Des rumeurs sur un nouveau variant de la Covid-19 au Cameroun
Alors que l’Afrique n’attend plus que le coup d’envoi, dimanche prochain, de la 33e édition de la Coupe d’Afrique des nations de football, des voix s’élèvent sur la présence présumée d’un nouveau variant du coronavirus au Cameroun, pays organisateur.
Cela fait quelque temps, un peu moins d’un mois précisément, que l'IHU Méditerranée Infection a annoncé la détection d’un nouveau variant Covid-19 issu de patients de Forcalquier (commune française située dans le département des Alpes-de-Haute-Provence, Marseille). Dans un tweet daté au 9 décembre 2021, l'hôpital du professeur Didier Raoult l’a même baptisé variant IHU et déposé le nom de B.1.640.2 sur Gisaid (Global Initiative on Sharing Avian Influenza Data, une plateforme d’experts dans les domaines de la médecine, donnant accès à une base de données publique et gratuite).
Depuis hier, la même information fait le tour des réseaux sociaux. A quatre jours de l’ouverture de la Coupe d’Afrique des nations, l’origine de ce nouveau variant du coronavirus est rattachée au Cameroun, pays organisateur de la fête du football africain. Le pays des Lions indomptables va recevoir des délégations de joueurs, journalistes et supporters (en plus des locaux) de toute l’Afrique pour une compétition sur un mois. Un premier danger reconnu de tous sur ce tournoi est le variant Omicron qui sévit présentement dans le monde. Il y a deux semaines, le président de la Fifa a même demandé aux officiels de la Confédération africaine de football (Caf) de reporter la compétition attendue au Cameroun, depuis plusieurs années.
En effet, Gianni Infantino avait avancé plusieurs arguments dont la dégradation de la situation sanitaire, l'émergence du variant Omicron en Afrique australe ainsi que la réticence des clubs européens à libérer leurs joueurs africains en hiver. Des clubs, notamment anglais, s'étaient même fendus, début décembre, d'une lettre menaçant de ne pas envoyer leurs sociétaires africains au Cameroun, en raison des règles de quarantaine à leur retour.
Après Omicron, le variant IHU, B.1.640.2
Face à cette pression multiforme, le football africain a tenu bon, notamment à travers le nouveau président de la Fédération camerounaise de football, Samuel Eto’o. L’ancienne star du ballon rond a opposé un non catégorique à toute idée de report de la compétition phare du continent noir, après la tenue de l’Euro de football et de la Copa America, malgré la pandémie. La visite du président de la Caf au Cameroun et les instructions des rapports sur l’avancement des derniers travaux et la situation sanitaire dans le pays hôte ont permis de conforter l’idée que la tenue de l’événement sportif était tout à fait possible.
A cela s’ajoute la volonté affichée des clubs européens de retenir les internationaux africains évoluant au sein de leurs effectifs professionnels. Le bras de fer entre la fédération sénégalaise de football et le club anglais de Watford, pour la libération de l’international sénégalais Ismaïla Sarr, en est l’illustration parfaite. Ce n’est qu’hier que l’ailier des Lions du Sénégal a pu rejoindre ses coéquipiers pour s’envoler ensuite vers le Cameroun, après moult tractations et menaces entre les deux entités sportives.
Même si un report de la Can était désormais invraisemblable, l’ampleur prise par le rattachement de ce nouveau variant présumé au pays organisateur, à quelques jours du début du tournoi, est étrange. Depuis décembre dernier, l'IHU Méditerranée Infection a révélé ce variant, qui aurait été détecté chez 12 personnes. Mais selon les scientifiques, le patient zéro avait précédemment séjourné au Cameroun.
Malgré les restrictions sur les déplacements internationaux et l’obligation vaccinale imposée aux voyageurs internationaux, comment ce virus détecté en France peut-il être rattaché au Cameroun en raison d’un séjour effectué par un de ses porteurs dans ce pays africain ?
Les chercheurs de l'IHU Méditerranée Infection ont donné une explication dans une étude reprise hier par ‘’Nice-Matin’’. Celle-ci, qui n'a pas été revue par les pairs comme il est coutume de le faire, explique que cette découverte, surnommée le "variant IHU", est un sous-lignage du variant B.1.640.
20 cas évoqués en France
Les chercheurs ajoutent que le patient porteur de ce variant, vacciné contre la Covid-19, revenait d'un voyage au Cameroun, puis a "développé des symptômes respiratoires légers, la veille du diagnostic". Concernant les mutations, ce variant en compte 46 et 37 délétions.
Le 15 décembre dernier, on en trouve trace dans une analyse des variants circulant sur le territoire français, de Santé publique France. L'organisation indique que le variant B.1.640 est VUM (Virus Under Monitoring), comprendre sous surveillance depuis le 12 novembre et que son "sous-lignage (...) B.1.640.2" a été "détecté au sein d’un cluster". Un cluster qui s'est déclaré en région Paca, comme l'indique Philippe Colson, Professeur en pharmacie et virologue à l'IHU : 20 cas ont été détectés.
Il est cependant trop tôt pour dire si ce variant sort de la zone d'efficacité des vaccins actuels, ni quel est son taux de contagiosité. Un variant sous surveillance signifie que pour l'heure, il y a une absence d’éléments virologiques, épidémiologiques ou cliniques probants en faveur d’un impact en santé publique en France ou à l’international.
Mais les réactions sont nombreuses, et plusieurs scientifiques dénoncent la précipitation avec laquelle ces informations ont été révélées. Aucune autorité scientifique internationale de référence ne semble avoir été consultée ou sollicitée. Et l'OMS n'a, pour l'instant, rendu aucun avis sur la question.
Si une chose est sûre que c’est pour mener à bien l’organisation de cette 33e Can, les autorités camerounaises et africaines devront faire le dos rond, car cette fête du football africain sera épiée sous toutes les coutures. Et la Caf l’a officialisé hier : il y aura bien du public dans les stades.
En effet, ‘’les jauges suivantes seront appliquées jusqu’à nouvel avis : 80 % de la capacité du stade pour les stades accueillant l’équipe du Cameroun, 60 % de la capacité du stade pour les autres matches’’, informe l’instance dirigeante du football africain.
Lamine Diouf