Médina Yéro Foula et la galère du paiement
Dans un département qui fait deux fois la taille de la région de Thiès et sans aucun service de La Poste, le millier de bénéficiaires de la Bourse de sécurité familiale peine à jouir des avantages de cette trouvaille du chef de l’Etat pour lutter contre la pauvreté.
En cette fin du mois d’octobre, c’est sous une forte chaleur que la Délégation Générale à la protection sociale et à la solidarité nationale arrive à Médina Yéro Foula avec comme objectif, selon Mme Anta Sarr, ‘’d’organiser des foras des allocataires pour combler, entre autres, les lacunes en termes d’informations et de clarification des paramètres de mise en œuvre de ce programme des bourses familiales’’.
Occasion que ne pouvaient rater les autorités administratives et locales pour égrener les maux qui empêchent ce programme ‘’salutaire’’, de l’avis du président du Conseil départemental de MYF, de jouer pleinement son rôle. C’est le maire de la Commune qui déplore le nombre de bénéficiaires de la bourse dans un département, ‘’considéré comme la plus pauvre du Sénégal et qui n’a que 1100 bénéficiaires sur un total de 5376 bénéficiaires dans la région de Kolda’’.
Le Président du Conseil départemental, par contre, a axé son intervention sur l’épineuse question du paiement de la bourse familiale. ‘’Pour un département qui fait deux fois la taille de la région de Thiès, il n’y a aucun service de La Poste. Dans tout le département, nous n’avons que deux points de paiement : ici à Madina Yéro Foula et à Fafacourou. Du coup, certains bénéficiaires, comme ceux de la commune de Badion, font 48 km pour venir percevoir 25 000 F CFA. Et une bonne partie de la bourse est utilisée pour assurer le transport’’, déplore le président Sabaly, qui ajoute : ‘’au lieu d’aider, la bourse familiale augmente notre calvaire ‘’.
A preuve, lors du dernier paiement, il y a eu, d’après Harouna Camara, maire de la commune de Dinguiraye, tellement de bousculades qu’un ‘’enfant s’est même cassé le bras. L’Armée est même intervenue pour discipliner les bénéficiaires’’. En effet, face au rush des allocataires de la bourse de sécurité familiale, certaines édiles sont mis à contribution pour assister leurs administrés. C’est le cas du maire de Pata qui assure avoir ‘’nourri et hébergé chez (lui) pendant trois jours plus de 150 personnes à (ses) frais’’. Pis, d’autres se sont déplacés sans pour autant percevoir leurs bourses parce que, souligne le maire de Ndorna, ‘’leurs noms ne figurent pas sur les listes de La Poste où il y a des erreurs sur la carte Yaakaar, sans laquelle aucun paiement ne peut se faire’’.
La poste épinglée
Au banc des accusés, La Poste se décharge sur la Délégation à la protection sociale et à la solidarité nationale et sur les bénéficiaires qui ne respecteraient pas les règles du jeu. D’après Youssoupha Diédhiou, le Receveur régional de La Poste de Kolda, ‘’si certains ne perçoivent pas leur dû, ils ne doivent s’en prendre qu’à eux-mêmes. Dans des villages, il y a des bénéficiaires qui n’ont même pas de carte d’identité nationale, sans laquelle on ne peut pas payer. Dans d’autres cas, on a inscrit des gens qui n’ont rien à voir avec la bourse.
On a même un bénéficiaire qui se trouve être un bébé’’. Il accuse même certains bénéficiaires de fraude et d’escroquerie. ‘’Certains se précipitent pour percevoir leur bourse dans le département de Médina Yéro Foula avant de se rendre au guichet de La Poste de Kolda pour encore retirer leur argent par le système électronique’’. Et de faire une révélation : ‘’Il y a eu beaucoup de tricheries. Au moment où je vous parle, nous avons 490 000 F retirés frauduleusement par les bénéficiaires ‘’.
Des propos confirmés par Mor Talla Tine, préfet du département, qui met les pieds dans le plat : ‘’Dans certaines localités, il y a des bénéficiaires qui n’auraient pas dû l’être’’. De plus, il renseigne que ‘’certaines anomalies persistent dans la base de données. On a constaté que deux épouses d’un même chef de ménage ont la bourse alors que c’est une bourse par ménage. Il y a des erreurs de transcription des noms de bénéficiaires, des erreurs de localisation du bénéficiaire ou des omissions‘’.
Pour rappel, le Programme national de bourses de sécurité familiale vise à lutter contre la vulnérabilité et l’exclusion sociale des familles à travers une protection sociale intégrée. Pour être éligible à ce programme, il faut être : un ménage en situation d’extrême pauvreté ayant au moins un enfant âgé de 0 à 5 ans ; un ménage en situation d’extrême pauvreté ayant au moins un enfant scolarisable (âgé de 6 à 12 ans) ; en situation d’extrême pauvreté ayant au moins une personne âgée de plus de 60 ans. Mieux, le ménage bénéficiant de la Bourse de sécurité familiale doit impérativement maintenir l’enfant à l’école sous peine de son exclusion du programme.
Bouffée d’oxygène Faut-il brûler la Bourse de sécurité familiale dans le département de Médina Yéro Foula (région de Kolda) ? L’on serait tenté de répondre par l’affirmative vu les difficiles conditions de paiement de ces 25 000 F CFA que l’Etat, à travers la Délégation générale à la protection sociale et à la solidarité nationale, alloue chaque trimestre à quelque 100 000 ménages considérés comme pauvres ou vulnérables à la pauvreté. Et par la négative, à entendre les témoignages de bénéficiaires sur l’usage qu’ils en font, lors des deux fora aux bénéficiaires tenus les 22 et 23 octobre derniers dans les communes de Médina Yéro Foula et Fafacourou. Pour Lamine Ndiaye, le dernier paiement a permis de faire face aux dépenses liées à la rentrée scolaire. ‘’Avant la bourse, pour préparer la rentrée scolaire, on bradait nos récoltes. On nous prêtait 5000 F et en retour l’on donnait un sac d’arachide de 60 kg’’, dit-il. Non sans ajouter : ‘’Je ne sais pas pour les autres localités, mais ici dans le MYF, les bénéficiaires de la bourse ne se plaignent pas de recevoir tous les trois mois 25 000 F’’. Méta Baldé a de son côté acheté un vélo à son fils qui doit faire 4 km pour aller à l’école. ‘’Je lui donne même de l’argent de poche’’, renchérit-t-elle, le sourire aux lèvres. Par contre, Babacar Diop, habitant du village de Koulor, a fait un détournement d’objectif : ‘’Mon épouse a perçu la bourse à deux jours de la Tabaski et je n’ai même pas de quoi préparer la fête. Donc, j’ai pris une bonne partie de l’argent pour faire face aux dépenses de la Tabaski’’, confesse-t-il. |
Correspondance particulière