés pour l’horizon 2035. Ce centre permettrait de former non seulement les techniciens pour nos besoins propres, mais aussi pour pourvoir les différents marchés de la sous-région. Ça doit être une priorité pour l’Etat. Il y a beaucoup à faire dans ce domaine en Afrique, particulièrement dans la sous-région ouest-africaine’’, souligne le spécialiste.

En attendant la réalisation de ces vœux, le projet hub aérien est toujours presque au point où la ministre Maimouna Ndoye Seck l’avait laissé à son départ du gouvernement, en avril 2019. Il était alors question, outre la mise en service de l’aéroport, de la compagnie nationale Air Sénégal, de construire ce centre de maintenance, l’académie des métiers, les aéroports régionaux, entre autres. ‘’Ce n’est pas normal, disait le ministre Alioune Sarr, qu’un aéroport sous-régional soit là avec plus de 200 hectares disponibles et qu’il ne soit pas en mesure de mobiliser le secteur privé par la création des hôtels. Donc, avant le mois de décembre, il faut que les travaux démarrent immédiatement. On tourne en rond, alors que les autres pays avancent’’.

Aujourd’hui, malgré les effets d’annonce, des aéroports régionaux modernes dignes de ce nom tardent à voir le jour. Ce qui n’est pas normal pour un hub, si l’on en croit les experts. ‘’Quand on veut mettre en place un hub aérien, explique Moctar Ndiaye, il faut des aéroports de dégagement de qualité. Cela veut dire qu’un avion qui doit venir à Diass et qui ne peut s’y poser en raison de conditions climatiques, doit pouvoir se poser dans un autre aéroport. Lequel ne saurait être Dakar, qui, en raison de la proximité avec Diass, a de fortes chances d’avoir les mêmes conditions climatiques’’. Et d’ajouter : ‘’Tous les services relatifs au voyage doivent également être disponibles et à proximité. Aussi, il faut prendre en compte la dimension sécurité. C’est fondamental dans l’aviation. Et dans cette dimension, il faut des aéroports de dégagement qui disposent d’un minimum d’équipement de confort et de sécurité. La sécurité est le maitre-mot du transport aérien.’’

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

 AIBD SA

Ces décisions incomprises de Doudou Ka

Si les experts ont globalement salué l’annonce de la mise en place du centre de maintenance malgré les lenteurs, certains n’en demeurent pas moins inquiets par la mise en place d’un nouvel organigramme, avec à la clé la nomination d’une vingtaine de hauts responsables à l’AIBD SA.

Doudou Ka ne semble pas trop s’inquiéter de la raréfaction des ressources dans ce contexte de pandémie à coronavirus. Directeur général de l’AIBD SA, il a tout simplement procédé à un vaste chamboulement de ses services. Plus qu’une simple rénovation de l’organigramme, près d’une vingtaine de hauts responsables ont été nommés par le directeur général de l’AIBD SA. Des décisions justifiées, selon sa note de service, par le développement du projet hub aérien et l’absorption de l’autre entreprise nationale, les aéroports du Sénégal.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce chamboulement est loin de plaire à tous les acteurs de la plateforme aéroportuaire. Pour certains, la pertinence des décisions laisse à désirer. ‘’Ces nominations n’étaient pas nécessaires. A regarder les décisions qui ont été prises, on a l’impression que ce sont des gens qui sont nommés pour gérer l’aéroport Blaise Diagne, alors que la gestion de celui-ci est dévolu à Las. Il faudrait vraiment expliquer aux acteurs c’est quoi le projet’’.

Quid alors de la gestion des aéroports régionaux dévolue à l’AIBD SA depuis la dissolution des ADS ? Notre interlocuteur estime qu’en dehors de Dakar, c’est presque le désert dans toutes les autres localités. ‘’Cela, dit-il, ne demande pas tout cet arsenal de nominations, parce qu’en dehors de Ziguinchor, il n’y a rien’’. Mais ce qui est le plus incompréhensible, selon certaines sources, c’est que le DG de l’AIBD puisse débaucher jusque dans Las qui est presque une même entité. ‘’Les gens se demandent quelle est la pertinence de ce débauchage, puisque l’AIBD est un actionnaire stratégique de Las (propriété d’AIBD et de deux entreprises turques, Limak Summa)’’.

Interpellé sur cette question, Moctar Ndiaye, pilote et ancien contrôleur aérien, rétorque que ce qui est le plus important, c’est de prendre les personnes qu’il faut à la place qu’il faut. ‘’C’est bien de recruter. Mais il faut surtout veiller à mettre les personnes qu’il faut à la place qu’il faut. Dans nos pays, on recrute plus pour des considérations politiques qu’autre chose. Or, dans ce domaine, c’est technique’’.

Les hommes de Doudou Ka

Dans la liste des décisions, il y a Souleymane Diop, nommé Contrôleur interne ; Adama Diop, Contrôleur de gestion ; Papa Médoune Sarr, Directeur pôle Opération et Exploitation commerciale ; Kaly Niang, pôle Communication, Coopération et RSE ; Chérif Cissé pôle Sécurité, Conformité et Gestion des risques… Dans la même veine, Cheikh Saadibou Mbaye a été nommé Directeur pôle Délégations régionales ; Mohamed Habiboulah Fall, Directeur pôle Pricing, Développement et Marketing commercial ; Cheikh Ndiaye, Directeur pôle Logistique et Moyens généraux par intérim ; Aida Mbaba Seck, Directrice pôle Développement aéroportuaire par intérim ; Marie Thérèse Gomis, pôle Ressources humaines et Formation ; Saydou Ba, Directeur pôle ingénierie et aménagement péri aéroportuaire par intérim ; Cheikh Ahmed Tidiane Guèye, pôle Finances, Comptabilité et Contrôle de gestion.

Pour leur part, Maktar Diouf, Waly Soumaré, Yaye Khady Diouf et Fallo Ndiaye ont été nommés respectivement aux pôles Marchés, Achats et Patrimoine foncier, Délégation régionale Sud, Suivi performances et statistiques.

MOR AMAR

Section: