‘’Nos capacités d’accueil ne nous permettent pas de respecter la distanciation sociale’’
Les écoles sénégalaises vont ouvrir leurs portes demain, dans un contexte particulier de propagation de Covid-19, même si on enregistre une tendance baissière ces deux derniers mois. Pour limiter l’expansion du virus, lors de la reprise scolaire, le ministère de la Santé et de l’Action sociale a élaboré un protocole de sécurité sanitaire bien défini. Mais, fautes d’infrastructures scolaires suffisantes, le directeur de la Formation et de la Communication du ministère de l’Education nationale reconnait que la distanciation sociale ne peut pas être respectée. Dans un entretien accordé à ‘’EnQuête’’, Mouhamadou Moustapha Diagne revient sur les défis de l’heure, à savoir l’indisponibilité de l’eau, de toilettes, de tables-bancs, etc.
Le gouvernement a annoncé un ensemble de mesures pour limiter la propagation du virus au sein de l’école. Mais, à moins de 48 heures de la rentrée, il existe des écoles qui n’ont pas reçu de matériel de prévention. Qu’est-ce qui justifie une telle situation ?
On peut considérer que 98 % du matériel est déjà sur place. D’ici les 48 heures, le matériel restant sera déposé au niveau des autres établissements du Sénégal. Le ministère a déjà pris toutes les dispositions pour tout ce qui est masques, gels, dispositifs de lavage des mains soit disponible dans les écoles.
Dans le protocole de sécurité sanitaire élaboré par le ministère de la Santé et de l’Action sociale pour la rentrée 2020-2021, il est indiqué que toute école ne disposant pas de réserves en eau suffisantes pour les besoins de ce nettoyage et du lavage des mains sera immédiatement fermée. Or, le réseau scolaire comporte encore entre 20 et 30 % d’établissements qui n’ont pas de point d’eau et de latrine. Que prévoit le ministère pour ces cas d’école ?
Les écoles qui ne disposent pas de point d’eau ne seront pas fermées comme indiqué dans le protocole. Avant la Covid-19, les populations, communautés autour des écoles s’organisaient pour apporter de l’eau dans ces écoles. Même parfois pour les écoles qui sont en ville, il peut y arriver qu’il y ait des coupures d’eau. Dans ce cas, ce sont les associations de parents d’élèves qui s’organisent pour que l’eau soit disponible dans ces établissements. Il y a aussi des écoles qui fonctionnaient sans toilettes avant la Covid. Et pendant la Covid, les dispositions spéciales ont été prises par les communautés interministérielles au niveau régional. Il y a aussi le comité interministériel chargé de la reprise, qui a pris des décisions pour que les toilettes soient disponibles au niveau des écoles.
Est-ce que cela signifie que cette équation est résolue ?
Non. En fait, on a trouvé une solution alternative. Le problème n’est pas réglé, parce que, malheureusement, beaucoup d’écoles ont été construites sans toilettes.
Il est souligné un déficit de tables-blancs, d’enseignants, etc., dans certains établissements scolaires…
Oui, mais il y a plus de 1 000 professeurs en formation qui vont sortir en fin décembre, début janvier. Il y a également 1 975 élèves-maîtres qui seront affectés pendant cette semaine. Donc, la plupart des gaps seront comblés. Pour le reste, les inspections d’académie, les inspections d’éducation et de la formation (IEF) prendront les dispositions pour que les cours soient assurés dans les classes.
Et qu’en est-il de la disponibilité des tables-bancs ?
C’est vrai que nous avons un vrai déficit, mais, normalement, nous prévoyons de livrer plus de 300 mille tables-bancs. Chaque année, il y a des écoles qui réparent leurs tables-bancs. Il y a aussi les collectivités territoriales, les maires, les conseils départementaux qui mettent à leur disposition des tables-bancs. Même si nous ne résorbons pas ce gap-là, nous pourrons livrer assez de tables-bancs qui permettront de faire les cours normalement.
Le protocole de sécurité sanitaire exige le port du masque obligatoire pour tous les élèves, excepté ceux du préscolaire. Existe-t-il des dispositifs spéciaux pour les élèves souffrant de maladies respiratoires ?
C’est vrai que le port du masque est obligatoire. Maintenant, pour les élèves souffrant de maladies respiratoires, ils se sont débrouillés, pendant la Covid, pour porter leur masque ou le gérer. Ce sont des élèves qui ne pourront pas porter régulièrement le masque. Il y aura donc de la souplesse pour les cas-là. Même l’enseignant, on lui permet de ne pas porter de masque, lorsqu’il reste dans la distanciation sociale. Il faut, de façon intelligente, gérer le port du masque.
Pour la distanciation sociale, les acteurs pensent que c’est quasi impossible, vu les effectifs qu’on retrouve naturellement dans les salles de classe. Est-ce une mesure pertinente dans le contexte scolaire sénégalais ?
Il faut regarder la réalité en face. Dans les bus, les transports en commun et même dans les avions, il n’y a pas de distanciation physique. C’est impossible. La surcharge a recommencé dans les transports publics. Donc, à l’école, si tous les élèves portent leur masque, on peut admettre qu’ils s’assoient à deux ou trois par table-banc. En plus, les mêmes élèves sont allés au Magal, Gamou. En venant à l’école, ils prennent les bus, les ‘’Ndiaga Ndiaye’’, et là, il n’y a pas de distanciation sociale. Nos capacités d’accueil ne nous permettent pas de respecter la distanciation sociale, comme nous l’avions fait pendant la période de reprise pour les classes d’examen, avec 555 000 élèves. Mais si on peut admettre dans les écoles 4 millions d’élèves, on ne pourrait pas procéder de la même manière. Le protocole prend en compte le fait que les cas sont en train de baisser drastiquement. Donc, il n’y a plus de distanciation physique.
Alors pourquoi devrait-on le faire dans la classe, si on sait que ce n’est pas possible. Maintenant, il est recommandé, tant que c’est possible, de s’assoir à deux par table.
Il y a certes des baisses de cas, mais les spécialistes de santé prévoient une éventuelle 2e vague, à l’instar des autres pays du monde. Est-ce qu’il n’est pas risqué, dans ce cas, de ne pas respecter la distanciation physique ? Et si cela arrive, qu’est-ce qui est prévu ?
Ce sont des décisions qui relèvent généralement du président de la République, qui apprécie en fonction de la situation. Nous espérons que cette deuxième vague ne va pas arriver. On avait dit qu’il y aurait des millions de morts en Afrique. Ce qui n’a pas été le cas.
Le protocole reste muet sur le nombre d’élèves à accepter dans une classe. Est-ce que c’est au ministère de l’Education de délimiter le nombre ?
Non, le ministère ne donne pas d’effectifs pour les salles de classe. Chaque école gère ses effectifs en fonction des classes physiques. Le ministère ne peut pas donner des effectifs, parce que les écoles n’ont pas la même configuration. C’est de la responsabilité des directeurs et chefs d’établissement.
Pour que les écoles puissent respecter les mesures édictées dans le protocole sanitaire, notamment le service de nettoiement, les gels de mains, est-ce qu’il y a un budget additionnel mis à leur disposition ?
Ceci, c’est déjà dans les écoles. Parce que sans Covid, les écoles sont nettoyées. La désinfection est faite par le ministère et les collectivités territoriales. Les écoles sont désherbées et nettoyées pour permettre que les enseignements puissent se dérouler dans de bonnes conditions. Souvent, il y a des femmes en charge du nettoiement qui sont employées dans les écoles. Sans compter que, parfois, les élèves sont mis à contribution pour participer à la propriété de leur établissement.
Peut-on savoir le montant du budget qui a été dégagé pour les préparatifs de la rentrée, cette année ?
En vérité, on ne peut pas dire que le budget est de tel montant. Cela dépend de l’évolution de la situation. Pour le moment, nous achetons du matériel pour aider les établissements. Si, en cours d’année, il faut faire d’autres actions, le ministère n’hésitera pas à mettre la main à la poche pour y participer. Mais il ne faut pas oublier que l’éducation est aussi une compétence partagée avec les collectivités territoriales. Mais également, il y a une part du budget qui est transférée aux collectivités locales pour faire face à des charges de l’éducation.
Donc, pour le moment, il n’y a pas de chiffres disponibles sur la somme décaissée pour les besoins de la rentrée ?
On n’a pas encore de chiffres.
Il y a aussi les syndicats d’enseignants qui menacent de perturber l’année, si tous les accords signés ne sont pas respectés…
Mais les accords sont respectés ! Peut-être les enseignants ne sont pas satisfaits. Mais, aujourd’hui, sur la question de la formation, tous les titulaires de diplômes spéciaux ont été formés. Les maîtres d’éducation physique sont en train d’être formés. Là, c’est un accord qui est respecté. L’indemnité de logement est passée de 60 000 à 100 000 F CFA. Il y a des titres de propriété qui ont été délivrés à des enseignants qui ont construit des maisons. Il y a certaines lenteurs administratives qui persistent, mais des efforts ont été faits.
Où en est le Projet d’appui à la réforme des curricula ?
Nous y sommes. Maintenant, l’Inspection générale de l’éducation et de la formation est en train de travailler les réajustements du programme, pour voir quelles sont les compétences potentielles qu’il faut vider pour chaque niveau, pour alléger les programmes de façon qualitative, à telle enseigne que les enfants n’auront pas de problème de surcharge de leçons.
MARIAMA DIEME