Le pari du financement domestique
La Cosydep, en partenariat avec Actionaid et le Forum civil, mise sur le financement domestique ou interne pour permettre au secteur éducatif de se relancer, après les méfaits de la Covid-19.
Le secteur de l’éducation nationale souhaite devenir autonome et trouver des niches de financement différentes des bailleurs habituels. Un atelier a été organisé, hier, à cet effet, pour réfléchir sur le document de position sur la nécessité d’augmenter le financement domestique de l’éducation, dans le contexte de l’après-Covid-19. Pour les initiateurs de ce programme, seuls 10 % des ressources publiques allouées à l’éducation constituent des dépenses d’investissement, ce qui représente 2,4 % du budget de l’Etat et moins de 1 % du PIB. ‘’Ces déséquilibres font que des défis majeurs pèsent sur le système éducatif sénégalais : assurer l’équité dans l’éducation et améliorer la qualité de l’éducation. A ces défis, s’ajoutent les impacts non négligeables de la pandémie de la Covid-19 qui ont exacerbé des déficits dans le secteur’’, fait-on remarquer.
Cependant, le contexte actuel du Sénégal et marqué par des besoins énormes en matière d’éducation qui sont de plusieurs ordres. Il s’agit, entre autres, de la qualité des infrastructures, du déficit chronique en enseignants et des gaps en supports, en matériel didactique.
La présidente du Conseil d’administration de la Cosydep informe, à cet effet, que le document de position va permettre aux différentes parties prenantes que sont la Cosydep, le Forum civil et Actionaid de mettre sur la table une documentation argumentée par rapport au financement de l’éducation. Hélène Rama Niang reste d’ailleurs convaincue que le financement domestique est possible.
‘’Le document de position va acter et aussi permettre de savoir quels sont les acteurs clés qui doivent être mobilisés. Comment on va le faire et avec qui pour mettre en œuvre cette position. Ce document va être un support ou un outil pour nous permettre d’arriver à ce résultat et d’avoir aussi le moyen de pouvoir dialoguer sur la base de quelque chose de substantiel avec les autorités par rapport à cette problématique qui devient de plus en plus importante’’, souligne-t-elle. Madame Niang ajoute que ce document va à la fois identifier les niches, mais aussi les leviers pour arriver à ce financement domestique qui devra être créatif et ouvrir de nouveaux horizons.
Revenant sur l’impact du financement domestique dans le secteur de l’éducation, la PCA de la Cosydep assure qu’il donne plus de souveraineté. ‘’C’est une évidence. On ne va pas dépendre des bailleurs de fonds. Moins on va en dépendre, plus on aura cette latitude à développer ce qui nous est propre. Il n’y a que le financement domestique qui peut nous le donner, parce que tous les partenaires au développement donnent des fonds. Mais en retour aussi, il y a des conditionnalités qui peuvent parfois ne pas aller dans le sens de ce que nous voulons par rapport à l’école’’, précise-t-elle.
Etudes d’évaluation pour faire l’état des lieux post-Covid
A ce propos, l’experte en éducation, Awa Wade, estime que tout ne peut pas s’appuyer sur le financement externe. Il faut, à son avis, des mécanismes internes pour régler certaines questions. ‘’Il s’agit de financements durables et innovants qui s’adressent, en ce qui concerne le gouvernement, aux problèmes budgétaires et fiscaux, à l’équilibre entre les secteurs. Plus de 12 % du budget national est réservé aux dépenses personnelles. Le budget d’investissement ne fait que 10 %. Donc, c’est des réorientations qu’il faut par rapport à la fiscalité, penser à des taxes sur les produits de luxe reposant sur des questions d’éthique’’, soutient la syndicaliste.
Elle pense ainsi que pour assurer ce mode de financement, il faut s’appuyer sur le partenariat public-privé. Madame Wade est d’avis que les entreprises nationales doivent contribuer à l’économie nationale, précisément dans le domaine de l’éducation nationale, eu égard aux dysfonctionnements liés à leurs activités.
Toujours dans le tableau des bailleurs, elle pense également aux collectivités territoriales qui, à ses yeux, ont leur rôle à jouer en dehors des compétences transférées. ‘’Avec le problème de l’exploitation des ressources minières, je crois que c’est des niches de financement qui peuvent être utiles et mises à contribution au service de l’éducation et de la formation’’, rajoute l’experte. Il n’a pas aussi manqué de faire savoir que l’expérience de la Covid a engendré des surcoûts, car les perturbations n’ont pas épargné le secteur de l’éducation.
‘’On était obligé, avec les méthodes d’enseignement à distance, de faire des cours à distance ; ce qui a causé des problèmes aux élèves qui n’ont pas accès à Internet ou à l’outil informatique et tous les enseignants n’étaient pas préparés à cette situation’’, plaide-t-elle.
Madame Wade pense, à cet effet, que les autorités doivent penser à des études d’évaluation pour faire l’état des lieux post-Covid.
HABIBATOU TRAORE