Publié le 2 Feb 2021 - 05:40
VACCINS ET NOUVEAUX VARIANTS DE COVID-19

Le doute s’installe

 

Les nouveaux variants de Covid-19 inquiètent le monde, au point de susciter des doutes sur l’efficacité des vaccins. Les spécificités de chaque type donnent un peu une idée sur ce qui attend les autorités.

 

Après le variant anglais du coronavirus, des variants sud-africain et brésilien ont été identifiés. Ils sont le résultat du processus naturel de mutation qui permet au virus d'évoluer et de mieux se propager. En accumulant des mutations, le coronavirus concerné peut obtenir un avantage évolutif, comme la capacité à se propager plus efficacement sur les autres virus. C'est ce qui s'est passé avec la souche originelle, au début de la pandémie, qui est devenue le variant dominant en Europe, au détriment de la souche initialement présente à Wuhan. La même situation se passe encore actuellement, avec l'apparition des variants anglais, sud-africain et brésilien/japonais.

Jeudi dernier, lors de la communication du point du jour, le professeur Souleymane Mboup a ravivé les inquiétudes sur la propagation du variant britannique, en déclarant qu'il était désormais présent au Sénégal. Une déclaration qui a poussé ‘’EnQuête’’ à s’intéresser aux particularités de ces variants.

En effet, bien qu'il partage certaines mutations communes avec le variant anglais, le variant sud-africain n'est pas issu de la même lignée. Il forme sa propre branche, appelée B.1.351.  Ces deux variants, révèle le professeur Barka Diop, chercheur à l’université Assane Seck de Ziguinchor, sont très différents.  Ils n’ont pas, dit-il, la même contagiosité et ne présentent pas les mêmes signes. Après un long mois d’incertitudes, le nouveau variant du coronavirus SARS-CoV-2 commence à dévoiler ses secrets.

Repéré d’abord en Angleterre, puis dans plusieurs pays européens, ce variant semble bien plus contagieux que la version ‘’traditionnelle’’ du virus, notamment chez les mineurs. ‘’Pour le moment, nous ne savions pas jusqu’où sa virulence pouvait nous conduire. C’est-à-dire sur sa capacité à entraîner des formes graves de la maladie Covid-19. Mais des études ont montré qu’il a un degré plus élevé de mortalité’’, confie le Pr. Diop.

De l’avis de ce biologiste, un début de réponse a été publié, le 28 décembre 2020, par l’Institut anglais de santé publique (PHE : Public Health England). Selon leur étude réalisée avec l’Imperial College de Londres, les universités de Birmingham et d’Édimbourg, et l’institut Wellcome Sanger, ce variant causerait davantage d’hospitalisations et de décès. Par conséquent, il est classé dans un cluster phylogénétique appelé B.1.1.7.

De son côté, le directeur de la Prévention, Docteur Mamadou Ndiaye, souligne que trois études avaient déjà montré que ce variant est environ 50 % plus contagieux que la souche ‘’normale’’ et plus mortelle. Ce résultat est confirmé par l’étude du PHE.  ‘’Les personnes infectées avaient une plus grande probabilité de faire partie d’un cluster (63,5 % contre 56). Les cas contacts des patients avec le variant étaient plus souvent infectés à leur tour (15,1 % contre 9,8 %). Ce variant est bien plus efficace pour infecter des nouveaux hôtes, accélérant la propagation du virus. Ce qui entraînera une augmentation des hospitalisations et des décès. Certains scientifiques parlent de 50 % de taux de létalité, d’autres de 70 %, c’est-à-dire quatre fois plus mortel. De quoi prendre très au sérieux cette nouvelle souche’’, avertit le préventionniste.

Variant sud-africain plus toxique que le variant anglais

Concernant le diagnostic de l'infection, le Pr. Diop souligne que le nouveau variant pourrait échapper à certaines techniques RT-PCR, à cause de la délétion présente dans la partie N-terminale. Car, selon le biologiste, certaines réactions en chaine par polymérase (PCR) recherchent spécifiquement le gène de la protéine S pour diagnostiquer l’infection, parmi d’autres gènes préconisés par l'OMS. ‘’Des études menées par le même groupe suggèrent que la suppression rend les anticorps du sang des survivants moins efficaces pour attaquer le virus’’.

Après le variant anglais, c'est le variant dit sud-africain de la Covid-19 qui inquiète davantage les chercheurs. Ce nouveau variant du coronavirus, aussi appelé 501Y.V2, repéré pour la première fois dans la région de Nelson Mandela Bay, est probablement encore un peu plus toxique que le virus anglais. Du moins, selon les mots du président du Conseil scientifique français, Jean-François Delfraissy. Avec ces nouvelles mutations, l’équipe de recherche du KRISP craint une transmission plus accrue chez l’humain ou encore un changement dans la réaction immunitaire.

‘’Ce variant est très contagieux, très toxique. Des études à son sujet ainsi que nos données collectées en Afrique du Sud montrent que cela augmente la contagiosité de cette variante. Il est très dangereux et plus que les deux autres’’, soutient le directeur général de l’OMS.

Une source précise également que des réinfections à la Covid-19 sont très probables, avec ce variant sud-africain. Et que le système immunitaire naturel rencontre plus de difficultés pour le combattre.

Néanmoins, aucune autre spécificité n’a été détectée. ‘’Nous n’avons pas vu d’autres spécificités en termes de symptômes et de personnes infectées. Nous saurons cela plus tard, quand l’épidémie évoluera. Cette nouvelle souche pourrait peut-être échapper en partie aux vaccins’’, soutient notre source.

En outre, l’Organisation mondiale de la santé confirme qu’une mutation sur ce variant pourrait renforcer la résistance aux anticorps et entraîner un plus grand risque de réinfection. Il a une mutation située sur la protéine Spike, une pointe permettant de pénétrer dans les cellules et d’infecter les humains. C’est cette mutation qui fait que le virus échappe davantage aux anticorps. Une sorte d’évasion immunitaire qui pose question sur l’efficacité future des vaccins.

Les scientifiques sud-africains affirment qu’il y a une préoccupation raisonnable que le nouveau variant de Covid-19 qui se répand dans le pays puisse s'avérer plus résistant aux vaccins actuellement en cours de déploiement au Royaume-Uni et ailleurs. Ils avertissent qu’il rend le besoin d'un déploiement mondial des vaccins ‘’encore plus critique’’.

‘’L’efficacité des vaccins ne devrait pas être altérée par ces variants’’

A ce niveau, la question de l'efficacité du vaccin Pfizer-BioNTech, actuellement administré dans plusieurs pays, va se poser. A en croire le Pr. Barka Diop, on ne sait pas jusqu’à présent si les anticorps issus de la vaccination seront capables de reconnaître la protéine S modifiée. Pour le moment, dit-il, il n'y a aucune donnée pour répondre à cette question. Mais selon l’European Center for Disease Prévention (l'ECDC), des analyses sont en cours pour caractériser les antigènes spécifiques au nouveau variant. Avant d’informer que Pfizer-BioN.Tech teste d'ores et déjà l'efficacité de son vaccin sur le nouveau variant.

Toutefois, il soutient que la technologie à ARN messager permet à la firme pharmaceutique d'adapter son vaccin, en seulement six semaines.

Par ailleurs, une source scientifique indique que l'inquiétude vient du fait que le virus a muté bien plus que la variante britannique, et que l'une de ces mutations pourrait signifier qu'il peut échapper à l'attaque des anticorps qui combattent normalement le coronavirus. Mais renseigne notre interlocuteur, les vaccins apprennent à l'organisme à monter une réponse immunitaire qui comprend la création d'anticorps pour combattre le coronavirus, si jamais il le rencontre. 

‘’Les anticorps sont de petites protéines fabriquées par le système immunitaire qui se collent à la surface des virus, les rendant ainsi inopérants. Si cette capacité de connexion est affaiblie, les anticorps créés, suite à l'introduction d'un vaccin, pourraient ne pas être aussi efficaces. De plus, l’efficacité des vaccins ne devrait pas être altérée par ces variants. Les vaccins ont un plus grand répertoire d’actions que le système immunitaire nature. Donc, on pense que les vaccins vont marcher, on regardera les données, mais tout porte à le croire", assure-t-il.

A son avis, les vaccins entraînent le système immunitaire à attaquer plusieurs parties différentes du virus. Donc, même si une partie du pic a muté, les vaccins devraient encore fonctionner. ‘’Mais si nous laissons le virus ajouter d'autres mutations, alors vous commencez à vous inquiéter. Ce virus est potentiellement sur une voie d'évasion des vaccins. Il a fait les premiers pas dans cette direction. L'évasion du vaccin se produit lorsque le virus se transforme de telle sorte qu'il esquive le plein effet du vaccin et continue à infecter les gens. C'est peut-être l'élément le plus inquiétant de ce qui se passe avec le virus. Cela nous mettrait dans une position similaire à celle de la grippe, où les vaccins doivent être régulièrement mis à jour’’, prévient-il.

Par ailleurs, un autre scientifique soutient que ces variants sont les derniers à montrer que le virus continue de s'adapter, à mesure qu'il infecte de plus en plus de personnes. ‘’Le virus sera probablement capable de générer des mutants d'évasion de vaccin. Il est peu probable que la mutation en Afrique du Sud rende les vaccins actuels inutiles. Mais elle pourrait affaiblir l'impact. Heureusement, si d'autres modifications du vaccin devaient être nécessaires pour répondre aux nouveaux variants, certaines des technologies vaccinales en cours de développement pourraient relativement permettre de le faire rapidement.  En tout cas, les trois principaux vaccins développent tous une réponse immunitaire contre le pic actuel. C'est pourquoi la question se pose’’, renseigne notre source.

De l’avis du directeur de la Prévention, Docteur Mamadou Ndiaye, l'inquiétude suscitée par les mutations devrait renforcer la pression mondiale en faveur d'un déploiement rapide des vaccins dans le monde entier et pas seulement dans les pays les plus riches. 

VIVIANE DIATTA

Section: