Publié le 20 Nov 2012 - 02:10
MOHAMED MOUSTAPHA SÈYE, DIRECTEUR DE DROITS HUMAINS (Suite et Fin)

''Il y a une volonté manifeste des teneurs du barreau de ne pas ouvrir les portes de la profession''

 

Le directeur des Droits humains dénonce le bâtonnat accusé de ne pas ouvrir ses portes à de nouveaux avocats. Dans cet entretien accordé à EnQuête, jeudi denier, Mohamed Moustapha Sèye, de retour de Genève où il était allé présenter le rapport du Sénégal sur la torture, revient sur les observations et recommandations du Comité contre la torture des Nation-Unies.

 

Où se trouve le problème ?

 

Vous avez combien de maîtrisards chômeurs ? Il y a au moins mille doctorants. Et il y a une volonté du bâtonnat de fermer les portes. C’est la première fois que dans une profession libérale, on fait tout pour que personne n’y entre. C’est ça la réalité. Dans le concours du bâtonnat, on ne recrute que 10, 12 personnes. Parfois, il reste deux (2) ans sans organiser le concours. On ne comprend pas. Quand Madické Niang a été ministre de la Justice, il a fait voter une loi portant réorganisation de la profession d’avocat. En tant que magistrats, nous nous étions levés contre cette loi. Cette loi dit, notez bien : ''Donne la possibilité aux avocats de créer des cabinets secondaires dans les régions.'' C’est comme si on permettait à une pharmacie de créer des succursales dans les régions... C’est parce que Madické Niang est ministre de la Justice que cette loi est passée. Il y a une volonté manifeste de ceux qu’on appelle les teneurs du barreau de ne pas ouvrir les portes de la profession.

 

Qu’est-ce qui sous-tend cette loi ?

 

C’est ce qu’on appelle la loi des mandarins. Ils ont peut-être peur de la concurrence. Si vous avez 1000 avocats, ce sont des parts de marchés qui partent. C’est purement corporatiste. Ils ont crée cette loi pour protéger leurs intérêts. Pendant ce temps, l’État fait des efforts en portant jusqu’à 100 le nombre de magistrats sortants de l'école de formation. Avant, il n'y avait que des promotions de 50 à 70 magistrats. Nous allons revenir sur cette loi. Elle a une autre curiosité.

 

Laquelle ?

 

Figurez-vous que dans les relations professionnelles entre l’avocat et l’avocat stagiaire, le contrat établi est un contrat de travail. Cette loi dit que s’il y a des problèmes dans l’exécution de ce contrat, les tribunaux de travail ne sont pas compétents, mais plutôt le bâtonnat. C’est seulement au niveau de la Cour d’appel que la justice devient indépendante. Même nous magistrats n’avons pas cela. Nous avons une exception de juridiction, mais cela signifie qu’on nous juge au niveau de la Cour de cassation. On a créé à partir de cette loi de Madické Niang - je l’appelle ainsi - une catégorie de professionnels. Et on n’a pas attendu aujourd’hui pour le dénoncer, on l'a dénoncé dans la presse et un de nos collègues, Mandiaye, du tribunal international, avait sorti un article au vitriol contre cette loi. Mais le prince a toujours raison.

 

Est-ce que la direction des Droits humains a le pouvoir d’auto-saisine ?

 

La direction hérite des attributions d’un ministère délégué des droits de l’Homme, et a pour mission la protection des droits humains. Il y a la présentation périodique, le traitement des requêtes ou autres interpellations à l’égard des violations des droits de l’Homme. Si on constate des violations des droits, on est tenu de les dénoncer et de saisir le procureur de la République.

 

Mais est-ce que le rattachement de votre direction au Ministère de la Justice ne pourrait pas constituer un handicap dans votre travail ?

 

Pas du tout. Le ministre de la Justice ne peut pas demander au procureur de la République de ne pas poursuivre quelqu’un. Les gens ne savent pas. Je trouve formidable ce rattachement. Si vous avez une autre entité qui s’occupe des droits humains, vous revenez toujours au ministère de la Justice pour l’application. Le ministre de la Justice est très attaché au respect des droits humains pour avoir travaillé au FNUAP (Fonds des Nations-Unies pour la population). Nous avons une division chargée de l’assistance judiciaire, et l’État a mis à la disposition des indigents des assistants judiciaires. Sur les 400 millions de francs Cfa qui ont été dégagés, il n'y a que 200 millions qui ont été consommés, parce qu’il n’y a pas assez d’avocat pour dépenser ce montant. Donc, il n'y a pas que le volet répressif. Nous avons prévu de faire un toilettage des textes sur l’assistanat judiciaire, de faire de la sensibilisation à l’endroit des avocats pour qu’ils fassent bénéficier aux populations de ce fonds.

 

Les dignitaires de l’ancien régime pensent que la Cour contre l’enrichissement illicite n’est pas habilitée à les entendre. Qu’en pensez-vous ?

 

Je suis dans l’obligation de réserve. Je ne peux pas faire de commentaire. De mon point de vue, la justice doit continuer de faire son travail. S’il y a des personnes qui ont détourné l’argent du contribuable, que la justice fasse son travail pour les récupérer.

 

 

PAR DAOUDA GBAYA

 

 

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