Dans l’antre des ‘’djinns’’ et des ‘’rabs’’
Malgré le temps qui passe, le ‘’ndeup’’ continue de garder une place capitale dans l’univers des Lébous de Rufisque. Thérapie indispensable pour certains membres de cette communauté, ce rite permettrait également, selon ses adeptes, de prémunir le pays contre certains dangers.
Une ville en transe. De Thiawlène à Ndeppé, ‘’antre’’ du génie Mame Coumba Lamb, en passant par Mérina, Keury Kao et Keury Suuf, partout, c’est l’effervescence. A l’appel du ‘’ndeup’’ (séance d’exorcisation), les Lébous et de simples curieux surgissent de nulle part pour assister au spectacle riche en couleurs.
Centre culturel Maurice Guèye. Il est presque 16 h. Une jeune dame, possédée, s’écroule, roule sur le sol, avant d’être vite maitrisée par les autres marcheurs. Secourue par les femmes communément appelées ‘’ndeupkat’’ (soignants), elle retrouve son calme, mais continue de pleurer à chaudes larmes, sous le battement des tams-tams et des notes assez spéciales distillées par des chanteurs d’un autre genre. Une scène assez étrange que tente d’expliquer le lamane de Rufisque (gestionnaire des terres dans la communauté léboue), Maguette Wane. ‘’Chaque personne, dit-il, a son génie. Et si on le chante, la personne tombe en transe. Cet état se manifeste de différentes manières, selon les individus. Pour certains, ils peuvent boire une bassine d’eau sans s’en rendre compte ; d’autres vont mâcher des pièces de monnaie. Il y en a même qui vont parler des langues qu’ils n’ont jamais apprises’’.
Pendant ce temps, Rufisque continue de vibrer au rythme du ‘’Jelel jelel, bula neexee jelel’’, que chante la foule en chœur, s’adressant directement à l’absente la plus présente, Mame Coumba Lamb, ‘’le génie de tous les génies sur mer’’, d’après les Rufisquois. Littéralement, cela donne : ‘’Prenez… Tout ça vous appartient.’’ Chantant, paradant dans les rues de la vieille ville, ils versent des quantités énormes d’eau sur les artères pour implorer la paix sur Rufisque et tout le Sénégal. Une ambiance carnavalesque, qui fait jaillir plus d’un, sous le rythme endiablé des tams-tams.
Tambour major du groupe Coumba Lamb, Ousmane Diouf revient sur la spécificité de la cérémonie. ‘’Le ‘ndeup’, dit-il, est spécial. Chaque rythme que nous jouons est dédié à un génie. Parmi lesquels il y a Ndiaré, qui est une fille de Mame Coumba Lamb, basée à Yoff Leuk Daour (Dakar), Maa Touly (Bargny)… Tous sont de la même famille. Coumba Lamb est soit leur mère, soit leur grand-mère, soit leur sœur. Jusqu’à Coumba Castel à Saint-Louis qui est une émanation de Mame Coumba Lamb. Et dès qu’on chante votre génie, vous réagissez forcément’’.
Pour le griot, le ‘’ndeup’’ a certes un peu perdu de sa superbe. Mais cela n’enlève en rien sa valeur pour la communauté léboue. Il fut des temps, renseigne-t-il, c’était un évènement extraordinaire ; il y avait même des gens qui venaient des Etats-Unis pour suivre ça. La quarantaine, Ousmane de lancer un appel pour la sauvegarde de cet héritage : ‘’Il est fondamental, pour nous, de nous occuper de nos us et coutumes. Mais certains ont peur de venir, pour ne pas tomber en transe. D’autres, parce qu’ils connaissent leur sensibilité et savent qu’ils ne résisteraient pas au rythme. Mais ils sont dans l’erreur. Cela peut fâcher leurs djinns et c’est ce qui leur apporte des malheurs ou même parfois les mène vers la folie’’.
Les vertus thérapeutiques du ‘’ndeup’’
Dans la famille de Mame Fatou Seck, il est hors de question de négliger cet héritage. Chaque année, sur près de 10 jours, est organisé le grand ‘’ndeup’’ de Rufisque et Bargny pour faire plaisir à la grand-mère protectrice, Mame Coumba Lamb, ainsi que toute sa grande famille. Ce dimanche-là, dix bœufs ont ‘’marché’’, de Thiawlène à la plage où ils doivent être sacrifiés, avec des hommes et femmes à l’accoutrement bizarre, sous les yeux d’un public hystérique.
Dans sa tunique traditionnelle blanche, Assane revient sur le sens de leurs nombreuses incantations. ‘’Par nos chants, explique-t-il, on s’adresse directement à Coumba Lamb. On lui fait part des difficultés que traverse le pays, de nos souhaits et elle nous entend. On la supplie de venir au secours de ses petits-enfants que nous sommes’’.
A Ndeppé, c’est l’apothéose. Ici, doit avoir lieu une bonne partie du rituel. Sous la supervision des gardiennes du temple, les ‘’ndeupkat’’ se chargent de soigner les malades. Assis sur les bœufs attachés et allongés sur le sol, les patients sont recouverts de tissu blanc en percale, de la tête jusqu’aux pieds. Aucune partie de leur corps n’est visible. Maman Aita Diop explique : ‘’Ils sont sous l’emprise des ‘rabs’. Grâce à ce cérémonial, nous allons les libérer et ils pourront retrouver tous leurs esprits, grâce à Dieu. Sans cela, ils ne pourront avoir la paix.’’
Quelques instants plus tôt, des participants, hommes et femmes, enjambaient, voile sur la tête, les bêtes restées cloitrées au sol pendant un bon moment, moyennant la somme de 1 000 F. ‘’Nous faisons ce rituel du bœuf trois fois. Et avant de le faire, nous faisons des souhaits qui seront exaucés’’, explique Aida Diop, la trentaine, après avoir accompli le rituel.
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Un pacte vieux de plusieurs siècles
Gardienne du temple de Mame Coumba Lamb, la défunte Mame Fatou Seck a donné au ‘’ndeup’’ ses lettres de noblesse, en l’exportant jusqu’aux Etats-Unis. Elle peut compter sur ses descendants, pour perpétuer cette pratique de laquelle dépendraient la paix et la stabilité du pays, pour certains Lébous.
Sous la direction d’Adja Seynabou Diagne et d’Aita Diop, Rufisque a communié pendant près de 10 jours avec sa grand-mère, son génie protecteur, Mame Coumba Lamb, ‘’la mère de tous les génies’’ régnant sur mer au Sénégal, de Gorée où trône Coumba Castel, à Saint-Louis où se trouve Coumba Bang, en passant par Kaolack avec Mbossé Coumba Jigen. D’après Adja Aita Diop, fille de Mame Fatou Seck, tous ces génies sont des émanations de Coumba Lamb. Elle affirme avec force : ‘’Mame Coumba Lamb, après avoir établi sa base à Rufisque, s’est démultipliée au cours de ses voyages. Ainsi, à Gorée, elle s’est fait appeler Coumba Castel ; à Saint-Louis, elle s’est présentée comme Coumba Bang ; à Kaolack, elle a pris le nom de Mbossé Coumba Jigen… Partout où elle va, elle change de nom avant de s’y implanter.’’
Entre Rufisque et Mame Coumba Lamb, l’histoire date de très longtemps. Selon la légende, tout a commencé avec Mame Sakhéwar Mbaye, guerrier lébou originaire du Djolof, et Mame Djirama Ndoye qui ont longtemps bourlingué avant de déposer leurs baluchons à Rufisque, plus précisément à Ndunkou, devenu le premier des 14 ‘’Pencs’’ de la ville, après avoir transité par Kounoune (département de Rufisque).
‘’Quand nos grands-parents ont décidé de venir s’implanter à Rufisque, plus exactement là où se trouve le phare actuel (dans l’ancienne maison de Crémier, fondateur de la Sococim), personne n’osait s’y aventurer. Une fois sur les lieux, ils ont commencé l’abattage des arbres. C’est ainsi qu’un djinn est apparu pour leur demander qui leur a donné une telle autorisation ? Avec tout leur sang-froid, ils lui ont dit qu’ils étaient juste en train de couper des arbres, parce qu’ils veulent habiter dans un coin tranquille. Le djinn, qui n’était autre que Mame Coumba Lamb, leur en donna l’autorisation et ils ont scellé un pacte’’, rapporte la légende.
Aux origines du ‘’ndeup’’
Pour ce qui est du passé plus récent, il est donné les noms de Mame Birame Ndao Mbengue de Thiokhoy Guethie, puis Mbory Guèye, mais surtout Mame Fatou Seck et sa descendance. Ce qui est certain, c’est que c’est bien cette dernière qui a donné au ‘’ndeup’’ rufisquois tout son prestige, en l’exportant jusqu’aux Etats-Unis.
Sa fille Aita Diop explique : ‘’Quand ma mère était enceinte, elle a été possédée par les ‘rabs’ (forces mystiques invisibles) qui menaçaient de la tuer, si on ne sacrifiait pas un bœuf. Les génies lui faisaient délirer et répéter leurs exigences. Le lendemain, elle ne se souvenait plus de rien. Mais mon grand-père a fait le sacrifice et sa vie a été sauvée. Depuis lors, on fait cette cérémonie annuelle.’’
Guérie, Mame Fatou Seck finit par devenir la dépositaire du legs des ancêtres, la gardienne du temple de Mame Coumba Lamb Ndoye. A Rufisque, sa famille est la seule habilitée à organiser le ‘’ndeup’’, à communiquer avec le génie de la ville. Son héritière Adja Seynabou dit ‘’Yaye Leuk’’ revient sur ses rapports privilégiés avec le djinn. ‘’En venant ici, dit-elle, je parlais avec Mame Coumba. Je lui parle et elle me parle. Je sais ce qu’elle veut qu’on fasse et ce qu’elle ne veut pas qu’on fasse. On se parle tout le temps. Elle me témoignait toute sa joie et sa satisfaction’’.
Entre Yaye Leuk, les génies et Mame Coumba Lamb, c’est une longue histoire qui date de sa tendre enfance. Agée de plus de 90 ans, elle raconte : ‘’Quand j’étais enfant, les génies m’avaient enlevée et m’ont emmenée à Sangamar (un lieu qui se trouve en haute mer). C’est grâce à Maman Fatou Seck et son ‘ndeup’ que les génies m’ont retournée à ma famille. Depuis, j’ai été adoptée par ma maman Fatou Seck qui m’a couvée, m’a protégée. Personne n’a jamais osé toucher à un seul de mes cheveux.’’ Aujourd’hui, la fille adoptive, également nièce de la gardienne du temple, tient l’héritage des ancêtres entre ses mains.
Son binôme, Aita Diop (fille de Mame Fatou Seck) tient également plus que tout à perpétuer cette vieille tradition léboue. Le ‘’ndeup’’, soutient-elle, permet de protéger non seulement la progéniture, mais aussi Rufisque et le Sénégal tout entier. ‘’Vous avez vu que nous avons sacrifié 10 bœufs. Ce sang que nous versons sert à préserver des vies humaines. Cela peut nous préserver de toutes sortes de malheurs. C’est aussi pour implorer nos ancêtres, afin qu’ils nous apportent la prospérité, la paix et la santé. Nous donnons aussi aux ancêtres du mil, du lait caillé, des œufs et toutes sortes d’offrandes. C’est pour qu’ils soient contents. Ainsi, nous ne nous en porterons que mieux’’.
Ces rescapés devenus serviteurs des djinns
Selon nos interlocuteurs, rien ne peut se faire à Rufisque sans le consentement du génie protecteur. Le premier maire de Rufisque, Maurice Guèye, l’avait bien compris, fait-on remarquer. Chaque année, il donnait au moins un bœuf pour sa participation au ‘’ndeup’’ annuel ; ce qui l’aura épargné de bien des complots de ses ennemis politiques et de régner pendant longtemps à la tête de la mairie de Rufisque, arguent les Lébous.
Chaque année, à l’occasion du ‘’ndeup’’, des gens viennent de partout pour se faire soigner. Beaucoup, selon Adja Aita, en repartent satisfaits. Elle affirme : ‘’Nous soignons beaucoup de monde, grâce à ce savoir. Nos ancêtres se soignaient comme ça. Nous, nous continuons à nous soigner avec les mêmes méthodes. Et les résultats ne sont plus à démontrer. Nous sommes allés jusqu’aux Etats-Unis pour soigner des gens.’’
Parmi ces guéris du ‘’ndeup’’, il y a Assane Guèye devenu chanteur. Selon ce dernier, il y a des maladies qui ne se guérissent pas par l’hôpital. A 10 ans, confie-t-il, sa vie a failli être bousillée par les djinns. Il témoigne : ‘’Je ne restais jamais chez moi ; la rue était ma demeure ; mes parents me cherchaient partout. J’avais perdu toute capacité de discernement. Un jour, les djinns m’ont montré en rêve celle qui devait me soigner. Elle s’appelle Sokhna Awa Diop et habite Santhiaba Ndiobène. Et c’est ainsi que j’ai pu recouvrer la raison. Ceux qui pensent que le ‘ndeup’ ne soigne pas sont juste des égarés.’’
Embouchant la même trompette, Maguette Wane, le lamane de Rufisque, déclare : ‘’Elles sont nombreuses, les personnes qui étaient malades et qui ont été soignées grâce au ‘tuur’. Cette cérémonie, nous la faisons non pas pour les Rufisquois seulement, mais pour tout le Sénégal. Nous faisons des sacrifices en faveur du ‘propriétaire’ de la ville, pour demander la guérison des malades, le retour définitif de la paix, mais aussi la prospérité’’, plaide-t-il non sans préciser : ‘’Nous sommes tous des petits-enfants de Mame Coumba Lamb. C’est pourquoi nous la tenons informée de tout ce que nous faisons’’.
Qui est Mame Coumba Lamb ?
Mais qui est donc ce génie qui veille sur la vieille ville et quel genre de relation entretient-elle avec ses populations ? Selon ses héritiers, Mame Coumba Lamb est avant tout la ‘’propriétaire’’ de Rufisque, celle sans qui aucun projet ne saurait prospérer dans la ville. Elle aurait des enfants jumeaux appelés Sang ou Jean et Paul. Contrairement à leur maman, ces derniers se caractériseraient par leur méchanceté. ‘’Heureusement, il y a Mame Coumba qui les surveille comme du lait sur le feu, pour qu’ils ne fassent pas de dégâts. Parfois, quand ces derniers veulent s’en prendre à quelqu’un, elle sort de son refuge pour venir à la rescousse de la probable victime. Elle prend alors la forme d’un humain pour venir l’accompagner et lui conseiller d’éviter de sortir la nuit’’, affirme Adja Aita Diop, non sans préciser que Mame Coumba aurait également des frères dont Mame Massamba Ndoye et Mame Touly.
MANSOUR NGOM, RESPONSABLE DANS LE COMITE D’ORGANISATION Petit-fils de la gardienne du temple Mame Fatou Seck, marabout très connu entre Rufisque et Kounoune, Mansour Ngom apporte des éclairages. Est-ce vrai que le ‘’ndeup’’ a des vertus thérapeutiques ? Effectivement ! Le ‘’ndeup’’ entre dans le cadre de la médecine traditionnelle, mais avec une bonne dose de spiritualité. Il faut savoir qu’il y a, parmi les djinns, des bons et des mauvais. Toutes ces deux catégories peuvent parvenir à nous habiter. Cela peut arriver de différentes manières. Parfois, le djinn vous voit et tombe sous votre charme ; parfois, il vous habite parce que vous l’avez offensé, soit en lui jetant de l’eau chaude par exemple, soit en venant occuper son espace sans autorisation. C’est pourquoi, même la religion recommande aux gens de faire certaines prières avant d’habiter sur un lieu. Ce sont les djinns, les mauvais, qui font qu’une personne peut avoir des difficultés dans son travail, dans son ménage, sa santé, ses revenus ou différents autres problèmes. Parfois même, ils vous rendent fous et si vous ne vous soignez pas, ils peuvent vous tuer. Maintenant, il faut les canaliser pour qu’ils ne fassent pas de dégâts. Et pour ceux qu’ils ont déjà possédés, il faut les soigner. Selon les cas, il y a des prescriptions bien spécifiques. Que répondez-vous à ceux qui doutent de l’efficacité de cette thérapie ? Je pense que le ‘’ndeup’’ a suffisamment fait ses preuves. Les exemples ne manquent pas. Il y a des malades mentaux que l’on a récupérés grâce à cette pratique. Pour ceux qui n’y croient pas, ils n’ont qu’à venir au niveau de ‘’l’hôpital’’. Ils verront de leurs propres yeux. C’est comme dans les établissements de santé. On permet à des déficients mentaux de retrouver leurs esprits et de retourner auprès de leurs familles. Nous soignons aussi des gens, hommes comme femmes, qui ont du mal à trouver l’âme sœur, à cause des ‘’rabs’’. C’est à cause des mauvais djinns que vous verrez des personnes âgées qui peinent à se marier, alors qu’elles font tout pour trouver un conjoint. Parfois, quand elles parviennent à se soigner, les djinns vont faire de sorte qu’elles aient du mal à avoir des enfants. Il y a aussi des ‘’rabs ceddos’’ qui vont boire de votre sang et vous rendent malades. D’où l’importance des offrandes que nous recommandons aux malades. Lesquelles, il faut le souligner, nous sont dictées par les djinns eux-mêmes. Maintenant, il faut aussi noter qu’il y a des rabs musulmans et pour les maladies causées par ces derniers, on les soigne grâce aux versets coraniques. Quelles sont les méthodes utilisées pour soigner les malades ? Il y a différentes manières de soigner les malades. Pour certains, il faut leur faire le ‘’ndeup’’. Pour d’autres, il faut faire le ‘’samp’’ au niveau des ‘’tuurs’’ et des ‘’khambs’’. C’est cela qui canalise le djinn et lui fixe des limites. Quand la personne tombe malade, on va trouver le djinn là où il se trouve et on lui fait savoir que c’est lui qui a possédé untel, qu’il faut qu’il le libère. Nous parlons avec lui et il nous dit comment soigner le malade. On sort des offrandes non pas pour le djinn, mais pour que le bon Dieu nous aide à guérir la personne alitée. C’est cela l’objet du ‘’ndeup’’. Quand on voit le malade, le djinn nous dit ce qu’il faut faire pour le libérer à travers des offrandes. Tantôt, c’est des poulets à sacrifier, tantôt, des chèvres ou des moutons. Quand c’est grave, ils peuvent demander un ou des bœufs ou même un ‘’ndeup’’ sur 10 jours. Chaque patient requiert une thérapie spécifique. Que peut-il arriver aux gens, surtout aux Lébous qui ne croient pas au ‘’ndeup’’ ? Il faut distinguer trois cas de figure : ceux qui ne respectent pas le ‘’ndeup’’ ; ceux qui n’y croient pas ou le contestent et enfin ceux qui ont peur d’assister aux cérémonies. Pour ces derniers, nous leur montrons qu’il n’y a aucun danger. Pour ceux qui ne respectent pas, cela peut se répercuter sur leur santé. S’ils sont des célibataires, ils peuvent avoir des difficultés à se marier. S’ils sont déjà mariés, ils peuvent avoir des difficultés à avoir des enfants. Cela peut aussi se manifester par un échec de toutes leurs initiatives, parce qu’ils ne s’occupent pas de leurs ‘’rabs’’. A côté de ces deux catégories, il y a une troisième qui pense que ce que nous faisons n’est pas conforme à la religion. C’est parce qu’ils pensent que nous vénérons ces djinns. Mais il n’en est rien. Tout ce que nous faisons est conforme à la religion. Nous donnons en offrande des bêtes que la religion autorise et nous implorons le Tout-Puissant pour qu’Il nous aide à ce que le djinn fasse ce qu’on lui demande de faire. Dans tous les cas, il faut éviter de fâcher les djinns, parce qu’ils peuvent organiser des représailles. Certains l’ont appris à leurs dépens. Pourquoi l’équipe nationale du Sénégal ne gagne pas… Pour les Lébous de Rufisque, toutes ces violences, ces accidents et épidémies, c’est parce que les hommes ont tendance à déranger les djinns jusque dans leurs lieux de refuge. A Rufisque, les ancêtres ont su conclure un pacte de non-agression avec les maitres de céans, représentés par le génie Mame Coumba Lamb. ‘’Les ancêtres ont non seulement protégé la ville, mais aussi les dignes enfants de la ville, à travers le triangle mystique, constitué des cimetières de Thiawlène, Diokoul et Dangou’’, assure Mansour Ngom. Pour nourrir ce pacte et ne pas fâcher les djinns, Rufisque organise chaque année son ‘’ndeup’’ annuel. Pendant cette période, les gardiens du temple discutent avec les djinns qui leur font des révélations pour sauver le pays. Cette année, l’un des messages phares a porté sur les raisons des échecs de l’équipe nationale de football qui peine à remporter des trophées. Selon ce marabout lébou très connu dans le milieu des ‘’navetanes’’ à Rufisque, c’est parce qu’un sort lui a été jeté depuis la Can-1992 tenue à Dakar. Il déclare : ‘’Quand je vois des gens penser qu’il nous faut des talents pour gagner, cela me fait rire. Cette équipe est mystiquement bloquée depuis 1992. Et les raisons du blocage se trouvent au stade qui se situe du côté de la Patte d’Oie. Tant qu’on ne l’enlèvera pas, on ne pourra rien gagner.’’ |
MOR AMAR