Publié le 1 Feb 2018 - 18:03
RELATIONS ENTRE LE SÉNÉGAL ET LA FRANCE

Macron, un général en terre conquise

 

Entre le Sénégal et la France, c’est 500 milliards d’importations pour le premier contre 50 milliards d’exportations. 78% des investissements directs étrangers viennent de l’Hexagone. Les entreprises françaises assurent un ¼ du Pib et des recettes fiscales. Sans parler de l’influence culturelle. Bref, le Président Macron attendu ce soir à Dakar se sentira bien chez lui. A n’en pas douter !

 

Le président de la République française arrive à Dakar, ce soir. Officiellement, Emmanuel Macron doit prendre part à la conférence internationale sur le financement de l’Education. Un évènement qu’il a accepté de coparrainer avec le chef de l’Etat sénégalais sur invitation de ce dernier. Mais le programme envoyé par le service de communication de la Présidence sénégalaise indique aussi qu’il y aura signature de conventions, sans préciser lesquelles. De même, le successeur de François Hollande se rendra à Saint-Louis pour constater de visu les conséquences du réchauffement climatique sur la côte saint-louisienne. Dans sa sortie à Addis-Abeba, suite à la mort d’un pêcheur sénégalais tué par les garde-côtes mauritaniens, Macky Sall a déclaré que son homologue français l’aidera à faire face à ce phénomène.

Ces quelques exemples montrent déjà que l’hôte de marque du Sénégal avancera partout sur tapis rouge (n’en déplaise au Pds). En réalité, Emmanuel Macron est un président en visite sur une terre conquise. Les relations politiques, diplomatiques, économiques, culturelles… entre le Sénégal et la France sont toutes en faveur de l’Hexagone. Le premier indicateur est sans doute le ballet diplomatique entre les deux pays. Certes, avant la visite de Macky Sall en France, l’année dernière, le dernier voyage officiel d’un président sénégalais datait de 1992. Mais la ligne Paris-Dakar n’a jamais souffert d’un passager peu ordinaire. L’année dernière, pas moins de trois ministres d’Edouard Philippes se sont rendus à Dakar. ‘’Le Sénégal est le seul pays d’Afrique subsaharienne avec lequel la France tient chaque année un séminaire intergouvernemental (alternativement à Dakar et à Paris). La 3ème édition de ce séminaire s’est déroulée à Matignon le 19 octobre 2017’’, relève le site France diplomatie.         

Sur le plan économique, en 2016, les échanges commerciaux entre les deux pays étaient de 546 milliards 400 millions F Cfa (834,2 M€). En 2015, c’était 558 milliards 700 millions F Cfa (853 M€), avec un excédent de 446 milliards (681 M€) en faveur de la France. Selon le Trésor français, le Sénégal était, cette année-là, le 4e excédent en Afrique, derrière l’Algérie, l’Egypte et l’Afrique du Sud. Cela s’explique par la faiblesse des exportations sénégalaises en direction de l’Hexagone, 50 milliards F Cfa, et l’importance de ses importations venant de ce pays, 500 milliards. Un bulletin de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd) de février 2017 fait sortir nettement le déséquilibre. Pour les exportations, Les principaux clients du Sénégal sont la Chine (18,0%), le Mali (11,9%), la Suisse (9,6%) et la Côte d’Ivoire (6,8%). Autrement dit, ce ‘’pays ami’’ ne figure pas parmi les cinq premiers clients du Sénégal. Lorsqu’il s’agit par contre des importations, l’ancien colonisateur devient le premier fournisseur (18%) devant le Nigeria (12,4%)  et la Chine (11,5%).

’’Les attentes sénégalaises sont particulièrement fortes…’’

La France est également le premier investisseur au Sénégal. L’ambassade de la France au Sénégal, à travers son site internet, revendique 78% (2,2 milliards de dollars, soit 1 441 milliards F Cfa) des investissements directs étrangers. ‘’En dépit d’un environnement des affaires encore difficile, les perspectives d’investissements sont favorables pour les entreprises françaises. Elles jouent un rôle significatif dans la vitalité économique du pays, assurant un quart (1/4) du PIB et des recettes fiscales’’, relève l’ambassade. Elles représentent 15 000 emplois, ajoute le Trésor. Il est vrai que le pays de Marianne ne s’y trompe pas. Mal en point à l’échelle européenne et internationale, la terre de Senghor lui offre un asile économique. ‘’Les attentes sénégalaises sont particulièrement fortes à l’égard d’un engagement français dans le projet prioritaire de Train express régional, pour lequel plusieurs groupements de sociétés françaises ont souligné leur intérêt’’, se félicite la direction générale du Trésor, via son site.

Même si le ‘’gendarme blanc’’ (Yoro Dia citant Pierre Messmer) n’a jamais quitté ‘’l’Afrique noire’’, il  n’en demeure pas moins qu’il était en perte de vitesse au Sénégal durant les 12 ans de Wade. Au point que la Chine, le Maroc, la Turquie et certains pays arabes avaient fini de lui grignoter une bonne part de marché. La France avait perdu beaucoup de gros contrats publics, à l’image du terminal vraquier du port de Dakar ou bien l’aéroport Blaise Diagne. Mais depuis l’arrivée de Macky Sall au pouvoir, il a été noté un retour en force de la France sur les grands chantiers de l’Etat. Les entreprises françaises ont eu la part du lion, depuis 2012. Dans tous les secteurs, le regain est ostensible. Le groupe Auchan, fraîchement débarqué, en est une parfaite illustration.

Bolloré, Eiffage, Nécrotrans, Orange, Total, Alstom, Sncf, Véolia, Auchan, Sgbs…

Le grand distributeur français ne sera certainement pas le dernier. Le mouvement a démarré avec le retour de Bolloré et l’arrivée de Nécrotrans. A Partir de 2014, avec le Plan Sénégal émergent dont les engagements de financement ont eu lieu au club de Paris, les choses se sont accélérées. L’Agence française de développement (Afd) a un total d’engagements nets de près de 800 milliards F Cfa (plus de 1,2 milliard d’euros) répartis entre 40 (source sénégalaise) et 50 (source française) projets. La société Eiffage a eu le deuxième tronçon de l’autoroute Dakar-Diamniadio, ainsi que l’exploitation de celle-ci pour une durée de 35 ans. Un consortium français composé d’Alstom, d’Engie et de Thales est attributaire d’une grande partie du Train express régional qui coûte 568 milliards, selon le gouvernement, 800 milliards, selon l’Assemblée nationale, et plus de 1 200 milliards, si l’on en croit le député et ancien inspecteur des impôts, Ousmane Sonko. Sans compter que la Snfc, qui n’arrive plus à assurer sa mission en France, devra être associée dans l’exploitation du réseau ferroviaire. Il s’y ajoute 4 avions de la compagnie Sénégal Air commandés auprès d’Airbus. Aujourd’hui, Orange est le seul opérateur à disposer de la 4G.

Selon Jeune Afrique, Veolia et ses filiales ont remporté ‘’un marché de 7,6 millions d’euros pour la construction d’une station de déferrisation d’une capacité de 40 000 m3/j visant à alimenter Dakar en eau potable’’. Ce même Véolia est aussi dans le nettoiement. Le géant pétrolier, TOTALement absent de l’exploration, a bénéficié d’un permis, une fois des gisements découverts. Avant cela, les Sénégalais, particulièrement les Dakarois, ont constaté la multiplication des stations-services de Total. C’est d’ailleurs ce contrat, octroyé dans des conditions nébuleuses, qui sont à l’origine de l’éviction-démission de l’ancien ministre de l’Energie, Thierno Alassane Sall ; et partant, de son départ du parti présidentiel. Tous ces précontrats, conventions ou protocoles ont été signés, lors de la visite officielle de Macky Sall à Paris en décembre 2016 où il a été élevé au rang de docteur honoris Causa par le Conservatoire national des arts et métiers de Paris, en plus d’interviews télévisées. Ce qui a fait dire à l’époque au journaliste, formateur et analyste politique Mame Less Camara, que l’histoire du ‘’Vieux nègre et la médaille (est) toujours d’actualité’’. ‘’Sauf que le vieux nègre a passablement rajeuni. Mais, c’est toujours la même tactique’’, ajoutait-il. Le tout assis sur un matelas financier symbolisé par la Sgbs.

Influence culturelle

D’ailleurs, c’est certainement sur le plan culturel (pour ne pas dire psychologique) que la France tire le plus son avantage. Toute la classe politique, opposition et majorité comprises, mais aussi la quasi-totalité des intellectuels ont un attachement certain pour la France. Pour avoir fait une partie de leurs études en France, beaucoup en ont fait leur seconde nation, parfois même la première. ‘’Senghor, Diouf et Wade, malgré toutes leurs différences, appartiennent à la même culture politique. C’est cette culture politique qui explique qu’après avoir été Président du Sénégal, ils retournent en France comme Pierre Messmer, le dernier gouverneur de l’Aof’’, écrit Yoro Dia dans une contribution. Or, à ce jour, il y a près de 10 000 Sénégalais dans l’enseignement supérieur français. Le legs est par conséquent déjà assuré.

Au  vu de tout ce qui précède, Paris sait qu’il est le seul et unique vainqueur de cette relation. D’où un attachement revendiqué urbi et orbi. ‘’La France entend rester ainsi aux côtés du Sénégal’’, précise son ambassade à Dakar. C’est sans doute cela que l’on appelle la fraternité. Mais si le Sénégal et la France sont des pays amis, comme on aime le répéter, il faudra admettre que l’amitié est plus que bancale. Si tant est qu’elle existe ! N’est-ce pas Charles de Gaulle ?

BABACAR WILLANE

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