Lalala Dakar, little Sénégal
On s’y croirait presque avec la mosquée qui trône au beau milieu du chemin qui divise le quartier. On n’est pas dépaysé dans cette rue où les gens échangent en wolof et en puular. Une architecture, un paysage, des jardins sauvages dans les maisons qui font penser à la ville de Ziguinchor. Oui, tout ici respire le Sénégal, mais on est bien en plein cœur de Libreville dans le quartier Lalala Dakar. On se doute évidemment que le nom n’est pas fortuit. ‘’L’appellation vient des zikr que les premiers Sénégalais habitant le quartier faisaient souvent, informe Moustapha Diaw avec sa barbe blanche, et son allure et attitude maraboutiques. C’est ‘’La ilaha illa Lah’’ qui a donné ce nom.’’
Le très avenant monsieur de 72 ans est un des premiers habitants de Lalala Dakar dont l’extension a donné naissance à Lalala Gauche et Lalala Droite.
Il est arrivé au Gabon en janvier 1975 avec un contrat de maçon pour une société de la place. Depuis il ne retourne à Dakar voir sa famille qu’à l’occasion de ses congés. Tous les deux ans. Aujourd’hui, en attendant d’être régularisé sur sa retraite, Diaw, natif de Joal, est le troisième imam de la mosquée de Lalala Dakar.
Comme lui en son temps, la plupart des Sénégalais vivant dans ce quartier proche du centre-ville travaillent dans le bâtiment. En cette matinée très ensoleillée, l’air est lourd, et la majorité des hommes ont déserté les maisons faites de toits en tôle pour la majorité. Dans celle de Fatou Senghor, on s’active à la préparation du couscous.
La dame qui porte bien ses cinquante ans est aux fourneaux avec sa collègue Véronique Ndour. Madame Senghor tient ce petit commerce de vente de couscous ainsi qu’une briqueterie pour payer les études de ses enfants. ‘’Mon mari est à la retraite, il est rentré à Dakar, explique la dame toute en sueur. Je suis obligée de rester pour les études de nos enfants dont le dernier est en classe de troisième. Trois sont déjà retournés à Dakar depuis leur bac’’.
Fatou Senghor vit à Lalala Dakar depuis sa venue au Gabon en 1980 avec son mari qu’elle avait suivi. Son assistante, Véronique Senghor, a également suivi en 1999 son mari… gabonais. La Sérère, née Ndour, est devenue madame Oyono depuis sa rencontre avec André venu faire un stage à Dakar. De cette union, sont nés trois enfants.
Des professeurs aussi…
Hasard ou pas, Véronique Ndour retrouve son frère aîné à Libreville. Mais M. Ndour n’a pas intégré la filière commerce ou bâtiment comme la plupart des Sénégalais de Libreville. Il est prof d’anglais dans un des lycées de la capitale. La raison principale de son immigration est totalement financière. ‘’C’est simple, quand j’ai commencé à Dakar, je touchais 120 000 francs Cfa. Quand je suis venu ici, mon premier salaire était de 411 000 francs Cfa'', justifie celui qui est par ailleurs coordonnateur du Comité d’assistance et d’accueil aux Lions, une structure créée pour la CAN 2012.
Les Sénégalais ont bonne presse au Gabon, particulièrement à Libreville. ‘’C’est parce qu’ils ne sont pas problématiques (sic)’’, confie Michel, un Gabonais de l’ethnie fang majoritaire au Gabon. ’’Même les Maliens se font passer pour des Sénégalais quand ils ont des problèmes'', poursuit l’ouvrier en bâtiment et voisin des Sénégalais à Lalala Dakar.
Encadré : 30 000 Sénégalais, 2/3 sans papiers
Les Sénégalais sont très présents au Gabon. ‘’Ils sont au nombre de 30 000, précise Mbaba Ndiaye, conseiller des Affaires Etrangères à l’Ambassade du Sénégal à Libreville. 90% sont des Haal puular et les deux tiers n’ont pas de carte de séjour’’.
Il faut payer 900 000 francs pour bénéficier de la fameuse carte de séjour et s’acquitter de 150 000 francs chaque année. ‘’Mais les Sénégalais préfèrent être en situation irrégulière plutôt que de payer. Heureusement, on jouit d’une bonne réputation et souvent les autorités gabonaises font preuve de compréhension’’, explique M. Ndiaye.
Ndiassé SAMBE (à Libreville, sur le chemin de Bata)