Publié le 30 Nov 2021 - 19:45
VOTE BUDGET MINISTERE DE L’ECONOMIE, DU PLAN ET DE LA COOPERATION

Les priorités, selon les députés, pour atteindre l’émergence

 

La nécessité d’accélérer le processus d’industrialisation de l’économie nationale, l’agriculture et la promotion du secteur privé national ont été essentiellement au cœur des débats, hier, à l’Assemblée nationale, lors du vote du budget du ministère de l’Economie, du Plan et de la Coopération pour la gestion 2022.

 

L’industrialisation de l’économie sénégalaise est un impératif, si le pays veut atteindre son émergence, notamment en 2035, comme décliné par le chef de l’Etat Macky Sall dans le Plan Sénégal émergent (PSE). D’après le député Théodore Chérif Monteil, par ailleurs industriel, il est universellement reconnu qu’il ne peut pas y avoir développement sans industrialisation. ‘’Le Sénégal ambitionne de faire du secteur industriel un des piliers du développement durable. Parmi les objectifs du Plan Sénégal émergent, on a le pari industriel qui vise la création d’un pôle manufacturier à haute valeur ajoutée. Pourtant, nous avons constaté que nous ne décollons pas. En 30 ans de présence dans le secteur industriel, je n’ai jamais vu les industriels privés sénégalais aussi inquiets. L’environnement des affaires est devenu préoccupant’’, souligne-t-il, lors du passage, hier, du ministre de l’Economie, du Plan et de la Coopération à l’Assemblée nationale pour le vote du budget 2022 de son département.

Pour relever ce défi, M. Monteil estime qu’il faut un nouveau point de départ pour le pays, son expérience, sa sociologie. Ceci, pour mettre en pratique un Etat entreprenant qui assoit les fondements du développement économique et social dans la solidarité, la sécurité et en préservant durablement l’environnement. ‘’Il faut qu’on fasse une évaluation des défauts du passé, en termes d’apprentissage, de nos réussites et nos échecs, de la mise en pratique et du suivi des politiques publiques et d’analyse du faible niveau de transformation positive de notre économie et du développement économique dans sa globalité. Pour relever durablement les défis de la prospérité, de la solidarité, de la sécurité, de la modernité, il faut mettre ensemble une véritable politique d’industrialisation de notre économie. Nous devrons assurer la création de richesses dans nos pays à partir de l’industrialisation de notre économie, dans le but, d’abord, de promouvoir efficacement la création d’entreprises industrielles, commerciales et de services compétitives au service de notre économie sur le marché extérieur et intérieur. Nous devons aussi favoriser la création de richesses et d’emplois durables afin de doter notre Etat d’un portefeuille riche, diversifié et stratégique doté de recettes financières importantes tout en consolidant le pouvoir d’achat des ménages’’, renchérit le parlementaire.

A ce propos, le ministre de l’Economie a soutenu, lors de son intervention, que la stratégie nationale sur l’industrialisation est terminée et d’ailleurs, ils ont déjà commencé sa mise en œuvre avec les agropoles, les zones économiques spéciales, les parcs industriels et le programme Pace (Programme d’accélération compétitivité et emplois) de 275 milliards de francs CFA qui va appuyer les chaines de valeur dans le pays.

‘’Je suis d’accord qu’il faut que l’Etat soit un Etat investisseur, entrepreneur. C’est ce que nous sommes en train de faire également et c’est aussi l’un des rôles que le Fonds souverain d’investissements stratégiques (Fonsis) doit jouer et qu’il a déjà commencé en investissant plus de 35 milliards de francs CFA sur 35 projets, avec un volume global de projets de 775 milliards de francs CFA. Avec l’avènement du gaz et du pétrole, certaines ressources de l’Etat tirées de cette exploitation seront gérées par le Fonsis pour les générations futures’’, fait savoir Amadou Hott. 

Mettre en place des politiques qui promeuvent une culture irriguée

Considérant les atouts dont dispose le pays, notamment en matière de dividende démographique, de phosphates, de terres arables et d’étendue d’eaux de surface et souterraines, les parlementaires ont préconisé des politiques qui promeuvent une culture irriguée, afin de mieux favoriser la souveraineté alimentaire.

A ce propos, il a été prôné la formation des jeunes de la vallée pour la mise en place de plus de rizeries, pour mieux promouvoir l’autosuffisance alimentaire. ‘’Je suis en phase avec le député Adama Sarr sur la nécessité d’investir dans l’agriculture pour occuper nos jeunes. Je peux confirmer que l’Etat va accélérer les investissements pour attirer plus les jeunes dans l’agriculture et le projet Pedidas va être continué avec un financement de la Banque mondiale. Dans la loi PPP, nous demandons plus de transferts de technologies également’’, reconnait le ministre de l’Economie.

Les députés ont aussi plaidé pour la mise en place d’une politique afin d’inciter les partenaires nationaux et internationaux à orienter leurs investissements vers les bases productives de l’économie du pays, constituées principalement de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche.

S’agissant de Medis, le ministre a relevé qu’au-delà des 3 milliards de francs CFA décaissés, il est prévu 2,5 milliards dans le budget 2022, qui sont portés par le Fonsis, pour que l’Etat puisse boucler sa participation au capital. ‘’En sus de doter la Banque nationale pour le développement économique (BNDE) davantage de moyens en procédant à une rationalisation des ressources financières, les députés ont également préconisé la transformation du Fonds de garantie des investissements prioritaires (Fongip) en une structure de garantie à hauteur de 70 %, au profit des start-ups. En outre, ils ont relevé des difficultés dans la mise en cohérence des interventions de l’Etat qui, à leur avis, résultent de l’émiettement dans l’ancrage institutionnel des leviers d’accompagnement du secteur privé national’’, souligne le rapport de la Commission des finances et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale distribué à cette occasion.

Il a aussi été évoqué dans le document les lenteurs dans l’exécution des programmes avec les partenaires techniques et financiers (PTF). Aussi, le ministre a été interpellé sur l’apport de la Cellule d’intelligence économique dans les politiques et stratégies de développement et de coopération, ainsi que dans les réflexions économiques, en particulier sur son rôle spécifique dans les relations avec les différents partenaires au développement.

Sur la définition de l’intelligence économique, le ministre a répondu que c’est juste ‘’l’ensemble des processus ou activités coordonnées de collecte de l’information économique utile pour pouvoir alerter sur les opportunités, les menaces et risques au niveau des différents secteurs d’activité, en vue de permettre à l’Etat et au secteur privé de prendre les mesures idoines pour mieux définir les politiques et stratégies, et une meilleure compétitivité’’.

De plus, le ministre en charge de la Planification a rappelé que dans le Pap2A, il ne s’agit pas seulement de faire des projets. Il y a aussi les réformes parmi lesquelles la loi PPP. ‘’Nous avons également une réforme sur le développement du secteur privé. Ce projet est en train d’être finalisé par la Stratégie nationale de développement du secteur privé qui prendra en compte la nécessité de rationnaliser et de rendre plus cohérents les instruments d’appui au secteur privé, ceux d’appui également à l’emploi ou à l’auto-emploi et cela prend en compte les directives du chef de l’Etat qui nous demande de renforcer la BNDE’’, poursuit Amadou Hott.

Développer la coopération nationale

De son côté, la députée Marème Soda Ndiaye trouve que pour assurer le développement économique du pays, il urge de miser sur l’expertise locale. ‘’Il est temps qu’on développe la coopération nationale. Depuis 1960, on dépend de l’aide publique au développement et cela ne nous a menés à rien. Donc, nous devons revoir cette forme de coopération, en mettant plus l’accent sur la coopération nationale. Nous devons davantage nous appuyer sur l’expertise locale, car si on continue de tendre la main aux puissances étrangères, elles vont continuer à nous faire signer des conventions qu’on va rembourser cher et qui ne nous mèneront pas vers l’émergence. Il faut qu’on prenne en charge ces questions. On a des modèles endogènes de développement qui peuvent servir d’exemple, avec l’évaluation des politiques publiques. Il faut qu’on dépasse les beaux discours, les slogans qui continuent de nous faire suffoquer. Il y a trop d’agences qui prennent en charge la question du financement et de l’encadrement de l’emploi jeunes. Il faut aller dans le sens de regrouper toutes ces agences. Sinon, ce sont des efforts disparates qui n’auront pas d’impact sur la jeunesse’’, analyse la jeune parlementaire.

Même s’il reconnait l’importance du développement de la coopération nationale, le ministre en charge de la Coopération note qu’au Sénégal, il n’y a pas d’exclusivité en la matière. ‘’La coopération avec la Chine est extrêmement dynamique. Depuis que nous avons repris nos relations, elle a financé plus de 1 600 milliards de francs CFA. C’est vrai, ce sont des crédits sur 20 et 25 ans, voire plus, mais il y a également des dons que nous octroie la Chine. Mais, au Sénégal, il n’y a pas d’exclusion ou d’exclusivité. Tous les partenaires sont les bienvenus et sur les conventions de financement que nous signons, elles sont extrêmement bien négociées. C’est en coordination entre notre département et celui des Finances et du Budget, et nous avons des collaborateurs aguerris avec plus de 30 ans d’expérience. Les négociations que nous faisons sont extrêmement serrées et ces conventions de financement sont également étudiées au niveau du Comité national de la dette publique du ministère des Finances’’, note-t-il.

Il convient de noter que le budget du ministère de l’Economie, du Plan et de la Coopération est arrêté à 28 277 862 519 F CFA en autorisations d’engagement et en crédits de paiement pour la gestion 2022. Par programme, ce budget est réparti comme suit : pour la coopération, le développement des partenariats public-privé (PPP) et du secteur privé, les crédits de ce programme sont arrêtés à 6 516 347 370 F CFA ; pour l’économie productive, compétitive et créatrice d’emplois, il est prévu plus de 19,994 milliards et, enfin, pour le pilotage, la gestion et la coordination administrative, le budget programmé est de plus de 1,767 milliard en autorisations d’engagement et crédits de paiement.

Les chiffres des eurobonds

Interpellé par le président du groupe des Libéraux et démocrates Cheikh Abdou Mbacké sur la question des eurobonds et de la dette publique du Sénégal, le ministre des Finances et du Budget, Abdoulaye Daouda Diallo, a précisé que le pays a commencé les eurobonds depuis 2009, avec un montant de 200 millions de dollars pour une maturité de 5 ans, à un taux d’intérêt de 9,25 %. ‘’En 2011, il y a eu aussi un eurobond pour 500 millions de dollars, avec taux d’intérêt de 8,75 % sur 10 ans. En 2014, nous avons lancé notre troisième eurobond avec 500 millions de dollars sur 10 ans, mais avec un taux d’intérêt de 6,25 %. Pour celui de 2017, c’est 1,1 milliard de dollars qui a été levé avec le taux de 6,25 % pour une maturité de 15 ans. En 2018, il y a eu aussi un eurobond de 2,2 milliards de dollars.

Ce prêt est composé de deux tranches, en euros et en dollars ; l’une avec un taux de 4,75 % sur 10 ans et l’autre de 6,75 pour 30 ans. En 2021, on a fait notre cinquième eurobond et on cherchait juste un million de dollars. Parce qu’on devait rembourser l’eurobond de 2011, parce que la maturité était à terme. Notre besoin était de 775 millions d’euros. Le marché nous a proposé 4 milliards d’euros et c’était sur 16 ans avec un taux d’intérêt de 5,375 %. Nous n’avons pas pris ces eurobonds pour rembourser d’autres dettes. Ce qu’on doit payer pour le service de la dette cette année, c’est 866,1 milliards. Nous avons des recettes fiscales de 3 653 milliards et ces recettes intérieures peuvent largement nous permettre de rembourser nos dettes. Donc, on a aucune difficulté de paiement de notre dette’’, indique Abdoulaye Daouda Diallo.

MARIAMA DIEME

Section: