Publié le 27 Jun 2023 - 01:10
DIALOGUE POLITIQUE

Entre 2021 et 2023, Macky Sall toujours au contrôle

 

Alors que les participants au dialogue national ont livré leurs  conclusions au président de la République, le pouvoir n’a cédé sur aucun point qui fâche la rue.

 

En mode ‘’Fast Track’’, le Dialogue national a rendu, hier, ses conclusions au président de la République, Macky Sall, qui l’avait lancé trois semaines plus tôt. Comme en 2021, il s’est clôturé à la veille d’élections (présidentielle en 2024) à la va-vite pour respecter les dispositions de la CEDEAO. Comme en 2021, il ira vers des modifications du Code électoral pour lâcher un peu de lest à l’opposition. Comme en 2021, enfin, la majorité n’a cédé sur aucune question qui fâche, le président de la République sortant encore renforcé de ces discussions.

Au palais de la République, devant les participants qui ont bien voulu répondre à son appel, Macky Sall a relativisé les conclusions du Dialogue national dont il a reçu le rapport final. ‘’Ces décisions ne sont que des recommandations. C’est au président de la République de décider de la pertinence de leur application’’, précise Macky Sall. Mais l’on se dirige de manière certaine vers une nouvelle modification du Code électoral. Le gouvernement étant sommé de se hâter pour que cette séance en procédure d’urgence se fasse avant que l’on ne rentre pas dans les six mois avant le 25 février 2024, date de la Présidentielle.

Des concessions accordées aux opposants

Le Dialogue national 2023 a cette similitude avec celui de 2019, terminé en 2021. Si celui-ci avait abouti à un toilettage du Code électoral, sans céder sur le parrainage et les candidatures des grandes figures de l’opposition de l’époque, le dernier conclave apporte quelques concessions.

 En effet, les modifications annoncées sur le Code électoral devraient permettre à Khalifa Sall et à Karim Wade de participer à la Présidentielle 2024.

En 2021, le président de la République avait catégoriquement refusé la suppression ou la modification des articles L31 et L32, base de l'inéligibilité des deux opposants, qu’une évaluation du processus électoral par des experts internationaux recommandait. Ces deux articles, devenus L29 et L30 du code 2021, ne seront toujours pas supprimés. Mais l’article  L.29 va être modifié pour y ajouter la limitation de l’inéligibilité permanente.

Ainsi, il sera inclus dans la loi que ‘’cette interdiction d’inscription sur les listes électorales ne concerne que ceux qui sont condamnés pour crime, trafic de stupéfiants et pour les infractions portant sur les deniers publics, à l’exception des cas prévus à l’article L28-3 du Code électoral. Pour les autres infractions, cette interdiction est de cinq ans après l’expiration de la durée de la peine prononcée’’.

La grâce présidentielle rajoutée au Code électoral

Mais ce qui est décisif pour la participation de Karim Wade et de Khalifa Sall dans le nouveau Code électoral à venir, c’est la modification de l’article L28-3 ainsi qu’il suit : ‘’’Aux personnes qui, frappées d’incapacité électorale à la suite d’une condamnation, bénéficient de la réhabilitation ou font l’objet d’une mesure d’amnistie ou de grâce. Pour les personnes bénéficiant d’une mesure de grâce, l’inscription sur les listes électorales ne pourra intervenir qu’après l’expiration du délai correspondant à la durée de la peine prononcée par la juridiction de jugement, s’il s’agit d’une peine d’emprisonnement ou d’une durée de trois ans à compter de la date de la grâce, s’il s’agit d’une condamnation à une peine d’amende.’’

Les candidats déclarés de Taxawu Sénégal et du PDS seront ainsi éligibles, leur période de condamnation épuisée et ayant tous les deux bénéficié d’une mesure de grâce présidentielle depuis plus de trois ans.

Toutefois, Karim Wade sort de ce dialogue avec une petite victoire personnelle, si le ‘’consensus sur le principe de la révision de l’arrêt de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei), en date du 23 mars 2015, conformément aux instruments juridiques en vigueur’’, est mis en œuvre.

Le parrainage allégé, moins contraignant pour les partis représentatifs

D’autres avancées par rapport au Code électoral 2021 sont notées sur le parrainage. Jadis réclamés pour 0,8 et 1 % du fichier général des électeurs en 2021, les consensus au dialogue 2023 ont permis un allégement à un pourcentage de 0,6 à 0,8 % du nombre d’électeurs. Mais l’avancée majeure est que le parrainage ne sera plus exclusivement citoyen. Il intègre désormais le parrainage par des élus.

En effet, un accord a été trouvé portant sur ‘’le parrainage de 8 % des députés correspondant à 13 parlementaires pour l’actuelle législature’’, ou ‘’de 20 % des chefs d'exécutif territoriaux correspondant à 120 maires et présidents de conseil départemental présentement’’.

Le Dialogue national 2023 s’est tenu dans un contexte bien plus tendu que celui de 2021. Et beaucoup de questions qui agitent l’actualité politique depuis plusieurs mois ont bien été inscrites sur les termes de référence de la commission politique du dialogue, comme les ‘’candidatures à l’élection présidentielle et aux élections législatives’’, ‘’la question de la candidature du président sortant’’, ‘’le rôle et la place de la justice dans le processus électoral’’ ou encore ‘’l’arrêt des poursuites et de la libération des détenus’’ politiques, etc.

Macky reste au contrôle

Ces questions sur lesquelles le pouvoir est souvent pointé du doigt, aucune avancée majeure n’a été notée. Si les trois-quarts des participants (non-alignés, opposition et société civile) affirment la nécessité d’un organe indépendant d’organisation des élections avec une personnalité consensuelle à sa tête, la majorité retient que le système actuel a suffisamment produit des résultats appréciables, gages de la crédibilité de notre système démocratique. Ce point n’a pas évolué depuis 2021 et c’est bien le ministère de l’Intérieur qui va organiser la Présidentielle 2024.

D’autres points refusés par la majorité présidentielle sont le retrait du cumul de la fonction de chef de l’État et de chef de parti ; la déchéance électorale comme peine complémentaire et l’arrêt des poursuites et la libération des détenus politiques.

Quant au rôle et la place de la justice dans le processus électoral, de même que la modification de l’article L57 du Code électoral relatif aux conditions d’éligibilité, d’inéligibilité et d’incompatibilité, ces points n’ont pas été discutés.

Bien qu’ayant fait quelques concessions à l’opposition politique, le Dialogue national 2023 n’a réglé aucun point justifiant la tension politique grandement liée à une troisième candidature de Macky Sall et aux menaces qui pèsent sur la candidature du leader de Pastef Ousmane Sonko.

Troisième mandat, candidature de Sonko : des questions différées à plus tard

Au Dialogue national, il a été aussi question de la candidature du président sortant qui doit être ramenée ‘’au respect de la Constitution, des lois et règlements’’. Position adoptée par les non-alignés, l’opposition, la majorité et la société civile. En d’autres termes, il faudra laisser le Conseil constitutionnel décider des candidatures qui seront déposées en décembre prochain.

Malgré cela, chaque pôle a rappelé sa position sur la question.

Quant au leader de Pastef, qui a rejeté ce Dialogue national, il est toujours sous résidence surveillée, au moment où des membres de la direction de son parti sont emprisonnés. La situation sur son éligibilité ou pas reste floue, après ses condamnations à six mois de prison avec sursis pour diffamation et à deux ans de prison ferme pour ‘’corruption de la jeunesse’’, dans une affaire de viol présumée.

Lamine Diouf

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