Le Sénégal parmi les pays en avance

En marge de la 22e édition de Clap Ivoire, une table ronde a été organisée à Abidjan pour faire l’état des lieux de la production, de la formation, du financement et de la distribution des œuvres cinématographiques dans les différents pays de l’espace UEMOA. Certains pays comme le Sénégal et le Togo, le Mali, le Niger et la Côte d’Ivoire pensent pouvoir être à jour, par rapport aux directives, d’ici la fin de l’année 2022, tandis que d’autres traînent encore les pieds. Plusieurs entraves au développement d’une industrie cinématographique forte au sein de l’espace ont été notées et des recommandations ont été faites.
Hier s'est tenue, à Abidjan, la cérémonie d’ouverture de la table ronde des directeurs chargés de la cinématographie de l’espace UEMOA. Tenue en marge de la 22e édition de la phase internationale du festival Clap Ivoire, elle avait pour thème ‘’Quelles stratégies communes pour une industrialisation efficiente du cinéma dans l’espace UEMOA ?’’. Au cours de cette rencontre, l’état des lieux de la production, de la formation, du financement et de la distribution des œuvres cinématographiques dans chaque pays de l’espace UEMOA est fait. Ce, en rapport avec les directives, car la phase d’évaluation est prévue en 2023.
A cet effet, des pays comme le Sénégal, le Togo, le Mali, le Niger et la Côte d'Ivoire pensent pouvoir être à jour d’ici la fin de l’année 2022. Quant aux autres pays, ils vont devoir accélérer la cadence.
Pour le cas du Sénégal, un comité technique national chargé de la transposition des directives a été institué. Il est à pied d’œuvre, selon Marie-Thérèse Satou Dione et Ndiaga Thiombane qui ont représenté la Direction de la cinématographie du Sénégal. On note dans ce pays 110 sociétés de production opérationnelles ainsi qu’un dispositif de financement opérationnel et alimenté. En outre, le mécanisme de distribution est jugé très dynamique avec des chaînes compétitives, 16 salles de cinéma, deux réseaux de cinéma ambulant et 12 festivals.
De même, en Côte d’Ivoire, Diomandé Lison Fall note que ‘’des réunions ont été organisées à Yamoussoukro, en juillet 2022, autour du secteur de la culture. Les réflexions sur la mise en œuvre des directives sont en cours’’. Il y a 35 sociétés de production opérationnelles, sept écoles spécialisées. De plus, le dispositif de financement est opérationnel et alimenté. Au Togo, la loi portant Code du cinéma et de l’image animée, votée le 29 septembre 2021, a pris en compte toutes les directives de l’UEMOA. Un rapport a été adressé à l’institution, d’ailleurs. Il y a une dizaine de sociétés de production et trois écoles privées spécialisées. Par rapport au dispositif de financement, un fonds est déjà créé. Mais il sera opérationnel en 2023. En ce qui concerne le mécanisme de distribution, il est jugé peu dynamique, avec des chaînes de télé pas assez compétitives, un réseau de trois salles opérationnelles, un cinéma numérique ambulant existant et des festivals de niveau international. Au Mali également, une réforme globale est en cours sur le cinéma. De nouveaux textes, dans lesquels seront intégrées les directives de l’UEMOA, sont en gestation, relève le directeur général du Centre national de la cinématographie du Mali, Fousseyni Maïga. Il y a une vingtaine de sociétés de production opérationnelles. Quant au mécanisme de production, il est peu dynamique, avec des chaînes qui n'achètent pas, deux salles de cinéma fonctionnelles sur neuf, un cinéma numérique ambulant existant et cinq festivals qui ont le mérite d'exister.
Par contre, en Guinée-Bissau, le processus pour la transposition des directives est en cours. Il y a une société de production opérationnelle. Pour ce qui est de la formation, l’on note l'inexistence d’école de formation dans le domaine du cinéma (audio). De plus, le dispositif de financement n'est pas opérationnel. Pis, le mécanisme de distribution est inexistant, avec des chaînes qui n’achètent pas et une absence de salles de cinéma fonctionnelles et de festivals.
Pour le cas du Niger, les deux premiers textes ont été transposés. Le troisième texte relatif à la production et à la circulation de l’image est en cours de transposition, d’après le directeur général du Centre national de la cinématographie du Niger, El Hadj Magori Sani. Dans ce pays, il y a une vingtaine de sociétés de production, mais aucune école privée spécialisée. Pour le dispositif de financement, le fonds créé n'est pas opérationnel. Cependant, le mécanisme de distribution est dynamique, avec des chaînes compétitives, une salle, un cinéma ambulant existant et trois festivals dynamiques.
La table ronde a noté l’absence des directeurs de la Cinématographie du Burkina Faso et du Bénin.
A l’issue de l’état des lieux, les participants sont tombés d’accord sur les pistes de solution pour une industrialisation efficiente du cinéma dans l’espace UEMOA. Les échanges autour de cette question ont porté, entre autres, sur la coproduction au sein de l’espace, l’harmonisation des textes, la mutualisation des efforts, le développement d’un marché sous-régional et un maillage territorial bien réfléchi concernant les festivals. Dans le cadre de la coproduction, le directeur général du Centre national de la cinématographie du Niger a présenté un projet de formation, de coproduction et de distribution intitulé UEMOA’Doc et sollicité l’adhésion des différentes directions de la cinématographie en vue d’un portage collectif. Un chronogramme de mise en œuvre, assorti d’un modèle économique assez innovant, a été proposé.
Toujours dans le cadre de la coproduction, le directeur général du Centre national de la cinématographie du Mali a présenté un projet de série télévisée intitulé ‘’Djata’’ qui retrace l’histoire de Soundiata Keita. Il a présenté le projet comme une alternative de coproduction susceptible de booster l’industrie cinématographique sous-régionale sous le prisme du secteur privé. Il a donc sollicité l’accompagnement des différentes directions chargées de la cinématographie pour l’accompagnement du porteur de ce projet.
Entraves au développement d’une industrie du cinéma
Par ailleurs, il faut dire que plusieurs entraves au développement d’une industrie cinématographique forte au sein de l’espace UEMOA ont été notées. Il s’agit, entre autres, de l’absence de coordination sur les questions relatives au cinéma entre les différents pays de l’espace ; l’insuffisance du nombre de marchés pour la valorisation des contenus produits par les différents pays de l’espace UEMOA. Mais pas que. Il y a aussi l’inexistence d’un fonds commun spécifique relatif à l’industrie cinématographique et audiovisuelle au sein de l’espace UEMOA ; la non-opérationnalisation de certains fonds nationaux de soutien à l’industrie cinématographique ; la non-effectivité d’un mécanisme efficace d’accompagnement juridique au profit des acteurs de la filière cinéma au plan local.
Néanmoins, quelques acquis méritent d’être accompagnés et renforcés, selon les participants. Il s’agit notamment des efforts déployés par la Côte d’Ivoire, par le biais du Fonsic et du fonds Clap ACP, dans le cadre de la promotion de la coproduction Sud-Sud ; des accords de coproduction déjà signés ou en cours de signature entre certains pays de l’espace UEMOA ; de la mise en place des fonds de soutien à l’industrie cinématographique dans presque tous les pays de l’espace UEMOA. Il est également question d'accompagner et de renforcer la dynamique enclenchée avec le programme Sentoo, mais aussi de la création d’un fonds pour les industries créatives par l’UEMOA.
Ainsi, des recommandations ont été adoptées. Les directeurs chargés de la cinématographie de l’espace UEMOA ont insisté sur le fait qu’il faut renforcer la coproduction sous-régionale, par le biais d’accords bilatéraux, multilatéraux et à travers les différentes sociétés de production et de distribution dans la zone. Ils demandent aussi l’harmonisation des différents textes sur l’industrie cinématographique dans l’espace ouest-africain, avec une attention particulière à la réglementation du secteur numérique.
Entre autres recommandations, il y a aussi la nécessité de renforcer le marché sous-régional à travers un maillage territorial bien réfléchi et tenant compte des potentialités de chaque pays ; mutualiser les moyens techniques, humains et financiers, et travailler en synergie ; développer la formation et valoriser les différents corps de métier de la chaîne de valeur cinématographique, créer un fonds communautaire de développement de l’industrie de l’image dans l’espace UEMOA ; favoriser la création d’un fonds de garantie sous-régional pour favoriser l’accès au crédit bancaire des entreprises de l’audiovisuel ; ouvrir la compétition de pitch Clap Ivoire aux candidats de tous les pays membres de l'intégration, en donnant l’opportunité à chaque pays de se faire représenter par un candidat au moins ; etc.
BABACAR SY SEYE (ENVOYÉ SPECIAL)