Publié le 13 May 2020 - 22:01
RAMADAN - INTERDICTION DE RASSEMBLEMENTS

Les chanteurs religieux entre résilience et nostalgie 

 

Avec l’interdiction des rassemblements due au nouveau type de coronavirus, les chanteurs religieux qui étaient les seuls maitres de la scène durant le mois de ramadan, se retrouvent, cette année, en chômage technique, au même titre que les artistes opérant dans d’autres registres musicaux. ‘’EnQuête’’ interroge les chantres musulmans Cheikh Bou Diop et Moustapha Rassoul.

 

Le mois de ramadan est, en temps normal, la période à laquelle ils multiplient les scènes, au moment où les musiciens d’autres genres sont en congé forcé. Pour les chantres musulmans, le mois béni est l’occasion de faire, sans cesse, le tour des mosquées et des Gamou ou ‘’Thiante’’, mais également de remplir plus que jamais les mythiques salles de culture. Cependant, avec la crise actuelle due à la Covid-19, rien n’est plus comme avant. Tout comme les ‘’mbalaxmen’’ et les rappeurs, les chanteurs religieux sont envoyés en chômage technique par la pandémie du coronavirus. Toutefois, les musiciens spirituels ne se plaignent pas et ne veulent surtout pas parler de ‘’manque à gagner’’. 

‘’Nous sommes des musulmans ; nous respectons la volonté divine. Nous ne programmons rien sans nous mettre en tête, au préalable, que sa tenue dépend fondamentalement de Dieu’’, a dit sur un ton solennel le chanteur de la tarikha khadriya, Cheikh Bou Diop. 

Moustapha Samb dit ‘’Moustapha Rassoul’’ abonde dans le même sens. Lui aussi s’en remet au Tout-Puissant.  ‘’On rend grâce à Dieu. Il n’arrive que ce qu’Allah décide qu’il soit. Nous qui consacrons nos envolées lyriques au Prophète Mouhamed (PSL) n’avons rien à perdre. C’est pour l’amour qu’on lui voue que nous le faisons, mais pas pour des recettes. C’est ça notre force. Moi, ce que je gagne durant les soirées religieuses, je peux l’avoir en restant chez moi. On se suffit au Tout-Puissant’’, lance M. Samb qui, pourtant, consacre tout son temps à la musique religieuse.

Il faut dire que le chant spirituel gagne du terrain au Sénégal. Ainsi, ramadan ou pas, ces chanteurs gagnaient bien leur vie. D’ailleurs, lors des dernières répartitions des droits numériques de la Société sénégalaise du droit d’auteur et de droits voisins (Sodav), ce sont les chanteurs religieux qui se sont taillé la part du lion. De plus, ils sont tellement adulés maintenant qu’ils se produisent plus souvent et dans des lieux comme le Théâtre national Daniel Sorano ou encore le Grand Théâtre. Leurs spectacles payants débordent très souvent de monde.

C’est ce qui leur permet, en quelque sorte, de pouvoir résister à la crise actuelle. Certains d’entre eux en profitent alors pour se reposer. C’est le cas de Cheikh Bou Diop. Sa derrière prestation remonte au 14 mars dernier, dans le Saloum. Il avait déjà calé ses dates pour toute l’année, avant que la Covid-19 ne vienne tout chambouler. ‘’Je n’avais même pas le temps de me reposer, car j’ai un calendrier annuel. Seulement, durant le mois béni de ramadan, c’était encore pire parce que les dates des prestations se succédaient tout le temps. En temps normale, je fais, au moins, le tour du Sénégal. Et ce depuis 20 ans. Car il y a une belle relation qui s’est nouée entre mes fans et moi’’, confie M. Diop.

Par ailleurs, Cheikh Bou Diop se félicite de l’interdiction des rassemblements par le gouvernement, pour stopper la propagation du virus. ‘’Comme les rassemblements causent la propagation du virus, nous devons tous être d’accord sur son interdiction. L’islam recommande le respect des consignes prescrites par les médecins’’, dit-il. Pour lui, les gens doivent rester chez eux, s’ils n’ont pas quelque chose d’indispensable à faire dehors. ‘’C’est comme ça qu’un patriote doit faire, parce que personne ne souhaite que ses compatriotes tombent malades. Chacun doit se protéger et protéger son prochain’’, conclut le chantre du Prophète Mohamed.

Par contre, Moustapha Samb, lui, a une autre lecture de cette situation. S’il ne se plaint pas sur le plan économique, il a une grande nostalgie de la scène. La dernière prestation de ce chanteur de l’islam remonte au 3 janvier dernier, à l’occasion de son anniversaire.  Ainsi, il est d’accord sur l’interdiction des rassemblements, mais s’insurge contre la fermeture des lieux de culte. Il faut, selon lui, trouver le moyen de rouvrir ces mosquées où l’on chante le Prophète et loue Dieu. ‘’C’est ça, dit-il, le véritable remède à tous les problèmes’’.

Pour l’heure, il croise les doigts et fait régulièrement des lives sur Instagram pour discuter avec ses fans.

BABACAR SY SEYE

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