Les hypothèses des psychiatres sur le profil de James Holmes
Mutique, les cheveux teints en orange à l'image du Joker -le grimaçant criminel de la série Batman-, James Holmes a comparu pour la première fois devant la justice lundi, sans dévoiler ses motivations ou sa personnalité. Cet Américain accusé d'avoir tué 12 personnes lors de la première du film consacré au célèbre héros de comics dans un cinéma d'Aurora, aux alentours de Denver, est un étudiant en neurologie de 24 ans.
Décrit par les médias américains comme un garçon à la fois brillant, passionné de sciences et solitaire, «il peut présenter le profil d'un psychotique plongé dans un délire schizophrène qui ne fait plus la différence entre le fantasme, la fiction et la réalité», selon le Dr Gérard Lopez, psychiatre et expert auprès des tribunaux (1). C'est l'hypothèse la plus vraisemblable, estime ce dernier. En France, James Holmes aurait alors de bonnes chances d'être considéré comme irresponsable.
Autre hypothèse, moins probable selon le psychiatre, le tueur peut aussi être un homme «complètement inhibé, avec une très faible estime de lui-même, persuadé que la terre entière le rejette». «Sous l'effet d'une humiliation, ce type d'homme peut faire subir aux autres ce qu'il pense subir lui-même en permanence. Il est alors capable de commettre des actes extrêmement sadiques. Les serial killers peuvent avoir ce type de personnalité.»
Mégalomane
Psychotique ou inhibé? «Les psychiatres norvégiens se sont posé exactement les mêmes questions sur le profil de tueur de Breinik», souligne Gérard Lopez.
Le Dr Roland Coutanceau, expert psychiatre et criminologue (2), penche plutôt pour la deuxième hypothèse. «Avec la tuerie d'Aurora, nous sommes dans la logique du meurtrier de masse qui détruit la vie de plusieurs êtres humains dans un espace-temps limité, rappelle-t-il. En général, ce ne sont pas des fous mais ils présentent des troubles de la personnalité avec une pathologie de l'ego qui mêle mégalomanie et paranoïa.»
Mais dans le schéma «classique» du meurtre de masse, relève le psychiatre, le suicide fait généralement parti du scénario du tueur, «comme un clap de fin». James Holmes a-t-il voulu rester vivant pour «profiter» de l'impact sur le monde de sa mise en scène hors norme? «Choisir de rester consciemment vivant, de devenir célèbre par la destructivité, cela peut aussi être le moteur de son acte», avance le psychiatre.
Plusieurs caractéristiques des meurtriers de masse seraient présentes chez le «Joker» d'Aurora. «Ce sont des sujets solitaires, au tempérament introverti, désocialisés et qui conçoivent une haine vis-à-vis du monde et des autres qui fait écho à leur propre échec social. Des caractéristiques auxquelles s'ajoutent l'égocentrisme, la mégalomanie et une tentation de se réaliser par un acte destructeur», décrit Roland Coutanceau. Ces individus, qui passent par la destruction de masse pour exister, peuvent s'identifier à un héros négatif comme le Joker. Mais cette identification n'est pas le moteur de leur passage à l'acte», conclut Roland Coutanceau.
LeFigaro