“Aller bien au-delà de la seule et simple formulation théorique...”
L’Union africaine et l’Union européenne doivent maintenant aller bien au-delà de la seule et simple formulation ‘’théorique, incantatoire’’ de leurs priorités pour un partenariat plus fructueux. C’est-ce qu’a soutenu hier le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, lors de son allocution, à l’occasion de la cérémonie d’ouverture du 6e Sommet UE-UA, ouvert à Bruxelles.
La raréfaction des financements, en dépit de leur immense disponibilité potentielle renforce, selon le président de la Commission de l’Union africaine, l’obsédante question de la reprise économique. Moussa Faki Mahamat, qui prenait part hier, au 6e Sommet Union européenne-Union africaine, a relevé que le fait que leur partenariat ‘’n’a pas été capable’’, jusqu’ici, de réussir, en plénitude, cette mobilisation possible en faveur ‘’d’un vrai plan’’ de reconstruction et de modernisation, est ‘’franchement désolant’’.
‘’Qu’y a-t-il de plus urgent que de relever cet immense défi à l’intelligence, à l’inventivité, à nos talents d’innovation et à nos intérêts communs ? Je sais, au demeurant, que le nœud, ici, n’est pas la disponibilité des financements, mais encore et toujours le rassemblement des volontés politiques garantissant les meilleures affectations et surtout les systèmes d’une gouvernance mondiale juste et solidaire’’, regrette-t-il.
Pour le président de la Commission de l’UA, il est, certes, ‘’heureux’’ de constater le large consensus sur les priorités dans les domaines structurant leurs espérances communes que sont la recherche innovante de financements, la connectivité-digitalisation, les infrastructures, le changement climatique, la transition énergétique, la production des vaccins, l’agriculture et le développement durable, l’éducation, la formation professionnelle, la migration et la mobilité, l’intégration économique, la paix, la sécurité et la bonne gouvernance.
‘’Il nous faut maintenant aller bien au-delà de la seule et simple formulation théorique, incantatoire de ces pertinentes priorités. Bien que cette convergence euro-africaine déclaratoire constitue assurément un indicateur de cohérence dans une commune vision stratégique, elle pèche, cependant, pourquoi se le cacher, par un vrai décalage entre ses formulations discursives et ses retombées factuelles, pratiques, transformatrices du réel’’, renchérit M. Faki.
Si leurs échanges préparatoires de ce sommet ont été ‘’plus diversifiés, mieux articulés et conduits’’, le président de la Commission de l’UA note qu’ils ne sauraient occulter, au-delà de leurs convergences et de la solidité de leur consensus sur les priorités, des nuances d’écart de sensibilité. ‘’L’Afrique développe une diversité de partenariats qui n’a pas la même histoire, ni la même ampleur que celle de notre partenariat avec l’Europe. Ces nouveaux partenariats ne sont pas moins pertinents et avantageux pour l’Afrique et, de ce point de vue, sont dignes de respect et de prise en compte. La hiérarchie des priorités est un autre volet où les nuances s’expriment. A quelle place, dans la pyramide, situer, par exemple, la transformation structurelle des économies africaines par rapport à celle-là même des valeurs, des modèles et systèmes politiques ? Quelle place accorder à la formation des jeunes Africains et à leur mobilité pour la connaissance ? Comment occulter les nuances qui existent sur les problématiques de la transition écologique et des énergies fossiles ?’’, s’interroge Moussa Faki Mahamat.
L’équation de la mise en œuvre ‘’efficace et efficiente’’ des plans d’action
Le président de la Commission de l’UA a aussi souligné, lors de son intervention, qu’il se dégage du parcours jusqu’ici accompli par le partenariat Union africaine-Union européenne une ‘’préoccupation’’ sur le comment de la mise en œuvre ‘’efficace et efficiente’’ des différentes activités figurant dans les plans d’action. ‘’La lisibilité du partenariat ne pouvant être reflétée que dans des résultats tangibles. Ce souci du comment interpelle notre commune réflexion. A ce titre, l’Union africaine, pour sa part, voudrait partager son approche sur cet important aspect. Deux paramètres pourraient être conjointement pris en compte, à savoir, d’une part, les mécanismes de financement et, d’autre part, les mécanismes de suivi et d’évaluation des projets-programmes. Les mécanismes classiques ayant clairement affiché leurs limites, nos deux unions sont sollicitées pour en inventer de nouveaux plus souples, plus efficaces, plus producteurs de résultats. Elles devront surtout coopérer plus efficacement dans la lutte contre les flux financiers illicites et rapatrier les fonds issus de tels flux vers l’Afrique’’, soutient-il.
Moussa Faki Mahamat estime que la ‘’bonne pratique’’ d’évaluation périodique et régulière mérite d’être rapidement prise en compte, car elle offre le bénéfice de faciliter les ajustements conjoncturels requis et d’envisager l’avenir avec plus d’assurance, et de maitrise. ‘’De grands espoirs sont soulevés aujourd’hui par notre sommet. Les attentes qu’il suscite au sein des gouvernements, des élites et des peuples des deux continents sont réelles. Sera-t-il par ses décisions innovantes et courageuses ce sommet d’un partenariat rénové, revitalisé, nourri d’une âme nouvelle de pragmatisme créateur de projets concrets, structurants et transformateurs dont l’espérance a marqué ses travaux préparatoires ? Saura-t-il refonder les relations Afrique-Europe, dont le solide socle invite instamment à une adaptation à l’évolution mondiale vertigineuse où les exigences de rationalité, de technicité, de transparence, de redevabilité, d’égalité sont les vrais paramètres de performance et de modernité de la gouvernance ?’’, conclut le président de la Commission de l’UA.
MARIAMA DIEME