Publié le 1 Jan 2021 - 01:22
RETRO ENVIRONNEMENT

La tutelle au cœur de multiples rebondissements 

 

2020 n’a pas été de tout repos pour le ministère de l’Environnement et du Développement durable. A l’orée de cette nouvelle année, il est encore attendu sur plusieurs fronts.

 

Au centre de plusieurs actualités qui ont défrayé la chronique, le secteur de l’Environnement et du développement durable a connu une année particulièrement mouvementée. En 2020, les populations de la commune de Mbao se sont durant plusieurs mois illustrés (juin-novembre) au travers de deux problématiques. La pollution du marigot de Mbao et le déclassement de la forêt. En début novembre, le marigot a enregistré une mortalité massive de poissons (mulets) qui a inquiété plus d’un. Selon les scientifiques, les boues de vidange déversées dans cet écosystème, en parfaite illégalité, sont à l’origine de cette catastrophe écologique. A cela s’ajoutent les branchements clandestins des riverains en guise d’évacuation des eaux usées. La station d’épuration étant fermée depuis belle lurette.

Le marigot de Mbao, autrefois riche en ressources halieutiques, est aujourd’hui un réceptacle d’eaux d’égouts qui, en période d’hivernage, inonde les habitations de son périmètre. Un calvaire qui date du début des années 2000. Son aménagement, une vieille doléance des populations est toujours à l’état de promesse étatique.

De juin à septembre 2020, les jeunes de la commune ont opposé une farouche résistance au projet de déclassement de la forêt de Mbao. Tout est parti d’une demande d’extension du cimetière de Pikine au chef de l’Etat en janvier 2019, seul habilité à autoriser un déclassement. Si le ministre Abdou Karim Sall n’a cessé de rassurer la Plateforme pour le développement durable de Mbao, il se trouve que cette question se heurte à une véritable crise de confiance entre autorités et administrés. Ces derniers se réfèrent entre autres à la spoliation foncière grandissante au niveau de la bande de filaos de Guédiawaye. ‘’Il n’y a pas de procédure en cours pour un quelconque déclassement de la forêt classée de Mbao’’, a-t-il déclaré le 23 juin 2020, en ajoutant qu’il serait le premier à s’opposer à une quelconque agression.

Cependant, le 9 juillet, les membres de la plateforme ont brandi certains documents prouvant le contraire. ‘’Nous avons découvert l’acte 2311 du 15 juin 2020 dans lequel le ministre de l’Environnement et du Développement durable a effectivement saisi le gouverneur de la région de Dakar pour la convocation de la commission régionale de conservation des sols. Et nous savons tous que cette commission a pour objet d’étudier les dossiers de déclassement. Dans cette même lettre, il a demandé les conclusions de cette commission pour pouvoir convoquer la commission nationale de conservation des sols qu’il va lui-même présider. Le ministre a également fait état d’une lettre numéro 814 du 19 décembre 2019 que le maire de la ville de Pikine lui a écrite pour une mise à disposition d’un site localisée dans la forêt classée de Mbao, d’une surface de 10 hectares.’’ 

Consciente du rôle capital de ce poumon vert de la région de Dakar, la jeunesse de Mbao a fait preuve d’une grande mobilisation qui a donné lieu à une marche de protestation, le 17 juillet 2020, soutenue par une vingtaine de mouvements citoyens.

La loi sur le plastique

Au cours de cette année 2020, l’Etat du Sénégal a accéléré le processus d’application de la loi relative à la prévention et à la réduction de l’incidence sur l’environnement des produits plastiques. Durant les trois mois qui ont suivi son entrée en vigueur, la tutelle s’est lancée dans une campagne de sensibilisation. Il s’est agi de faire comprendre aux commerçants l’impact de la pollution plastique sur l’économie sénégalaise, particulièrement dans les secteurs de la pêche, l’agriculture et l’élevage. Cette campagne média a intégré les volets affectif, cognitif et conatif, cela dans une communication interactive avec les populations.

Des descentes sur le terrain ont été réalisées par caravanes, dans le souci d’impliquer les leaders d’opinion, les influenceurs, les chefs religieux et coutumiers. ‘’Cette loi qui traduit la volonté du Président de la République a pour ambition de contribuer au programme zéro déchet en réduisant les déchets plastiques et, d’autre part, de permettre à chaque citoyen sénégalais de jouir de son droit à un environnement sain. Un droit assorti de l’obligation de protection de l’environnement’’, a fait savoir le ministre Abdou Karim Sall au cours d’un atelier-bilan de la sensibilisation.

Selon lui, malgré tous les efforts, le marché continue d’être approvisionné. De ce fait, le ministère compte sévir. ‘’Les opérations, poursuit-il, vont se poursuivre sans faiblesse aucune. En plus des saisies menées jusque-là, les sanctions pénales prévues par la loi seront désormais appliquées. Les constats d’infraction seront communiqués au parquet pour que des poursuites judiciaires soient engagées à l’encontre des contrevenants. Nous devons agir maintenant car, différer encore l’action ne fera qu’empirer la situation. Si nous ne faisons rien notre culpabilité sera engagée face aux dégâts écologiques économiques et sanitaires énormes dont souffrent déjà les populations et les écosystèmes naturels dont dépend notre survie’’.

En outre la collecte et le recyclage des déchets plastiques en plastique devrait créer des opportunités d’activités économiques. Toutefois, pour les commerçants sénégalais, les choses vont beaucoup trop vite. L’Association des commerçants et industriels du Sénégal ainsi que l’ensemble des commerçants évoluant dans le secteur du plastique disent ne pas être prêts pour l’application de la loi de janvier 2020. Car, des milliers de familles dépendent de cette économie. Ils ont même promis de se rebeller contre l’application de cette loi. ‘’Il est important de préciser que nous ne sommes pas inconscients. Nous sommes conscients de l’impact négatif que les sachets plastiques ont sur notre environnement.

Cependant, il est bon de préciser nous ne pouvons pas comprendre que dans un pays tel que le Sénégal, qui est un pays pauvre et endetté, dans un pays où 85% du PIB est issu du secteur informel, dans un pays où 97% de la population active est dans ce secteur, on veuille appliquer en l’espace deux mois cette loi. Nous ne pouvons pas comprendre cette démarche. Pourquoi vouloir, coûte que coûte, appliquer cette loi interdisant les sachets plastiques au Sénégal, juste deux mois après sa promulgation à l’Assemblée nationale ? Pourquoi une telle précipitation de notre gouvernement, au moment où des pays plus développés que nous se fixent comme objectif 2035 pour éradiquer les sachets plastiques ?’’, avait déclaré le responsable de communication de ladite association.

Une chose est sûre dans les boutiques et marchés, les emballages plastiques demeurent. Aujourd’hui, les commerçants parlent d’une absence d’alternatives même si, dans certaines surfaces, les emballages plastiques sont remplacés par ceux en papier. De l’avis du ministre, la paresse dans les habitudes y est pour quelque chose.

Récemment, sur Radio Sénégal, il a invité les Sénégalais à un changement de comportement. ‘’Avant, nos femmes allaient au marché avec une calebasse ou un seau, mais aujourd’hui par paresse, on sort les mains vides pour faire des emplettes. Imaginez la quantité de sachets plastiques qui s’accumulent dans les ménages chaque jour. Il faut revenir à ces bonnes pratiques et préserver notre environnement. J’aimerais aussi préciser que le bois utilisé pour la fabrication des nouveaux emballages ne provient pas de nos forêts naturelles mais de forêts aménagées. C’est différent, il y a beaucoup de commentaires sur cela, mais nombreux sont ceux-là qui ne maîtrisent pas la question’’.

L’affaire des gazelles oryx

2020, c’est également l’épisode des gazelles oryx. Une affaire qui a déchaîné les passions pendant plusieurs jours. En effet, au mois de juillet 2020, le transfert de six de ces espèces rares dans une réserve privée a enregistré la mort de deux sujets. Ce changement d’habitat est dû, selon la tutelle à des contraintes managériales, écologiques et sociales quant à la gestion des 585 sujets que compte le Sénégal.

Après près de cinq mois de traitement médiatique, c’est à l’hémicycle, lors du vote du budget de son département que le ministre A.K. Sall va ‘’clore’’ le débat : ‘’Je suis très à l’aise sur cette question pour la simple raison qu’il n’y a rien d’irrégulier, rien d’illégal engageant ma responsabilité. Le ministre en charge de l’Environnement que je suis ne peut pas souhaiter la mort d’une souris à plus forte raison d’une antilope. Cependant, il est fort regrettable de constater des pertes à l’occasion de la translocation, même si l’Union internationale de la conservation reconnaît que le risque zéro n’existe pas dans de telles opérations. Le Sénégal possède le plus grand effectif d’oryx en milieu naturel au monde. Grâce au Sénégal, la Mauritanie est en train de reconstituer sa population d’oryx. Pour les espèces éteintes à l’état sauvage, la reconstitution des effectifs passe forcément par des élevages en milieu contrôlé. C’est cette politique que le ministère applique.’’

 L’autorité affirme que tout Sénégalais voulant accompagner cette dynamique est le bienvenu. Il peut s’il le désire élever des gazelles oryx. Tout part d’une procédure d’éligibilité en termes d’espace. Par ailleurs, selon l’Union international de la conservation de la nature (UICN), ‘’s’il était question de translocation internationale, le pays devrait appliquer les conventions internationales auxquelles il a adhéré, mais ce n’est pas le cas, puisqu’il est question ici de translocation à l’intérieur du territoire national. Concernant la destination des animaux à l’intérieur du territoire national, chaque pays est souverain conformément à son cadre légal’’. L’UICN considère de ce fait que ‘’le Sénégal a été victime de son succès’’, car au départ, il n’en comptait que huit.

Les défis du moment

L’année 2021 s’ouvre avec l’urgence dans la gestion des feux de brousse qui font des ravages dans les régions de Louga, Matam, Saint-Louis, Tambacounda et Kaffrine. A la date du 17 décembre, 16 406 hectares de forêts sont partis en fumée. Soit trois fois plus qu’en 2019 et 2018 à la même période. En outre, on ignore encore l’origine de la maladie inconnue qui a frappé les pêcheurs sénégalais. Privilégiant la piste d’une infection par les algues, selon les experts, le ministère de l’Environnement a procédé des prélèvements expédiés en France pour analyse. Le Sénégal devra également relever le challenge de la mise en œuvre de la Contribution déterminée au niveau national lancée le mardi dernier. Une exigence de l’Accord de Paris en vue de lutter contre le réchauffement climatique. Chaque pays signataire devra mettre en œuvre des stratégies d’adaptation et d’atténuation pour maintenir la hausse de la température planétaire à moins de deux degrés.

EMMANUELLA MARAME FAYE

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