Alioune Ndoye persiste et signe
Face à la presse hier, le maire de la commune de Dakar-Plateau informe ses détracteurs qu’il compte rester droit dans ses bottes. Il a justifié le projet de reconstruction du marché Sandaga, non sans mobiliser ses troupes pour une victoire aux prochaines Locales, afin de déloger ceux qu’il appelle les ‘’fossoyeurs de Dakar’’.
Au cœur de la polémique née de la démolition du marché Sandaga, le maire de Dakar-Plateau a tenu à apporter sa version des faits. Alioune Ndoye persiste et signe : ce patrimoine historique classé revient juridiquement à la commune de Dakar-Plateau. Le ministre s’appuie, comme justificatif, sur l’Acte 3 de la décentralisation. ‘’Concernant le titre foncier, j’en appelle aux hommes et aux femmes de droit.
Quand est née la collectivité territoriale de la ville de Dakar ? S’agit-il de la même entité territoriale, juridiquement parlant, de la première commune de Dakar qui était alors administrée par un administrateur nommé ? Qu’est-elle devenue en 1972, puis en 1996, avec la création des communes d’arrondissement, puis, en 2013, avec l’Acte 3 de la décentralisation ? La ville n’a-t-elle pas été créée pour avoir une existence juridique par l’Acte 3 de la décentralisation qui ne reconnaît que la commune, le département et l’Etat central ? L’Etat avait-il dévolu le patrimoine de l’ex-ville de Dakar avant l’arrêté rectificatif de juillet 2020 ? Historiquement, y a-t-il un arrêté suivant un décret qui affecte le patrimoine de l’ancienne commune de Dakar à la ville de Dakar ? Qui est juridiquement la commune de Dakar dont on parle dans les années 2020 ?’’.
Autant de questions que l’élu local de Dakar-Plateau a énumérées dans l’attente de réponses de la part de pratiquants du droit. Le document brandi (titre foncier), selon Alioune Ndoye, par la ville de Dakar, porte depuis 1933 la charge d’affectation du marché communal. Cela a-t-il changé à ce jour ?, interroge-t-il. Il en vient à se demander pourquoi le marché Kermel, patrimoine classé plus vieux que Sandaga, est remis à sa commune dans le respect de ces mêmes textes et pas le marché Sandaga.
‘’Pourquoi ce qui est valable pour l’ensemble des marchés du Sénégal devrait être différent pour Sandaga ?, poursuit-il. Avec l’Acte 3 de la décentralisation, la gestion des équipements marchands de même que les infrastructures correspondantes ont été dévolues aux communes qui les abritent, à l’instar d’un seul marché dans tout le Sénégal, à savoir le marché Sandaga. Nous avions alors dénoncé cette situation au niveau de la commission ad hoc constituée pour la dévolution du patrimoine, mais aussi par plusieurs écrits. L’argument bancal qui nous était opposé fut que Sandaga n’était plus un marché, puisque délocalisé au Champ de courses, car menacé de ruine bien avant qu’il ne subisse deux gros incendies’’.
Le maire estime que l’argument du titre foncier ne peut plus prospérer, vu l’arrêté rectificatif de juillet 2020, rendant justice à la commune. Si avant l’Acte 3 de la décentralisation, la gestion des équipements marchands n’incombait pas à la commune de Dakar-Plateau, son maire souligne que néanmoins, elle s’est régulièrement impliquée en investissant pleinement dans leur propreté.
‘’La science m’a demandé de reconstruire’’
Par ailleurs, les études du projet de réhabilitation du marché Sandaga, apprend-on, ont démarré dès l’avènement de l’Acte 3 de la décentralisation, motivées par les incohérences de l’arrêté de démolition. Le maire de Dakar-Plateau précise n’avoir pas eu accès aux documents relatifs à ces monuments historiques. De l’étude, il est ressorti qu’il était aberrant de parler d’une réhabilitation d’une infrastructure qui n’avait plus de structure et déclarée en situation extrême de ruine en 2013. Les experts consultés ont, selon Alioune Ndoye, préconisé son évacuation complète. C’était avant qu’il ne subisse deux gros incendies. Et le ministre d’ajouter : ‘’Où étaient ces nouveaux défenseurs autoproclamés ? Un bâtiment en ruine sur plusieurs décennies, qu’on ne peut plus réhabiliter, on en fait quoi, si on veut le garder ? J’ai alors demandé la reconstruction à l’identique, car ce marché constitue la carte de visite de Dakar. Le 19 mai 2018, le projet prévoyait une reconstruction à la même place et une réorganisation du quartier et des activités commerciales. Au lieu d’être solidaire d’une commune en son sein, la villle de Dakar préfère combattre Alioune Ndoye’’.
En somme, munie de ‘’tous les avis nécessaires’’, l’autorité se dit convaincue d’avoir fait le bon choix. La sécurité sera de mise. Il est prévu un ascenseur, un parking souterrain, une bonne aération, une meilleure accessibilité et un centre commercial pour reloger les acteurs n’étant pas dans le bâtiment principal. ‘’Si la science m’avait confirmé que je pouvais réhabiliter, indique-t-il, je l’aurais fait comme je l’ai fait avec le service d’hygiène. J’ai dû agir face à une annonce de projet de réhabilitation qui ne se concrétisait jamais. La ville de Dakar doit se remettre au service des Dakarois et arrêter la fausse victimisation. Que les citoyens se posent les bonnes questions’’.
Dakar-Plateau liste ses réalisations
Visiblement, la bataille de récupération de ce marché historique ne date pas d’aujourd’hui. ‘’Dès notre élection, nous avons su auprès du maire de la ville que tous les marchés dans les différentes communes de Dakar ne rapportaient pas plus de 70 millions F CFA à la ville. Ainsi, j’avais proposé, sans succès, au maire de nous confier la gestion des deux principaux marchés du Plateau avec l’engagement que seul Dakar-Plateau lui rapporterait 70 millions’’, relate Alioune Ndoye qui pointe du doigt l’indifférence de la ville lors de l’exécution des principaux projets devant participer au rayonnement de Dakar-Plateau.
‘’Nous avons continué à porter ce combat, détaille-t-il, sans l’accompagnement de la ville qui n’a jamais soutenu le Plateau dans ses luttes pour la sauvegarde du patrimoine historique. Pour preuve, demandez-vous où était la ville au moment où on combattait durement et difficilement pour le maintien et la réhabilitation des bâtiments de l’ex-service d’hygiène. Aviez-vous alors, une seule fois, entendu ceux qui s’érigent aujourd’hui en gardien du patrimoine classé ? Ces gens ont-ils participé ne serait-ce que d’un copeck, quand le Plateau mettait plus de 700 millions pour la réhabilitation à l’identique de ce patrimoine historique classé de l’ex-service d’hygiène ? Les avez-vous déjà entendu une seule fois quand je m’érigeais contre les travaux de cette gare ferroviaire pour exiger que l’on me présente d’abord le projet envisagé pour m’assurer que l’infrastructure historique allait être réhabilité à l’identique ?’’.
A l’en croire, la commune de Dakar-Plateau a porté une longue liste de projets qui n’ont bénéficié d’aucun soutien de la ville de Dakar. On peut citer, entre autres, la réhabilitation de l’école Amadou Assane Ndoye (patrimoine classé) ainsi que l’école Mame Yacine Diagne, également patrimoine classé dont les travaux ont démarré en 2009 avec la coalition Benno Siggil Senegaal.
‘’Un complot’’ foncier qui aurait échoué
Pour le maire, il ne s’agit ni plus ni moins d’un complot qui a échoué. En effet, l’objectif serait de retirer le marché Sandaga de la commune Dakar-Plateau pour en dévoyer sa destination. La ville aurait prévu de construire sur le site un bâtiment moderne faisant office de musée, sauf que le Plateau est la commune du Sénégal où il y a le plus de musées. Le ministre de la Pêche affirme que ‘’ la ville ne peut pas montrer un seul projet de réhabilitation portant sur le marché Sandaga. De ce point de vue, la ville n’a aucune instruction dans son budget pour ce projet. La ville voulait clairement délocaliser ce mythique marché de sa place actuelle où elle voulait mettre un projet culturel pour amadouer les hommes de l’art. La seule et unique visée était de délocaliser le marché à Petersen avec un projet appelé la Rotonde et pour lequel elle avait emprunté 4 milliards F CFA à la Société générale. Cet emprunt a été consommé au titre du fonctionnement, sans aucune exécution du projet jusqu’à son remboursement’’.
Une faute de gestion que dénonce le maire. Il accuse et exige des explications quant à des projets qui n’ont jamais vu le jour : ‘’Qu’ont-ils fait des anciens ateliers communaux de la rue Laperine, avec la fameuse société Horizons SA ? Le questionnement s’allongerait inexorablement, allusion faite aux complexes commerciaux des quatre C, aux bâtiments de l’ancienne BAU, le cinéma El Malick récupéré par un privé, aux dizaines de villas appartenant à la ville, certaines sont en construction du temps de mon oncle maire Mamadou Diop, au stade Assane Diouf. Je me désole de devoir noter et faire retenir qu’ils devaient reconstruire le centre socioculturel construit par le Plateau dans l’enceinte du stade Assane Diouf, sur ce terrain de 1 500 m². Mais puisque tout était fait sur le dos de la commune, ils ont préféré suivre les mêmes lobbies qui se font entendre aujourd’hui pour ériger à la place ce qu’ils ont appelé la Maison des arts plastiques’’.
La liste des projets non exécutés comprend également l’agrandissement de la prison de Rebeuss, la réhabilitation de l’école élémentaire El Hadj Malick Sy (dévolu à la commune du Plateau depuis 1998) et du stade Iba Mar Diop. ‘’Qu’ont-ils fait concrètement ? Où en est véritablement le patrimoine de Dakar ? La mairesse de Dakar peut-elle nous dire si nos titres fonciers qu’elle veut brandir sont bien préservés aujourd’hui et que son percepteur les détient par-devant lui comme le lui demande la loi ? Elle doit nous répondre, du fait de ses responsabilités en ce qui concerne cette sauvegarde qu’elle brandit aujourd’hui. Nous attendons ses réponses quand nous allons l’interpeller sur une liste bien précise. Pourra-t-elle nous brandir les titres des dernières acquisitions, après des milliards que nous avons votés pour l’acquisition des terrains et d’usines ? D’où la ville tire-t-elle l’essentiel de ses revenus, si ce n’est au Plateau ? Et parlant de cadre de vie et de patrimoine, que l’on me cite et me le localise un seul investissement significatif fait par cette ville depuis 12 ans’’.
Une chose est sûre : les plaintes évoquées alimenteront la polémique foncière, à moins que la ville de Dakar réponde, preuve à l’appui, à toutes ces interpellations. ‘’J’appelle le maire de la ville à se ressaisir, insiste-t-il, en privilégiant uniquement les intérêts des Dakarois et d’avoir le courage de se libérer de ces affairistes. Je tends la main à ma famille politique, afin qu’on se prépare à gagner avec la manière toutes les communes de Dakar, pour libérer Dakar de ces mains inexpertes. Dakar n’a pas besoin d’immaturité et de violence’’, lance-t-il sur un ton tranchant.
Selon Alioune Ndoye, la lutte d’hier engagée pour les intérêts de Dakar par la coalition Bennoo Siggil Senegaal a laissé place à une lutte purement politicienne : ‘’Moi et ceux qui parlent aujourd’hui avons commencé cette lutte. Il s’agissait de principes et d’intérêts de la commune et non de lutte politicienne, comme voudraient le faire croire ceux qui sont en manque d’arguments contre moi. Nous avions bien commencé ensemble avant que cette ville ne tombe principalement entre les mains de ceux que j’appelle aujourd’hui les fossoyeurs de la commune de Dakar, n’ayant pas d’autres stratégies que de destiner ces ressources à leur hypothétique carrière politique dans leurs villes respectives. Listez moi dans cette équipe actuelle de la ville, les directeurs, les chefs de service candidats aux prochaines locales où sont-ils tous candidats pour les Locales qui s’annoncent ?’’
ALIOUNE NDOYE ‘’Aucune demande de certificat de résidence n’a enregistré de refus’’ Sans surprise aucune, le maire de Dakar-Plateau s’est prononcé sur la révision des listes électorales fortement critiquée dans sa commune. Il a balayé du revers de la main toutes les plaintes récentes, les qualifiant de contrevérités. ‘’Il n’y a qu’une seule commission de révision dans la commune et je n’y ai pas encore mis les pieds. Je ne connais pas les membres de cette commission. Il est question, ici, d’un transfert d’électeurs par certains, pour avoir une existence politique dans nos communes. Mais c’est le désenchantement avant l’heure. Avant l’ouverture de ces révisions, plus de 1 100 000 primo-votants avaient déjà leur carte d’identité et dans leur écrasante majorité, ils n’ont pas besoin de certificat de résidence pour s’inscrire, car ils ne font pas l’objet d’un transfert. Dakar-Plateau est la commune où il y a le plus d’inscrits et aucune demande de certificat de domicile n’a enregistré un refus de délivrance, même si certaines demandes paraissent étonnantes. Nous allons lutter contre le transfert d’électeurs’’. Dans la même veine, Alioune Ndoye invite ses administrés à une ’’union sacrée’’ pour faire face aux adversaires de Dakar-Plateau. |
EMMANUELLA MARAME FAYE