Dr Abdourahmane Diouf décrit l’échec du président Sall
Face aux jeunes reporters, samedi dernier, le leader du parti Awalé, candidat à la Présidentielle, est largement revenu sur ‘’l’échec’’ de la politique du président Sall pour le secteur privé national, sa séparation avec Idrissa Seck, la bipolarisation de l’espace politique, entre autres sujets évoqués par les jeunes journalistes.
Le patriotisme économique revient très souvent dans le discours du docteur Abdourahmane Diouf. Invité, samedi, dernier par les jeunes reporters du Sénégal, le leader du parti Awalé est largement revenu sur ce concept qu’il n’a de cesse de promouvoir depuis quelques années.
Selon lui, cela ne veut pas dire qu’il faut vivre en vase clos, que les investisseurs étrangers sont indésirables. ‘’Il s’agit juste de dire : ‘sama bopp moma geneul. Du bagn nala’. Le patriotisme économique, ce n’est pas la détestation des autres, mais c’est la préférence de soi-même sur la base de règles objectives qui mettent en avant l’intérêt national… J’ai l’habitude de dire que le patriotisme économique est un triangle, un triangle d’opportunités, un triangle de prospérité. Cela veut dire qu’il faut un État qui joue son rôle ; ce n’est pas le cas actuellement. Il faut un secteur privé dégourdi, prêt à investir. Nous avons de très bons éléments du secteur privé au Sénégal, mais je dois aussi reconnaître qu’il y a des barbouzes qui ne jouent pas le jeu. Et enfin, il y a le citoyen consommateur qui doit avoir une attitude patriotique, être dans une situation de soutenir son secteur privé national et de respecter les règles définies par l’État.’’
Revenant sur les politiques du président de la République pour le secteur privé national, il soutient que c’est un échec total. ‘’Les responsables du secteur privé ont dit récemment qu’ils n’ont pas été reçus par le président de la République depuis 2017. C’est une catastrophe pour un secteur privé national… Moi-même, j’ai été au CIS (Club des investisseurs sénégalais), je l’apercevais à 2 000 m ; on n’a jamais eu une vraie discussion. Le président de la République n’a jamais répondu aux invitations du patronat, à l’époque. De façon générale, l'Administration sénégalaise, sous Macky Sall, regarde le secteur privé comme des gens égoïstes qui se sont enrichis et qui doivent payer le maximum d’impôts possibles. La pression fiscale est extrêmement élevée… De sorte que pour un jeune entrepreneur comme vous, si demain vous envisagez d’ouvrir votre propre organe de presse, vous avez dix mille chances d’échouer à cause notamment de cette pression fiscale…’’
Pendant ce temps, rien ne semble de trop aux yeux du président pour plaire aux investisseurs étrangers. Réagissant à une question sur ses revenus et sa contribution fiscale, il informe : ‘’… D’abord, je dois préciser que presque 100 % de mes revenus viennent de l’étranger. Au Sénégal, j’ai quelques petites entreprises surtout dans le domaine de l'éducation, avec quelques emplois créés. Comme opposant, j’en vois des vertes et des pas mûres. La semaine où j’ai déclaré ma mandature, j’ai reçu un redressement fiscal qui n’avait ni queue ni tête et j’ai réussi à le démontrer. Je n’en parle pas pour ne pas donner l’air de me victimiser, mais ça pose problème. Cela fait partie de ces embêtements que l’on fait vivre aux oppositions. Sinon, on est tranquille et on rend grâce à Dieu.’’
Sur un autre registre, le candidat d’Abdourahmane 2024 est également revenu sur sa séparation avec Idrissa Seck. Pour lui, cela n’était dû ni à son recrutement comme directeur exécutif du CIS ni à un quelconque autre problème d’ordre personnel avec son ex-mentor. La raison, selon lui, est très simple. Il explique : ‘’Il s’est trouvé que j’ai considéré que ma mission avec Idrissa Seck était finie. Mais cette explication simple ne convainc pas les Sénégalais, parce que nous sommes habitués à une certaine dramaturgie au niveau des séparations. Il faut insulter l’autre, le menacer, dire qu’on a été trahi… Pour ma part, j’ai juste fait une évaluation et froidement, j’ai décidé de passer à autre chose. Je n’ai donc pas eu besoin d’avoir des frustrations, des problèmes avec lui pour partir. Je suis allé le voir dans sa maison au Point E, je lui ai dit, à sa grande surprise d’ailleurs, que je suis venu pour lui dire que j’arrête ; que non seulement j’arrêtais avec Rewmi, mais j’arrête aussi avec la politique…’’
À la question de savoir quelles étaient ses motivations, il rétorque : ‘’Je suis à une étape de ma vie où je prends des décisions et j’ai pris la décision de quitter Rewmi et la politique.’’
Malheureusement pour lui, deux mois plus tard, il se retrouve au CIS et naturellement, beaucoup ont fait le lien. Aujourd’hui, il précise : ‘’C’était totalement faux, rigoureusement faux. Mais comme on dit : tomber ‘moy waral aay gaaf’. En allant au CIS, je n’avais aucune obligation d’arrêter la politique ou de quitter Rewmi. Je tenais à le préciser pour lever certains amalgames.’’
Clamant haut et fort qu’il ne réclame aucun héritage de Rewmi, il a rappelé que c’est à Idrissa Seck de soutenir sa candidature et non le contraire. ‘’Je pense que c’est au président de Rewmi de venir soutenir ma candidature. C’est ça la logique politique. Puisqu’il n’a pas encore déclaré sa candidature, je n’en parlerai pas pour le moment. C’est un parti que je respecte énormément, parce que c’est un parti qui m’a beaucoup donné. J’espère que je leur ai apporté quelque chose. Je considère foncièrement que c’est la candidature d’Abdourahmane Diouf qui doit être soutenue. Dans les prochaines semaines, en fonction de l’évolution politique, je vous en dirai un peu plus.’’
Le rôle de la presse dans l’échec d’Aar Sénégal
Sur l’échec d’Aar Sénégal aux Législatives de 2022, Abdourahmane Diouf a cité deux à trois raisons principalement. Mais la raison majeure, selon lui, c’est qu’ils n’ont pas été écoutés. ‘’… Il faut rappeler que le combat entre Benno et Yewwi Askan Wi a démarré à partir des Locales de 2022, alors qu’Aar Sénégal n’existait pas. À partir de là, les Sénégalais se sont divisés en deux, croyant que si on est pour l’opposition on est avec Yewwi. Et quand on est pour le pouvoir, on est avec Benno.
C’est la naissance de la bipolarisation. Quand Aar est venu plus tard, on a eu l’impression que c’est un petit groupe qui s’incrustait dans le duel déjà existant. Cela a fait que nous étions inaudibles. Pour les partisans de Benno, il fallait renforcer le camp présidentiel, pour les partisans de Yewwi, il faut les renforcer. Pour la partie la plus importante de l’électorat qui n’est pas dans les partis politiques et qui voulait soutenir l’opposition, ils ont choisi de voter utile. Aar est très sympathique, mais en votant pour Aar, on prive des voix à Yewwi qui est la coalition capable de battre le pouvoir. C’est aussi simple que ça’’.
Selon lui, la presse aussi n’a pas facilité la tâche pour un débat fécond entre les différents candidats. Pour illustrer son propos, le Dr Diouf raconte : ‘’Au mois de juillet (2022), Aar Sénégal a été la seule coalition à présenter ce qu’on appelle un contrat de législature. Avant nous, il n’y avait que le PDS qui l’avait fait en 1978. C’était donc assez révolutionnaire. Mais quand on a fait la présentation, vous pourrez peut-être me démentir, aucun de vos quotidiens, aucun de vos journaux, n’a repris ça à la une. Cela n’a pas fait l’actualité. Quelques jours après, Aar Sénégal avait fait une conférence de presse, une autre coalition a fait son concert de casseroles. Et le lendemain, tous vos journaux ont fait leur une, pas des appels à la une, mais leur une sur le concert de casseroles. Je ne juge pas, mais en tant que communicant, je me suis dit qu’il y a une rupture de paradigme dans la couverture de la presse et dans la communication politique au Sénégal. Sans reprocher à personne cette différence de couverture, je me suis dit : voilà la photographie, l’instantané de la communication politique dans mon pays. Et il faudrait s’y adapter.’’
Mor AMAR