Publié le 3 Mar 2023 - 18:23
TROISIÈME CANDIDATURE DE MACKY SALL

Un enjeu international !

 

La candidature ou non du Président Macky Sall à un troisième mandat est l’objet d’une attention particulière à l’international. Selon les dernières révélations d’’’Africa Intelligence’’, Paris et Washington poussent pour une non candidature, tandis que certains de ses pairs de la CEDEAO voient d’un bon œil un autre mandat du Président sortant.

 

Osera-t-il vraiment tenter le coup ? La question reste sur toutes les lèvres. Malgré les nombreux signaux qui viennent du palais et qui vont dans le sens d’une troisième candidature du président Sall, certains observateurs continuent de rêver du contraire. D’autres tentent de le raisonner par rapport aux conséquences fâcheuses d’une telle décision. Ce serait le cas de certaines chancelleries occidentales, dont la France.

Selon ‘’Africa Intelligence’’, la question était au cœur des échanges entre le président sénégalais et son homologue français, lors de leur dernier déjeuner de travail, le 31 janvier à l’Élysée. ‘’Paris craint qu'un tel scénario n'envoie un énième signal de recul démocratique dans une région déjà fortement ébranlée par des coups d'État à répétition depuis 2020. Usant de son traditionnel tutoiement, Emmanuel Macron a tenté de convaincre Macky Sall de renoncer à sa candidature. En des termes très directs, il a mis l'accent sur les multiples possibilités de reconversion s'offrant à lui sur la scène internationale, puisque l'actuel président n'est âgé que de 61 ans’’, a révélé le magazine panafricain.

L’on peut, dès lors, se demander si Macky Sall choisira la voie des pourfendeurs de la limitation des mandats comme le président ivoirien Alassane Dramane Ouattara et l’ancien président de la Guinée, Alpha Condé, ou bien celle des défenseurs invétérés de la limitation comme l’ancien chef d’État du Niger Mahamadou Issoufou.

Si l’on en croit ‘’Africa Intelligence’’, c’est cette deuxième voie que l’Élysée souhaiterait plutôt tracer à son allié. ‘’Le pensionnaire de l’Élysée voit dans le président sénégalais la figure à même d'incarner l'alternance démocratique en Afrique de l'Ouest. Un rôle aujourd'hui occupé quasi exclusivement par l'ex-chef de l'État nigérien Mahamadou Issoufou, ardent défenseur d'une limitation à deux mandats pour les pays de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). Emmanuel Macron a pu étayer son argumentaire avec un exemple que connaît bien Macky Sall : celui de l'ex-président sénégalais Abdou Diouf. Après son départ de la présidence en 2000, il avait été élu secrétaire général de l'Organisation internationale de la Francophonie(OIF) en 2002…’’.

Pour autant, il ne faudrait pas s’attendre à ce que l’Élysée ou le Quai d’Orsay prenne publiquement position dans cette affaire avant tout sénégalo-sénégalaise. ‘’Une posture prudente largement mise en pratique en 2020, lors de la candidature d'Alassane Ouattara à la Présidentielle ivoirienne, informe ‘’AI’’. Officiellement, Paris ne souhaite pas intervenir publiquement dans des affaires de politiques intérieures et se range derrière les recommandations des organisations régionales. Une approche qui permet également d'éviter tout dogmatisme sur la question des troisièmes mandats à l'échelle du continent, à l'heure où la France est régulièrement accusée de mener une diplomatie "à géométrie variable’’.

La question reviendrait régulièrement dans les échanges entre Paris et Washington

Dans tous les cas, croit savoir le magazine, la question revient régulièrement dans les échanges entre Paris et Washington. Si pour Paris, de nombreux signaux laissent à penser que Macky Sall pourrait, selon toute vraisemblance, briguer un troisième mandat en 2024, Washington continue d'espérer qu'il puisse y renoncer. ‘’… Une partie de la société civile sénégalaise est par ailleurs en contact avec le National Democratic Institute (NDI), une ONG proche de l'establishment démocrate, qui finance et encadre une myriade d'acteurs de la vie publique africaine, parmi lesquels l'ONG Tournons la page. Cette dernière a fait de la limitation des mandats présidentiels sur le continent l'une de ses priorités. La situation au Sénégal est également scrutée de près par l'Africa Center for Strategic Studies (ACSS), un think tank rattaché au Pentagone. Dans une publication datant d'août 2022, ce dernier avait jugé la perspective d'un troisième mandat du président Sall "inconstitutionnelle" et "risquée pour le pays".

Une poignée de chefs d'État ouest-africains appellent de leurs vœux une candidature de Macky Sall

À ce jour, le président sénégalais semble sourd à tous les appels et les mises en garde. Il ne se passe presque plus un jour sans le voir, lui ou ses partisans, en train de poser des actes allant dans le sens d’une troisième candidature. Et pour tenter de légitimer sa candidature, il aurait invoqué, selon ‘’Africa Intelligence’’, les positions de ses pairs de la CEDEAO. ‘’Dans les faits, révèle ‘AI’, une poignée de chefs d'État ouest-africains appellent effectivement de leurs vœux une candidature de Macky Sall, au nom de la "stabilité régionale". Le chef de l'État ivoirien, Alassane Ouattara, ou encore le président togolais, Faure Gnassingbé, verraient ainsi d'un bon œil une réélection de Macky Sall’’.

Mais il faudrait sans doute se garder de généraliser. La chronique a, en effet, comme le rappelle le journal, souvent fait état de l’opposition manifeste du président de la Guinée-Bissau, Umaro Sissoco Embalo, actuellement à la tête de la CEDEAO. La question qui se pose est alors de savoir s’il va rester fidèle à ses principes ou tourner casaque pour faire plaisir à son ami ? Aux côtés du président bissau-guinéen, il y a aussi l’actuel chef d’État du Niger Mohamed Bazoum, connu pour ses postures légalistes. Il est aussi difficilement imaginable que des pays comme le Ghana, le Nigeria ou le Cap-Vert, qui ont fini d’assoir la limitation des mandats à deux, puissent soutenir une telle candidature.

MACKY-MACRON

La fin d’une époque !

Autrefois très complices, les deux présidents ne semblent pas être sur la même longueur d’onde, en ce qui concerne une éventuelle troisième candidature du chef d’État sénégalais. Avec les dernières révélations d’’’Africa Intelligence’’, certains symboles, a priori anodins, peuvent revêtir une tout autre signification. Il pourrait en être ainsi de la réception, par le président de la République sénégalais, de l’opposante la plus radicale à son homologue français, de la déclaration de Macron exhortant ses pairs africains à prendre en charge eux-mêmes leurs problèmes politiques, au lieu de compter sur la France qui n’est pas une assurance-vie. Sans parler du discours de plus en plus rassurant de Sonko envers les intérêts occidentaux et la France.

Macky Sall se présentera-t-il ou pas en 2024 ? Dans tous les cas, le président français Emmanuel Macron s’est voulu clair, lors de son dernier discours. Même s’il ne l’a pas visé directement, certains ont pensé au président sénégalais. Annonçant une réorganisation considérable dans la stratégie des partenariats militaires entre a France et l’Afrique, il a tenu à préciser : ‘’Les bases telles qu'elles se présentent aujourd'hui sont un héritage du passé. Elles sont un prétexte pour beaucoup d'opposants de la France et parfois un prétexte (pour des dirigeants) de ne pas régler les problèmes politiques sur le terrain. Quand on a une base avec beaucoup trop de militaires, on se dit : il y a là une assurance-vie ; ce n’est pas la peine de traiter politiquement un problème. La France n’est pas une assurance-vie aux règlements des problèmes des différents pays ; je le dis clairement. Le rôle de la France n’est pas de régler toutes les situations en Afrique ; je le dis tout aussi clairement. Et humblement.’’

Ces propos qui interviennent à la suite du déjeuner de l’Élysée avec son homologue sénégalais peuvent être sujets à toutes les interprétations. Ce, d’autant plus que ce dernier a jusque-là trainé les pieds dans la prise en charge de certains problèmes politiques qui durent depuis plusieurs années. Outre les exclusions du processus électoral de certains candidats comme Khalifa Ababacar Sall et Karim Wade, il lui est également prêté l’attention de vouloir écarter de la course pour 2024 l’un de ses plus farouches opposants, en l’occurrence le président de Pastef/Les patriotes Ousmane Sonko.

Tout cela arrive dans un contexte où le dernier nommé, grand pourfendeur des intérêts occidentaux, en particulier de la France, commence à diluer considérablement son discours va-t-en-guerre. Dans ses dernières sorties, l’opposant radical se défendait des accusations en ces termes : ‘’… Il y a eu beaucoup de manipulations des opinions, des partenaires bilatéraux comme multilatéraux, entretenues ici même par le régime, pour leur faire croire que l’opposition est irresponsable, extrêmement violente, foncièrement anti-occidentale ou française, manipulée par la Russie. Je puis vous assurer qu’aucun de nous ici n’a de contact avec aucune puissance étrangère.’’

Personnellement, insistait-il, ‘’depuis que je suis en politique, je ne suis en contact avec aucune puissance étrangère. Ni occidentale, ni russe, ni asiatique… Si nous insistons, c’est que nous pensons que, de plus en plus, notre discours est entendu. Je pense qu’il est de plus en plus compris également et c’est tant mieux. Au niveau multilatéral, des organismes internationaux commencent à s’intéresser à la situation préoccupante du Sénégal et ont produit des rapports. Sur le plan bilatéral aussi, nous pensons que les choses vont dans le bon sens. Nous avons tous vu la position des députés français sur le projet de loi sur l’entraide judiciaire et l’extradition. Voilà le genre de débat qui rassure l’Afrique. Cela prouve que nos partenaires comprennent de plus en plus le discours que nous véhiculons’’.

Audience à Marine Le Pen

Pendant qu’Ousmane Sonko rassure et se dit rassuré par le comportement de certains milieux occidentaux en donnant notamment l’exemple de l’Assemblée nationale française, Macky Sall, lui, posait un acte qui n’a pas manqué de susciter des interrogations, au vu des relations privilégiées entre le Sénégal et la France. Il en est ainsi de l’audience accordée à Marine Le Pen, leader de l’extrême droite, au moment où les tenants de ce courant raciste sont indésirables même dans certains milieux en France.

Est-ce une réaction face à des actes de l’Élysée ? Cela avait en tout cas choqué certains analystes avisés comme le journaliste Abdoulaye Cissé. ‘’Ce qui s’est passé est grave. Le président de la République qui reçoit Marine Le Pen au palais de la République. Cela ne se fait pas. Un chef d’État en exercice ne reçoit pas l’opposant à son homologue. Imaginez le contraire, un président étranger qui reçoit Ousmane Sonko. La seule hypothèse où cela peut être admis, c’est quand il s’agit de jouer une médiation, comme l’audience entre Embalo et Ousmane Sonko a été présentée. Le président de la République du Sénégal ne doit pas recevoir un opposant dans un pays étranger. A fortiori Marine Le Pen, avec tout ce qu’elle incarne comme idéologie’’.

MOR AMAR

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