La détresse des étudiants
A l’université Cheikh Anta Diop, les étudiants vivent les aléas de la pandémie de la Covid-19. Les résultats des examens sont compromettants. Ils indexent l’introduction des enseignements à distance et regrettent que l’année universitaire tarde à s’achever. Ils angoissent pour l’incertitude dans laquelle ils sont plongés.
Lorsque les cours ont été arrêtés, en mars 2020, pour cause de pandémie, Abdoulaye Baldé, étudiant en première année de physique-chimique, était retourné dans son village, dans la région de Kolda. Six mois de vacances plus tard, il dit avoir connu un ‘’relâchement’’ dans la continuité des cours. Revenu pour la reprise des cours, il a ‘’juste eu deux semaines’’ de révisions, avant d’entamer les examens du premier semestre. Un semestre ‘’catastrophique’’ en résultats, dit-il.
Ce samedi 16 janvier, assis sur une table en plein air, près de l’Institut des sciences de la terre, l’étudiant, le regard plongé dans les lignes de son fascicule, espère être sauvé par les sessions de rattrapage.
Après un premier semestre qui s’est soldé par des notes compromettantes, ils sont nombreux, comme Abdoulaye, ces étudiants qui disent être ‘’découragés’’. Ils ne comptent plus que sur ces matières qu’ils doivent reprendre. Actuellement, c’est l’angoisse et l’incertitude. L’inquiétude est, cependant, plus pointue chez ceux qui doivent encore reprendre beaucoup de matières durant ces cessions de rattrapage. C’est le cas pour Abdoulaye. ‘’Moi, je dois reprendre quatre matières. Mais, il y en a qui feront six et ça te met la pression pour les révisions’’, révèle-t-il.
Mais cet étudiant et ses camarades sont dans une situation particulière. Ces pensionnaires, dont l’arrivée à l’université a coïncidé avec la survenue de la pandémie, se sentent un peu perdus. Arona est étudiant à la faculté des Sciences. Trouvé ce matin assis sous un arbre en train de réviser, le jeune homme d’une vingtaine d’années ne se retrouve plus dans cet environnement universitaire. ‘’Au début, quand je venais à l’université, tout se passait très bien. Je commençais à m’adapter. Ensuite, je suis rentré au village, à cause de la pandémie et, du coup, j’ai un peu laissé les cahiers. Cela s’est répercuté sur mes résultats’’, renseigne-t-il.
A la faculté des Sciences économiques et de Gestion, quelques étudiants sont assis dans le hall. Il est 11 h. Juste avant les marches qui mènent aux amphis, des tableaux d’affichage sont installés, montrant les résultats de la première session. Daouda, étudiant en 2e année, est en train de parcourir ces affiches qui laissent voir des notes compromettantes. L’abréviation SNV (semestre non validé) est celle qui est facile à repérer sur ces listes, contrairement à SV (semestre validé). Interpellé sur les résultats de cette année universitaire 2019-2020, Daouda, l’air angoissé, indexe le tableau : ‘’Voyez, les résultats de cette année sont catastrophiques.’’
Les étudiants du Master, eux, ne se sentent pas si touchés par ces problèmes qui angoissent ceux du premier cycle. Hamidou Diaw est l’un d’eux, à la faculté de Droit. Le jeune homme informe qu’ils n’ont pas fait de cours à distance. Et Mbène Kane, étudiante en Master II de lettres modernes, d’informer que ‘’tout s’est bien passé. On attend que la soutenance’’.
Si, d’habitude, dans les facultés, les étudiants déplorent les notes, cette année, ils sont nombreux à voir les cours en ligne introduits par les autorités universitaires, comme la cause de leurs mauvais résultats.
‘’Ces prétendus cours en ligne’’
‘’De mars à septembre, informe Abdoulaye Baldé, l’air agité, on nous a servi des cours en ligne. Une chose qui ne m’a pas arrangé, parce que j’étais au village. Les autorités avaient mis en place une plateforme pour avoir accès aux cours et jusqu’aux examens, certains n’ont pas eu ces cours’’. Comme cet étudiant en sciences physiques, les cours en ligne n’ont pas fait l’affaire de tous les étudiants.
Pour samba Ndiaye, étudiant en première année de philosophie, ces ‘’prétendus’’ cours en ligne ne leur ont pas apporté grand-chose, parce que, informe-t-il, ils ont été mis dans des plateformes auxquelles ils avaient des problèmes d’accès.
L’étudiant trouvé en train de lire les affiches au sein de son département pense que, sans la présence du professeur, ils ne peuvent rien faire. ‘’Nous ne sommes pas prêts à nous auto-éduquer’’, dit-il. Au Département de lettres modernes, Yacine Sène, étudiante en Licence III, se tient devant le secrétariat en train de manipuler sont téléphone. Elle est dans ce lot d’étudiants qui vivaient dans les zones rurales n’ayant pu avoir accès aux cours qui ont été mis en ligne. ‘’Depuis que la pandémie est apparue, les cours ne sont pas stabilisés. J’étais au village, donc, je ne pouvais pas toujours me connecter pour avoir accès aux cours. Quand je suis revenue ici à Dakar, j’ai trouvé le calendrier des examens affiché’’, renseigne cette jeune étudiante qui dit avoir eu de la chance, parce qu’elle reprend la Licence, mais ne parvient toujours pas à ‘’valider certaines matières’’.
Si ces étudiants ont eu des difficultés avec l’enseignement à distance, d’autres, par contre, pensent qu’il est temps de se familiariser avec. Rencontré à la faculté de Droit où il vient réviser, Cheikh Adramé Bayo, étudiant à l’Université virtuelle du Sénégal (UVS), plébiscite les cours en ligne. ‘’La pandémie a eu raison de nos universités. Pendant qu’elles étaient toutes fermées, seule l’UVS continuait ses cours. Nous sommes à l’ère du numérique, poursuit-il. Donc, nous devons nous familiariser avec’’. Daouda, même s’il pense que les cours en ligne sont des facteurs explicatifs des mauvaises notes enregistrées cette année, voit l’enseignement à distance comme ‘’la seule alternative’’ pour mieux dérouler les cours et sauver l’année.
L’année 2019-2020 traine toujours
Dans beaucoup de facultés, à part la Fac de Médecine qui commence sa nouvelle année universitaire la semaine prochaine, d’après les étudiants, l’année universitaire 2020-2021 n’est pas encore entamée. Dans certains départements, les notes du second semestre tardent encore à être disponibles.
Selon Mbaye Sarr, étudiant à la faculté de Droit, à ce stade de l’année, ils n’ont que les résultats du premier semestre de la session normale, qui ne sont pas ‘’fameux’’. L’étudiant, comme ses pairs, doit encore attendre pour que les résultats du deuxième semestre soient disponibles, faire le rattrapage, s’il y a lieu, et enfin commencer une nouvelle année universitaire. Ce qui va ‘’occasionner un grand retard dans leur cursus’’, dit-il.
A la Fac de Science, contrairement à la faculté des Lettres, où beaucoup de départements envisagent de commencer la nouvelle année universitaire au mois de février, les étudiants doivent encore attendre. Trouvé à non loin de la faculté de Science, crayon en main en train de faire ses exercices, Ibrahima Diallo, étudiant en 2e de physique, attend encore ses résultats. Mais l’étudiant affirme comprendre la situation. ‘’On doit attendre encore, avant de commencer la nouvelle année. Mais c’est normal. La Fac de Science n’est pas comme les autres. Nous, on a eu deux mois de révisions, alors que pour d’autres, ç’a été un mois’’, dit-il, bégayant.
MARIAMA DIÉMÉ