‘’Il faut réconcilier le marigot de Mbao avec les populations’’
L’Etat n’a-t-il jamais proposé des solutions d’aménagement du marigot ?
Des études, des plans, on en a vu. Mais aujourd’hui, on veut de l’action concrète. Et dans l’urgence. Avant même qu’on ne commence à pomper les eaux au niveau de Keur Massar, il faut d’abord draguer le marigot. C’est une mesure immédiate qui ne peut pas attendre. Il faut qu’on drague le marigot, à partir de Keur Massar, pour que l’eau puisse être contenue dans le lit du marigot et qu’il n’y ait pas de dégâts collatéraux au détriment des populations qui habitent en partie sur le marigot et même celles qui sont en dehors du marigot, parce que la nappe affleure.
Visiblement, l’inondation est un fait nouveau à Mbao…
Mbao ne peut pas être une zone d’inondation. Avant, on ne connaissait pas ça, parce que les eaux, de manière naturelle, ruisselaient et partaient vers la mer. Mais aujourd’hui, le marigot de Mbao est saturé. Les populations n’ont pas besoin de nourriture, mais veulent être dans un cadre de vie normal. Ce qui est grave, c’est que les sapeurs-pompiers ne verront rien de ces 10 milliards annoncés. Où est le matériel du plan décennal ? On va encore créer une autre traite pour enrichir certains. On va faire du gré à gré et cela va être un moyen de dilapider de l’argent. Le marigot de Mbao demande sa part de ces milliards pour un aménagement. Le fait de draguer, c’est ponctuel, le temps que la saison des pluies se termine. Après, il faudra être concret et venir en concertation avec la collectivité locale.
Quelles solutions durables à mettre en œuvre ?
Il faut réconcilier le marigot de Mbao avec les populations qui le vivent comme un gros problème, alors que cela doit être une richesse. Cela, en l’aménageant, en mettant même des zones de pisciculture. C’était un endroit où on pouvait pêcher des silures et des carpes. Aujourd’hui, il est pollué à cause des eaux de ruissellement, des eaux usées qui nous viennent des ménages. Les populations de Mbao et de Keur Mbaye Fall souffrent, parce qu’il n’y a pas un réseau d’assainissement. Il y a une autre bombe à venir, à savoir les 32 000 mètres cubes d’eau prévus pour la dépollution de la baie de Hann. Nous refusons d’être les dindons de la farce. Nous refusons d’être les sacrifiés, parce qu’on ne peut pas nous apporter toutes ces eaux, sans mesure d’accompagnement. Il y a des gens qui habitent ici et qui ont un savoir endogène.
Il faut le mettre en valeur, se concerter avec les populations. Nous savons où et comment il faut ouvrir la brèche, parce qu’il ne faudrait pas que ce qui se passe à Saint-Louis se reproduise ici. Qu’on nous parle, qu’on nous associe. Mais on prend toutes les décisions, depuis là-haut, et on nous jette toutes les eaux, en nous disant : débrouillez-vous ! Mbao existe depuis 1444, avant Dakar. Mbao était le lieu de prise de décision de la communauté léboue. J’en profite pour lancer un appel au Grand Serigne de Dakar qu’on n’entend pas dans cette affaire. On demande également au maire d’être en première ligne. Mbao a des fils dignes qui comptent se battre, car ils ne peuvent pas déménager. Le port grandit et son extension a un impact sur la côte. Dans le cadre de la responsabilité sociétale de l’entreprise, que fait le port pour Mbao ? Que fait Eiffage avec son péage ? Nous sommes solidaires avec nos parents de Keur Massar, mais ça suffit. Il ne faut pas qu’on déplace le problème. On a besoin d’une solution durable, une solution structurante.
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TEMOIGNAGES DES RIVERAINS
Les attentes d’une population anxieuse
Sur toutes les lèvres, la demande est la même : le marigot a besoin d’un dragage. Sur le long terme, les habitants plaident pour son aménagement.
DAHIROU THIAM, RIVERAIN
‘’Nous voulons des preuves du ministre que des travaux ont été effectués’’
‘’La première chose que nous disons par rapport à cela, c’est qu’on aimerait bien avoir, de la part du ministre, des preuves montrant qu’effectivement des travaux ont été effectués, parce que, nous habitons ici et on n’a pas vu de travaux liés à ce type d’opération. Et de surcroît des travaux qui nécessitent un gros investissement, comme il l’a annoncé, car il a parlé de gros montants.
De plus, il y a un problème structurel qui se pose au niveau du marigot de Mbao. La preuve, il y a plusieurs collectifs qui sont nés tels que la Plateforme et le Collectif pour la sauvegarde du marigot de Mbao. Le marigot de Mbao, aujourd’hui, a besoin de travaux d’envergure, de dragage. Ce qu’on a constaté, c’est que, de plus en plus, le lit du marigot déborde, soit à cause de la mer, soit à cause du drainage des eaux pluviales de pratiquement toute cette zone dans ce marigot. Il se pose un problème de dragage, parce que le marigot déborde avec juste un peu d’eau et crée des sinistres au niveau du voisinage.
L’eau déborde de telle sorte que les riverains sont inondés, 12 mois sur 12. Face à ce problème, qui n’a pas intéressé les autorités, suite aux nombreuses interpellations des populations de Mbao, si elles veulent maintenant de façon non concertée drainer toutes les eaux pluviales des autres localités vers ce marigot-là, c’est vouloir déplacer le problème et non le régler. Nous demandons des solutions définitives. Ce n’est pas une solution concertée, mais une décision prise à la hâte, sans consulter les populations de Mbao qui, avant la pluie du weekend dernier, avaient déjà signalé qu’il y avait un problème au niveau du marigot. Nous avons dit qu’il fallait impérativement organiser le dragage, pour assurer la vie autour de ce marigot. Ensuite, il faut l’aménager pour en faire un lieu d’attraction, un lieu touristique. Il y avait un club de sport nautique qui exerçait ses activités autour du marigot, il y a quelques années.’’
BABACAR GUEYE, VICE-COORDONNATEUR DE LA PLATEFORME
‘’Le marigot fait 4 km, de Mbao à Yeumbeul’’
‘’Ce drainage n’est pas un fait nouveau. Beaucoup d’eaux pluviales et même des eaux usées sont drainées vers le marigot, depuis belle lurette. Nous sommes empathiques face à ce que vivent nos frères de Keur Massar et le marigot de Mbao est une solution ; c’est un fait. Nous ne sommes pas contre, mais nous exigeons des mesures d’accompagnement. Le marigot fait 4 km, de Mbao à Yeumbeul. Donc, naturellement, solutionne les problèmes d’inondations. Mais depuis 10 ans, il ne bénéficie pas de solutions sérieuses.
Il a atteint son trop-plein et son lit déborde au point que l’eau se déverse dans les maisons. Ce qui veut dire que si 2 000 mètres cubes d’eau sont ajoutés à ce marigot, sans mesures d’accompagnement, cela va être compliqué. L’Etat ne solutionne pas un problème, mais il le déplace. Je ne sais pas sur quoi se base le ministre pour dire que beaucoup de moyens ont été décaissés pour la gestion du marigot. C’est une chose que nous n’avons pas constatée. En réalité, aucun franc n’a été investi au niveau du marigot de Mbao. Le Collectif pour la sauvegarde de ce marigot se charge du nettoyage, chaque dimanche. Mais vous voyez qu’il y a deux bras : le grand et le petit. L’entretien du grand bras n’est plus possible, parce qu’avec les eaux usées, les choses ont dégénéré. On ne peut plus parler d’eau potable au niveau du marigot, mais plutôt d’eau usée. Nous tous avons appris à nager dans ce marigot, mais actuellement, tu n’oses même pas le traverser à pied. Il y a des maisons qui sont proches du marigot qui risquent de souffrir de la situation actuelle, s’il n’y a pas de digue de protection. Nous exigeons le dragage et l’aménagement du marigot de Mbao.’’
ANDRE COLY, RIVERAIN
‘’La brèche est en train de s’aggraver avec les fortes pluies. A l’embouchure, avant, tu traversais à pieds sec, maintenant, si tu ne sais pas nager, tu ne peux plus traverser et c’est dangereux. Un enfant qui tombe là-dans peut se noyer. Le long du marigot, tous les riverains sont inondés, depuis Mbao jusqu’à Keur Massar, Keur Mbaye Fall Kamb, parce que l’eau remonte dans les maisons via la nappe qui est pleine et ce sont tous ceux qui vivent le long du marigot qui souffrent.
Paradoxalement, il n’y a aucun accompagnement des autorités étatiques, parce que drainer toutes les eaux de Dakar dans un marigot qui a perdu une grande surface de son lit, sans mesures d’accompagnement, c’est risqué. Mbao n’a pas d’assainissement. Nous avons tout fait comme sensibilisation, mais aucune réaction jusque-là. Nous, on ne peut qu’alerter. Nous menons des activités de nettoyage pour diminuer la saleté, les moustiques, mais imaginez l’eau polluée qui entre dans les maisons, les gens qui pataugent là-bas, les maladies, les enfants. Aucune réalisation de l’Etat n’a été notée. Il n’a fait que dégager les gravats qui étaient dans le lit du marigot, parce qu’à une période, des promoteurs privés avaient mis des gravats dans le lit, en vue de vendre cet espace.’’
E. M. FAYE