Publié le 9 Nov 2021 - 17:41
APRES PLUS DE 4 ANS DE DIALOGUE SANS SOLUTION

Les boulangers privent encore les Sénégalais de pain

 

Il n’y aura pas du pain aujourd’hui, encore moins demain et après-demain. Ainsi en ont décidé la Fédération nationale des boulangers du Sénégal (FNBS) et le Regroupement des boulangers du Sénégal (RBS). C’est leur façon de prouver que les conditions actuelles de production ne leur permettent plus de répondre à la demande nationale.

 

‘’Plus de 200 réunions pendant quatre ans ont prouvé notre patience et notre dévouement pour les consommateurs sénégalais. Elles ont permis de conforter nos convictions dans le dialogue et la recherche de consensus. Elles nous ont amené à taire pendant quatre ans la vérité du prix du pain. La FNBS et le RBS annoncent, par la présente déclaration, que les conditions actuelles de production ne permettent plus aux boulangers du Sénégal de répondre à la demande nationale. Il est décidé un arrêt collectif et national de production de pain du mardi 8 au jeudi 10 novembre 2021’’, a dit hier le secrétaire général de la Fédération nationale des boulangers du Sénégal (FNBS). Ndéné Ndiaye faisait face à presse hier à Dakar.

En sus de leur grève de 72 heures, lui et ses collègues de RBS ont mis sur la table du gouvernement leur plateforme revendicative. Les deux entités exigent de l’État du Sénégal qu’il procède à la révision de la structure de prix du pain à 1 F CFA le gramme et le référencement de nouveau format adapté à la rentabilité de la production, à l’application de la réglementation sur la production et la distribution de pains qui posent des exigences non-négociables en matière de livraison et de vente dans les boutiques, au règlement urgent et sans délais des revendications des meuniers sur le prix de la farine, désormais exposé à une spéculation dangereuse pour l’ensemble des acteurs de la filière.

Il est ainsi venu le temps, semble dire les boulangers, de reprendre tous les engagements non-respectés depuis 2017 et qui amènent la FNBS et le RBS à soulever publiquement la responsabilité directe des services de l’État dans la mise en péril de la filière boulangère. ‘’Cette décision d’arrêt de production, prise avec regret, est un avertissement des acteurs économiques de la boulangerie sénégalaise qui sont attachés à leur profession, à leur mission sociale et à leur survie économique. Il est temps, pour nos gouvernants, de prendre en compte le malaise continu de la boulangerie sénégalaise, qui est devenu insoutenable. Il est temps, pour les autorités gouvernementales, de dire la vérité à nos concitoyens sur le juste prix de la baguette de pain.

Le motif de l’effort national tiré des considérations politico-émotionnelles n’est plus acceptable. Le sacrifice imposé aux professionnels de l’un des métiers les plus vieux au monde, boulanger, n’est plus soutenable. Il est temps, pour l’État, d’accepter la multiplication et liberté de production des formats de pain demandés par les consommateurs. Pourquoi la boulangerie et ses vaillants travailleurs devraient-ils être les principaux bailleurs de fonds de la politique sociale de l’État. Nous aussi, comme les meuniers, nous ne pouvons plus continuer à subventionner le pain. Il est temps de considérer que le secteur de la boulangerie ne peut poursuivre la production de pain à perte’’, a tonné M. Ndiaye.

Pour lui, il est temps que les autorités gouvernementales prennent conscience de l’impact économique et social du secteur de la boulangerie qui couvre plus de 30 000 emplois directs et 40 000 emplois indirects. Leur perte serait une catastrophe sociale pour le pays. ‘’Pourquoi les boulangers devraient-ils être les entrepreneurs et travailleurs pauvres de la République ? Pourquoi l’État irait jusqu’à imposer des fournées qui plombent nos résultats, sous prétexte de protéger la baguette sociale ? Pourquoi on devrait augmenter les prix de l’huile, du riz, de la tomate et même des cubes, mais pas celui du pain sous le coup d’une structure de prix dépassée depuis plusieurs années ? Il n’est donc pas surprenant que la farine, qui représente l’essentiel de nos facteurs de production, tombe dans l’instabilité sans qu’aucune mesure d’accompagnement ne soit apportée aux boulangers du Sénégal.

C’est la preuve d’une marginalisation qui doit cesser. La corrélation entre la farine et la production de pain est telle qu’une augmentation du prix de la farine sans révision du prix du pain  n’est pas envisageable. Le maintien de la baguette de 190 grammes à 150 F CFA constitue le signal de la mort planifiée des boulangeries au Sénégal’’, prédit M. Ndiaye. Il pense que les effets de la Covid-19 aggravent leurs difficultés, tant la filière est ‘’négligée’’ et ‘’marginalisée’’ par les autorités de tutelle et de régulation du ministère du Commerce. Est-il normal, se demande-t-il, dans un pays comme le Sénégal, que les boulangers ne puissent pas vivre de leur travail ? Qu’est-ce qu’il y a d’anormal à garantir une rentabilité à leur activité qui emploie des Sénégalais qui ont le droit de gagner correctement leur vie ?, poursuit-il.

‘’Nous dénonçons avec la plus grande fermeté cette situation et rappelons à l’État sa responsabilité’’

D’après le SG, depuis maintenant trois jours, le sac de farine de 50 kg fait l’objet de fortes spéculations de la part des distributeurs. Dans certaines régions du pays, les boulangers sont obligés de cesser leur activité. ‘’Nous dénonçons avec la plus grande fermeté cette situation et rappelons à l’État sa responsabilité dans l’égal accès au pain pour nos concitoyens sur tout le territoire national. Ces difficultés d’approvisionnement et de production étaient prévisibles et nous n’avons cessé d’alerter sur la crise dans laquelle l’incurie des autorités a plongé tous les acteurs de la filière. Nous signalons à l’opinion publique que si le temps devait aider à régler les problèmes de la filière, nous serions en avance sur le reste du monde. A l’inverse, nous sommes en retard et en danger de mort pour un millier de boulangeries, à cause d’un État sourd et qui joue avec le temps des entreprises. Les concertations nationales (assises) du 18 décembre 2017 et surtout celles d’avril-juillet 2019 avaient pourtant établi un diagnostic complet de la situation en retenant officiellement un prix de la baguette de 190 grammes à 180 F CFA et le prix de la farine à 18 000 F CFA’’, a conclu M. Ndéné Ndiaye.

CHEIKH THIAM

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