Publié le 19 May 2025 - 15:39
TABASKI 2025 - FOIRAIL DE SEWEKHAYE (NGOUDIANE)

Entre flambée des prix et pénurie de fourrage

 

À l’approche de la fête de la Tabaski, l’effervescence est déjà palpable au foirail de Séwékhaye, l'un des plus grands points de vente situé dans la commune de Ngoudiane, en région thiessoise. Des quatre coins du pays et même au-delà des frontières, les éleveurs affluent pour espérer faire de bonnes affaires.

 

Dans l’immense enclos poussiéreux de Séwékhaye, les rangées de béliers s’étendent sous un soleil de plomb. Les clients, de plus en plus nombreux en cette mi-mai, négocient avec prudence. Une réalité s’impose : les prix des moutons ont atteint des sommets, cette année. Les bêtes s’échangent à des tarifs allant de 120 000 à 300 000 F CFA et plus de 250 000 F CFA pour les béliers de race. Les Ladoum, stars du marché, se négocient parfois entre 500 000 et 1 000 000 F CFA. Une situation qui suscite l’étonnement et l’inquiétude des acheteurs.

‘’Les moutons coûtent excessivement cher, cette année. Regardez ce petit là ; il coûte 120 000 F CFA. Celui-là 200 000 F CFA !’’ s’indigne Amadou Ndiaye, un acheteur visiblement dépassé par la flambée des prix.

‘’Cette année, les coûts sont trop élevés et nous ne faisons presque aucun bénéfice’’, rétorque Mamadou Diao, éleveur venu de Dahra Djoloff, installé à Séwékhaye depuis une semaine. ‘’Le sac d’aliment de bétail coûte aujourd’hui entre 12 000 et 15 000 F CFA. On ne peut pas nourrir un troupeau entier avec ces prix-là’’.

Même son de cloche chez Oumar Ndiaye, vendeur originaire de Kanel : ‘’Avec la sécheresse de 2025 et la rareté du fourrage, nous avons dû acheter plus de tourteaux et de compléments industriels.’’

Au-delà de l’alimentation, le transport constitue un casse-tête pour ces vendeurs venus parfois de très loin. ‘’Il faut louer un camion à 300 000 ou 400 000 F CFA pour venir jusqu’ici et encore, il faut négocier pour avoir une place à Séwékhaye’’, explique Babou Ba, éleveur basé à Linguère.

L’insécurité, la hantise des éleveurs

L’insécurité est aussi une préoccupation majeure. Du côté des commerçants, la prudence reste de mise. Salif Sow, vendeur habitué du marché, appelle à un renforcement plus poussé de la sécurité. ‘’Chaque année, nous faisons face à des cas de vols et d’agressions. C’est devenu un véritable cauchemar. Il n’y a pas assez d’agents de sécurité sur le site, surtout la nuit. Nous demandons à la gendarmerie de renforcer la surveillance’’, alerte-t-il.

Sur le site, face à la ruée des éleveurs, les autorités locales ont annoncé des mesures de sécurité. Le maire de Ngoudiane, Mbaye Dione, a tenu à rassurer vendeurs et acheteurs : ‘’Nous savons que durant la Tabaski, les vendeurs viennent de partout. Il est tout à fait normal de leur garantir des conditions de sécurité optimales.’’

Autre difficulté évoquée : l’accès à l’eau et à l’électricité. ‘’Il n’y a pas de point d’eau fonctionnel ici. Cela augmente encore les charges’’, souligne Abou Diouf.

Face à la conjoncture, les acheteurs attendent de voir

A ce stade du mois de mai, les acheteurs adoptent une attitude d’attente. Beaucoup espèrent une baisse des prix, à l’approche de la fête. ‘’C’est toujours comme ça. Les gens viennent repérer en mai, mais ils achètent en juin, parfois même la veille de la Tabaski’’, observe Issa Aidara, vendeur depuis plus de dix ans à Séwékhaye.

Mais cette stratégie pourrait se révéler risquée, cette année, préviennent les éleveurs. ‘’Il y a assez de bêtes pour tout le monde. Ceux qui peuvent doivent acheter tôt’’, conseille Mamadou Diao.

Malgré les contraintes, la pression sociale pousse de nombreuses familles à faire des sacrifices financiers importants. Tontines, crédits, aides de la diaspora : tous les moyens sont mobilisés pour acquérir un mouton, signe d’honneur et de respect de la tradition. ‘’Même si c’est dur, on ne peut pas ne pas immoler le mouton le jour de la fête. C’est une affaire de dignité’’, témoigne Amadou Kane, venu de Thiès avec ses deux enfants pour prospecter.

À quelques semaines de la Tabaski, la tension est palpable au foirail de Séwékhaye, dans la capitale du rail. Trouver un mouton à un prix abordable relève désormais du parcours du combattant. Le marché est bien approvisionné en moutons, mais les prix atteignent des sommets. Une situation qui suscite inquiétudes et frustrations parmi les acheteurs comme chez les vendeurs.

Le coût croissant de l’aliment de bétail, conjugué à des conditions de sécurité précaires, rend l’activité de plus en plus invivable. Cheikh Sow, vendeur installé au champ de courses – l’un des sites les plus fréquentés de Thiès – tire la sonnette d’alarme : ‘’L’aliment est hors de prix, l’eau coûte cher et la sécurité est quasi inexistante. Il y a eu des vols de moutons.’’

Face à cette pénurie, la demande reste forte, alimentée par la pression sociale autour du sacrifice rituel. Les prix s’envolent, certains moutons étant proposés entre 150 000 et plus de 600 000 F CFA. Une situation qui accentue les inégalités : beaucoup de familles modestes peinent à respecter cette tradition religieuse. À cela s’ajoute l’incertitude sur les arrivages de dernière minute depuis les zones rurales ou les pays voisins.

Vendeurs comme acheteurs appellent les autorités à une intervention structurelle. Pour Cheikh Sow, ‘’il faut une politique claire de soutien à l’élevage, des subventions réelles pour l’aliment de bétail, un encadrement des prix du transport et surtout une sécurisation des marchés’’.

Des revendications récurrentes, mais toujours d’actualité.

NDEYE DIALLO (THIES)

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